Yann Arthus-Bertrand débarque sur Arte pour «Winter of forests»

Le photographe de retour sous les projecteurs © Isopix

Films, documentaires, magazines : du 12 au 25 janvier,  à l’antenne et sur le Web, ARTE sillonne les forêts du monde entier à travers une programmation spéciale présentée  par Yann Arthus-Bertrand.

Fervent défenseur de l’environnement et président de la Fondation GoodPlanet, le photographe Yann ArthusBertrand présente le foisonnant “Winter of forests” d’ARTE, consacré aux poumons verts de la Terre. Entretien.

Pourquoi avoir accepté de présenter  cette programmation ?

J’aime la façon dont ARTE résiste à la tyrannie de l’audience et ne craint pas d’aborder la complexité. Par ailleurs, je suis très attaché à la préservation du monde sauvage. La forêt représente pour moi l’un des rares endroits désertés par l’homme et protégés, en grande partie, de ses activités.

Aujourd’hui, les forêts sont en première ligne  face au changement climatique…

On le sait, les arbres jouent un rôle essentiel dans l’équilibre de nos écosystèmes, notamment en stockant le carbone. Pourtant, chaque année, on détruit dans le monde en forêts primaires l’équivalent de la superficie de la Belgique, principalement pour cultiver les céréales nécessaires à l’alimentation des animaux destinés à la production industrielle de viande. En France, les forêts souffrent d’épisodes de sécheresse répétés et les forestiers aujourd’hui s’inquiètent du dépérissement des chênes et des hêtres, particulièrement touchés. C’est d’autant plus préjudiciable que le parc forestier français a grandi, à la différence d’autres zones de la planète. 

Comment s’est façonnée votre conscience écologique ?

Après avoir travaillé, à 20 ans, dans une réserve écologique, je suis parti en Afrique étudier le comportement des lions. J’ai vite réalisé la nécessité de protéger notre planète, même si, à l’époque, nous ne parlions pas encore de changement climatique. Al Gore l’a évoqué en 2006 dans le documentaire de Davis Guggenheim, Une vérité qui dérange. Un an auparavant, j’avais créé la Fondation GoodPlanet pour lutter contre le réchauffement en finançant des projets d’alternative durable, grâce à la “compensation carbone volontaire” d’entreprises, de collectivités ou de particuliers. Je pensais que le monde comprendrait l’urgence de la situation. Mais aujourd’hui, les concentrations en CO2 dans l’atmosphère viennent de franchir de nouveaux records. La crise de la biodiversité est telle que, selon les scientifiques, nous sommes entrés dans la sixième extinction de masse. C’est insensé ! 

Pourquoi n’arrivons-nous pas à inverser la tendance ?

Prisonniers de notre modèle de croissance, qui nourrit nos emplois et notre pouvoir d’achat, nous développons des comportements paradoxaux. On s’émeut du sort de l’Amazonie tout en continuant à consommer de la viande industrielle. En ce sens, nous avons les hommes politiques que nous méritons, ceux-là mêmes qui signent les Accords de Paris sans y faire mention des mots “charbon” ou “pétrole”. Ayant moi-même émis énormément de carbone dans ma vie, je ne veux pas donner de leçons. Mais ayons le courage de dire la vérité en face : nous avons perdu la bataille du changement climatique.

Les marches pour le climat ne sont-elles  pas porteuses d’espoir ?

L’espoir freine le radicalisme. Se dire que nous trouverons un jour la solution empêche d’agir frontalement. Demandons-nous comment chacun peut s’engager pour la planète. Pourquoi étions-nous, l’année dernière, à Paris, seulement cinquante mille personnes à marcher pour le climat et près d’un million et demi à accueillir l’arrivée des champions du monde de football sur les Champs-Élysées ? Inspirons-nous de l’attitude de Greta Thunberg : grâce à sa force de conviction, elle nous montre la voie à suivre. 

L’humanisme se situe au cœur de votre prochain documentaire, «Woman», en salles le 8 mars…

Le film interroge la place des femmes dans le monde. Avec la réalisatrice Anastasia Mikova, nous avons tourné deux mille entretiens, pendant trois ans, bien avant le déclenchement du mouvement #MeToo. C’est un document sur l’amour, la maternité mais aussi la violence. Je travaille également à la préparation de deux autres projets : Legacy, la suite de Home, et France, histoire d’amour, une ode à la République au travers de portraits de Français.

Propos recueillis par Clara Le Quellec

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