Thierry Michel («L’Empire du silence») : «Des images tragiques et insoutenables !»

Image extraite du film de Thierry Michel © Prod.

Mercredi à 20h25, La Une propose une soirée événement avec un documentaire choc, «L’Empire du silence».

Réalisé par Thierry Michel, le film dénonce les violations des droits humains en RDC et l’indifférence de la communauté internationale.

«L’Homme qui répare les femmes» (2015) devait être votre dernière œuvre sur la République démocratique du Congo. Votre ami, le Dr Mukwege (héros du film précité), vous a alors persuadé de réaliser «L’Empire du silence». Comment ?

J’étais fatigué et même désespéré. Il m’a regonflé en disant : «On a fait un film sur les victimes et quasiment rien n’a changé. Il faut en consacrer un aux impunités et aux responsables de ces crimes !» On devait briser le silence, donner la parole aux victimes. J’ai presque toujours eu des ennuis durant mes tournages, mais là, j’ai pu converser avec les témoins assez librement. Et ils ont enfin nommé leurs bourreaux ! Hélas, parler sans concession de présumés criminels m’a fermé pas mal de portes pour la diffusion du film. Il y a eu des blocages institutionnels et diplomatiques.

S’expliquent-ils par le fait que vous choisissez, cette fois, de montrer des images plus dures ?

Au niveau institutionnel, comme les Nations unies, non, puisque ces gens-là ont vu des reportages très rudes. Pour les télés et le grand public, j’ai tout de même opéré des choix en amont. Et c’est très difficile. Je reçois quantités d’images des Congolais qui me font confiance. Mais je ne peux pas, par exemple, montrer une femme qu’on viole avant de la décapiter. C’est trop immonde. Pourtant, il m’a fallu certaines images à l’appui, comme lorsqu’on présente des pièces à conviction devant un tribunal.

À chaque tournage, vous prenez d’énormes risques !

J’ai été arrêté à plusieurs reprises, placé dans des casernes, des prisons. Mais c’est mon métier et son côté journalistique. Je pense avoir une forme d’inconscience qui me protège. Quant à la résilience, elle est plus difficile à faire quand j’ai été face à de terribles témoignages. Ils m’affectent et me rendent souvent incapable de tourner durant 24 heures. Je ne sais pas regarder «L’Homme qui répare les femmes». Sinon je craque et je suis incapable de donner une conférence après la projection. Avec «L’Empire du silence» aussi, il y a les images que je montre et celles que j’ai vues à côté. Et j’ai croisé tant de gens que j’aurais voulu secourir, mais j’ai dû quitter leur région… C’est tragique.

Le fait que les victimes commencent à se regrouper, à s’exprimer, vous répare-t-il ?

Au Kasaï, voir le niveau de solidarité et d’organisation, surtout des femmes, met du baume au cœur. Mais partout, les victimes sont loin d’être tirées d’affaire. La justice est rongée par la corruption. Sauf quand il y a, comme au Katanga, un barreau avec de jeunes avocats motivés. De plus, un changement de régime dans cette région a heureusement modifié la donne.

Cet article est paru dans le Télépro du 27/10/2022

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