Un éléphant ça marque énormément

Les rôles étaient écrits pour chaque membre du quatuor (de g. à dr.) : 
Victor Lanoux, Guy Bedos, Jean Rochefort et Claude Brasseur © Prod.

Vous trouvez qu’il est ringard ? Qu’il a mal vieilli ? Rediffusé ce lundi à 20h50 sur Arte, le film «Un éléphant ça trompe énormément»
a pourtant marqué l’histoire du cinéma.

C’est un film où les messieurs portent des costumes en velours rouge, passent leurs appels téléphoniques depuis des cabines publiques, fument dans les avions et vouvoient la femme avec laquelle ils viennent de passer la nuit. Un film où les ados citent Flaubert et où les télés fonctionnent avec une petite antenne qu’il faut ajuster sans cesse… Sorti en salles en septembre 1976, «Un éléphant ça trompe énormément» aura bientôt 50 ans. Et ça se sent. Il est pourtant sans cesse rediffusé avec succès. En 2017, au soir du décès de Jean Rochefort, c’est ce film que France 2 choisit de programmer pour rendre hommage au comédien. Et ce lundi, c’est Arte, la chaîne culturelle, qui le ressort des placards. Car si «Un éléphant…» a vieilli, il reste un classique du cinéma comique français.

Entre Pompidou 
et Giscard

«C’est l’histoire très agitée des démêlés de certains hommes avec certaines femmes qui ne sont pas nécessairement les leurs», explique la bande-annonce. L’histoire d’un fonctionnaire quadragénaire qui envisage de tromper son épouse pour la première fois de sa vie. Et autour de lui, trois amis qui vivent d’autres péripéties. Le rôle principal est confié à Jean Rochefort. «Les dialogues m’allaient à merveille», dira-t-il. «Ceux du bourgeois type de ces années-là, entre Pompidou et Giscard, que je représentais aux yeux des Français.» Le scénario et les dialogues sont signés Jean-Loup Dabadie, la réalisation Yves Robert.

Un film de potes

Yves Robert a déjà remporté de gros succès avec «La Guerre des boutons» (1961), «Alexandre le bienheureux» (1967) et «Le Grand blond avec une chaussure noire» (1972). Il n’a jamais travaillé avec Dabadie, mais ils sont amis. Un jour qu’ils déjeunent, Dabadie se plaint du star-system, des Delon et des Belmondo qui imposent leurs caprices sur les tournages. Il lance alors l’idée de faire un film de copains. «Des amis avec lesquels on aime manger et rigoler, pas des égoïstes qui écrasent le budget par la folie de leurs cachets», explique Dabadie. Le casting est établi : Jean Rochefort, Guy Bedos, Claude Brasseur et Victor Lanoux. Les rôles sont écrits expressément pour chacun. Ce sera un film de potes. Et son succès sera tel qu’il créera un genre : le film de bandes, dont «Le Cœur des hommes» ou «Les Petits mouchoirs» sont de dignes descendants. Avec le temps, la société évoluant, les bandes d’hommes s’ouvriront peu à peu aux femmes.

Brasseur en homo

«Un éléphant…» est aussi la première comédie grand public à évoquer l’homosexualité de manière anodine. Durant plusieurs décennies, de nombreux pays interdisaient toute allusion à l’homosexualité au cinéma. La France échappait à la règle, mais les réalisateurs s’autocensuraient sur le sujet. Quand l’homosexualité était évoquée, c’était soit une déviance mortifère, soit un sujet de grosse rigolade. Comme dans «La Cage aux folles» qui remportait un vif succès au théâtre depuis 1973. Dabadie a l’idée de mettre un personnage homosexuel dans la bande et de le confier à l’acteur qui lui semble le plus viril du casting : Claude Brasseur. L’agent de Brasseur lui déconseille d’accepter ce rôle. Il pourrait nuire à sa carrière. Pierre Bénichou, pressenti pour jouer son amant en une seule réplique, préfère d’ailleurs décliner. Brasseur, lui, accepte. À condition que cet homosexuel soit Monsieur Tout-le-Monde. Il lui vaudra un César !

Cet article est paru dans le Télépro du 11/7/2024

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