Yann Arthus-Bertrand : «Pardon à la jeune génération»

Extrait de «Legacy» © RTL Belgium/Dorothée Martin/Yann Arthus-Bertrand
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

Au cœur de sa «Semaine verte», RTL-TVI propose un bijou de documentaire. Pour son réalisateur, notre Terre en héritage est un cadeau empoisonné.

Après «Home» en 2011, le cinéaste et militant écologiste, Yann Arthus-Bertrand (75 ans), poursuit sa visite de la planète avec le doc «Legacy, notre héritage», à voir ce mercredi à 20h30 sur RTL-TVI. Au départ de ses voyages au Kenya, quand il avait à peine 20 ans, il dresse l’état de cette Terre transmise aux générations futures. Un inventaire très peu glorieux…

«Quand j’ai commencé le film, personne n’en voulait», explique-t-il. «France Télévisions me trouvait trop négatif, ils ont refusé le financement.» C’est alors M6 qui a accueilli le projet. À raison : près 2,5 millions de Français l’ont regardé, en janvier dernier ! La prise de conscience commence par là…

S’ils le pouvaient, les jeunes devraient-ils refuser ce testament ?

Ils font bien de manifester ! On parle de notre survie, de la sixième extinction de masse, de la fin du monde… Pour ma génération, cette disparition était de l’ordre de la science-fiction. Aujourd’hui, les scientifiques le martèlent : «Attention, la fin du monde : on y va !». Et ça fait dix ans qu’ils le rabâchent. La réalité n’est pas comprise derrière les mots. Les inondations en Belgique, les incendies en France, le dôme de chaleur au Canada… Chaque année, la Terre brûle. Le climat tempéré qu’on a eu pendant 20.000 ans est parti à jamais.

En voulez-vous aux hommes politiques ?

Non, ils sont le miroir de ce que nous sommes. Nous devrions tous faire des efforts pour le climat. Nous vivons dans des pays avec des gens très riches. Quand on a plusieurs centaines de millions d’euros, on devrait penser au climat. Peu d’entre eux le font… C’est pourtant plus facile de donner quand on a beaucoup d’argent que quand on en a peu.

Pourtant nous avons connu des vagues vertes lors d’élections…

L’écologie, ce n’est pas de la politique, c’est une utopie. On se bat contre un capitalisme dont on dépend tous. On en vit et on consomme… C’est difficile de se combattre soi-même. Construire un monde, dans lequel on ne s’entend pas, c’est impossible. En France, le candidat des Verts pour l’Élysée prône une décroissance. C’est inaudible ! Personne n’en a envie. Ce n’est pas ainsi qu’il faut présenter l’écologie. L’écologie, c’est aimer la vie et les animaux, tout simplement. Je parle souvent de la banalité quotidienne du mal : on mange de la viande industrielle, c’est mauvais pour la planète, mais on le fait quand-même. Nous ne sommes pas assez radicaux.

Soutenez-vous la militante suédoise Greta Thunberg ?

Elle est incroyable et elle a entièrement raison. C’est une ado qui nous a dit ce qu’il fallait faire (ndlr : Greta a 18 ans). C’est fou cette intelligence. Derrière Greta, on voit l’angoisse des jeunes d’aujourd’hui.

Qu’avez-vous envie de leur dire ?

(Ému) Pardon… La génération qui arrive sait que, pour elle, demain sera très compliqué. Et ce qu’il ne faut surtout pas leur dire, c’est de porter le poids du monde. C’est à nous, les adultes, de le faire. Eux sont les peuples de demain. Si la société actuelle n’est pas exemplaire, comment voulons-nous que les enfants le soient ? ! 

Cet article est paru dans le Télépro du 14/10/2021

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