Vincenzo Ciuro (RTL sports) : «La Formule 1 n’a rien à faire sur le service public !»

Vincenzo Ciuro et Anne Ruwet © RTL Belgium/Olivier Pirard
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

Un été sportif intense mais compliqué pour RTL qui n’a pas les droits des grandes compétitions. On en discute avec le directeur de RTL sports.

L’Euro, le Tour de France, les J.O…. tout ça est sur la RTBF ou France Télévisions. Est-ce que 2024 est un été pourri pour RTL ?

Ça va dépendre de la météo. Si je peux profiter du temps pour faire du sport à l’extérieur, mon été sera réussi… (rires) Sérieusement, on sait bien que les années paires sont toujours compliquées pour nous. Ça fait partie du jeu. Nous sommes ambitieux à RTL sports, mais quand on voit ce qu’il y a «en face», on est un peu envieux. On aimerait récupérer une petite partie du marché. Un jour, ce sera peut-être un peu moins disproportionné que la situation actuelle en Belgique francophone. Tant mieux pour la RTBF qui profite d’événements exceptionnels…

Vous pensez à un partage des droits comme en France (entre TF1 et M6) ?

Pourquoi pas ? La Coupe du Monde de football va passer à un format de 64 à 104 matches. Il y a le prix d’achat mais aussi le coût de production pour les suivre. Quelle télévision est capable d’assumer tous ces coûts ? Visiblement, la RTBF a les moyens, mais ça pose question en termes d’argent public, d’une manière ou d’une autre… La situation est ce qu’elle est en 2024, mais elle doit évoluer.

Vous êtes à la tête de RTL sports depuis deux ans. Un premier bilan ?

C’est positif. Nous avons développé une stratégie qui répond aux attentes des gens, c’est-à-dire, avoir sur RTL une plus grande variété de compétitions à offrir aux amateurs. On a réalisé quelques coups, je pense aux classiques flandriennes de cyclisme qui vont arriver, l’année prochaine. Nous avons diversifié nos contenus, et nous avons osé prendre des risques avec «Dans le vestiaire». Nous avons réussi des encadrements, notamment sur le cyclisme, alors qu’on nous attendait au tournant. Si on prend le hockey ou le padel, ils sont traités de manière qualitative. RTL a renforcé l’image de RTL sports et la crédibilité de sa rédaction, et nous restons dans une dynamique positive. Nous avons la position d’outsider, et ça me convient très bien…

Le public vient facilement sur RTL sports quand une nouvelle compétition y débarque ?

Bien sûr, il faut changer les habitudes. Ce n’est pas un réflexe de se brancher sur RTL club pour suivre du cyclisme. Je vous l’accorde. C’est à nous de communiquer correctement, à guider le téléspectateur et montrer pourquoi on investit ou montrer la qualité de nos commentaires. C’est clair : ça prend du temps. On ne modifie pas 50 ans d’histoire du sport à la télé, en deux fois 12 mois ! Avec Anne Ruwet, Emiliano Bonfigli, Renaud Terreur et des externes comme Mathieu Istasse et Marc Delire, nous prouvons qu’en termes de commentateurs et de journalistes, ça tient la route. Je suis très heureux de mon équipe qui est très pro et qui correspond à ce que je veux mettre à l’antenne.

L’impasse sur les J.O. de Paris

Pour l’Euro de Foot, RTL propose «Dans le vestiaire». Et pour les J.O. de Paris ?

On ne fera rien dans ce goût-là. C’est un autre type de compétition pour un plus grand public, et qui traite une multitude de sports. C’est compliqué de faire un studio autour de ce type d’événement, mais il y aura un suivi dans les rendez-vous d’information. On va créer une capsule (sur bel RTL et le digital, NDLR) sur les belles histoires du sport où il y aura une large page dédiée aux Jeux olympiques et les athlètes belges. C’est quasi impossible d’en faire plus, déjà parce que les droits à l’image sont horriblement chers, même pour du news. Pareil pour l’envoi des journalistes sur place… On doit faire des choix, et nous ne trouvons pas pertinent d’investir sur les Jeux juste pour concurrencer la RTBF. En plus, France Télévisons va tout diffuser, c’est une difficulté supplémentaire, et dans ces conditions, on préfère passer notre chemin…

Est-ce que pour les classiques cyclistes qui arrivent l’an prochain, vous allez envoyer des journalistes sur place ?

C’est mon ambition. Ce type de compétition, ça se vit avec les gens pour les gens. On ne pourra pas le faire sur toutes les courses, mais pour les grands moments, j’ai envie qu’on soit sur place, qu’on fasse des interviews et du reportage. Bref, qu’on occupe le terrain.

Au niveau des droits, il y a d’autres «surprises» qui se préparent à RTL ?

(Rires) Je n’ai pas de boules de cristal. Je répète que RTL Belgium est ambitieux pour le sport et on essaie de se positionner là où c’est possible…

Une option sur la F1

Par exemple la Formule 1 qui est plutôt diffusée sur les chaînes privées, sur d’autres marchés…

Pour moi, la Formule 1 n’a rien à faire sur le service public. Ce n’est pas dans leur ADN, aussi avec les missions qui leur incombent. Ce sport, à mon sens, devrait se retrouver sur une chaîne privée ou une chaîne à péage. J’espère qu’à l’avenir, on va réussir à bouleverser les codes. Nous étions intéressés, lors de la dernière négociation avec les détenteurs de droits, mais c’est arrivé trop vite quand Guillaume Collard et moi avions pris nos fonctions. Nous n’avons pas su prendre le dossier en main, il était déjà trop tard. Pour le prochain cycle, on se posera clairement la question.

Quelle serait la compétition dont vous rêvez pour RTL club ?

À choisir, je prendrais la Coupe du Monde de football. Pas dans son entièreté, je suis partageur. Je n’aurais aucun problème avec ça… Ce serait plus intelligent pour tout le monde en termes de réduction des coûts et de l’occupation du terrain. Roland-Garros me tente aussi… Avec la F1, si demain je peux les récupérer, je le fais tout de suite !

Pourtant RTL a eu Wimbledon…

C’est compliqué parce que c’est un événement qui arrive au début de l’été, et les années paires, c’est difficile d’exister entre le Tour de France et le foot. Du vélo l’après-midi et des matches de l’Euro ou de la Coupe du Monde en soirée, on arrive juste à aller chercher les amateurs de tennis, alors que c’est un sport grand public.

Entretien : Pierre Bertinchamps

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