«Un silence si bruyant» : 2 questions à Emmanuelle Béart
Victime d’inceste dans sa jeunesse, Emmanuelle Béart (60 ans) a voulu faire un film sur les ravages de l’inceste et le combat des victimes, accompagnée de la réalisatrice Anastasia Mikova. Un documentaire à voir ce mercredi à 20h20 sur La Une.
Pourquoi avez-vous souhaité prendre la parole sur ce sujet ?
À ce moment de ma vie de femme, je ne supportais plus le silence et le doute familial, le doute du corps social. Je savais que notre silence, le silence des victimes d’inceste, profite aux agresseurs, les protège. Ce silence crée des cercles de mutisme, familiaux, sociaux, politiques… Mais jusqu’ici, j’avais peur de prendre la parole… Pour avancer dans ma vie, j’ai été dans une sorte de dissociation : d’un côté la femme qui se construit, fait des enfants, qui a une carrière et de l’autre l’enfant en souffrance qui ne grandit pas. Je devais apporter une réponse à ce sentiment de désamour de soi, comme un ennemi qui vivait en moi… Je voulais montrer des parcours de celles et ceux qui ont décidé d’agir. Ils sont à différents moments de leur vie : une petite fille de 10 ans qui a osé confronter son père au tribunal, une femme de 50 ans qui s’est engagée dans une longue et douloureuse thérapie, un homme qui a osé porter plainte des décennies après les agressions, une jeune femme qui témoigne de son inceste sur scène !
Que souhaitez-vous que ce film apporte aux victimes et à la société ?
Il faut comprendre que ce n’est pas nous qui faisons du mal en prenant la parole mais ceux qui nous ont imposé le silence ! Parler, c’est lutter contre l’emprise… Je ne veux pas d’une société du silence sur ce sujet. Nous devons penser une réponse politique et sociétale. L’inceste est un traumatisme collectif !
Cet article est paru dans le Télépro du 28/9/2023
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