Tanguy Dumortier : «Je ne suis pas militant environnementaliste» (interview)

Tanguy Dumortier : «Je ne suis pas militant environnementaliste» (interview)
Julien Vandevenne
Julien Vandevenne Rédacteur en chef adjoint

Depuis la rentrée, il a repris les rênes du «Jardin extraordinaire» sur La Une. Télépro l’a rencontré pour faire un premier bilan.

Êtes-vous satisfait des audiences des premiers numéros du «Jardin extraordinaire» de la saison ?

Les chiffres ne me parlent pas du tout, à vrai dire. Je crois qu’à la direction des programmes, ils sont plutôt contents. Je suis surpris parce que je tablais sur une perte du public, alors qu’en fait, on en a gagné (l’émission tourne autour des 300.000 téléspectateurs depuis la rentrée, NDLR). Mais c’est une science inexacte. On peut gagner aujourd’hui, et perdre demain sans trop avoir d’explications logiques. J’avais par exemple très peur pour la dernière émission sur les abeilles, alors qu’elle a très bien fonctionné aussi…

Vous vous êtes un peu inspiré d’autres programmes pour la nouvelle présentation ?

Notre chance est qu’on a un format assez court qui ne donne pas le temps au téléspectateur de se lasser. Si on pouvait arriver à un niveau de «Thalassa» ou «Des racines & des ailes», ce serait génial.

Vous rêvez d’un prime comme «Thalassa» ou «Ushuaïa» ?

La comparaison avec «Thalassa» est possible parce qu’ils achètent beaucoup de reportages aussi. J’ai été surpris de l’apprendre. «Ushuaïa», c’était 3 voire 4 émissions par an. Nous, on doit en fournir 40 numéros par saison ! Ce n’est pas le même sport. Mais dans quelques années, pourquoi pas ! Niveau contenu, on a de quoi tenir plus longtemps l’antenne.

Les retours du public sont bons ?

Je viens du JT, où on n’avait quasi jamais de retours de ce que nous faisions. Et ici, je suis agréablement surpris d’en avoir. Ils sont très positifs. Beaucoup d’encouragements et même des propositions de sujets à faire en Belgique. C’est toujours intéressant de voir que les gens sont concernés. On a aussi des mails pertinents, quand on se trompe dans le nom d’une espèce d’oiseau. Et c’est une bonne chose. On se doit d’être le plus exacts possible.

Vous diffusez des documents achetés ?

À l’heure actuelle, on achète 90 % des reportages diffusés, et l’objectif est de produire 20 % voire 40 % à terme. C’est une gymnastique différente mais avec 40 numéros par an du «Jardin», on ne pourra jamais aller au-delà de 50 % de production propre. Dans les quatre émissions diffusées depuis la rentrée, on en avait deux faites «maison» : le doc sur le delta du Danube, en Roumanie, et celui sur les abeilles. Et on va bientôt présenter un numéro sur le Kénya qui a été tourné par la RTBF. Dans nos achats, on essaie de garantir un niveau élevé de qualité.

Le budget a été revu à la hausse ?

On va dire que l’argent est utilisé différemment. Produire coûte plus cher qu’acheter, c’est évident. C’est 30 fois plus cher de produire nous-même, mais si on le fait bien, il y a un potentiel pour ensuite vendre les films. Oui, on coûte plus cher quand on produit, mais on arrive à mettre le documentaire sur le marché. Par exemple, la VRT a acheté tous les documents que l’on a fait. France 5 est intéressé, et j’ai vendu des reportages au Canada et en Corée… On amène un savoir-faire et on forme des gens à des nouvelles techniques en vue d’avoir une petite industrie du doc animalier à la RTBF. Sur le court terme, on coûte plus, mais ça va rapporter. C’est un vrai pari !

La nouvelle formule abandonne le coté environnemental apporté par Claudine Brasseur…

C’est clair que je ne suis pas un militant environnementaliste. Je ne dis pas que ça ne me préoccupe pas et que ce n’est pas intéressant ; Pour moi, ce n’est pas ce que je veux montrer un dimanche soir à 20h. Je préfère un vrai spectacle sur la beauté de la nature, l’intérêt d’aller voir certains endroits, etc… Mais au final, le résultat est le même, on apporte des arguments pour que les gens puissent juger de la fragilité de la nature. Mais je ne prétends pas apporter des réponses aux questions sur l’écologie.

Vous avez changé des choses dans votre vie quotidienne ?

Oui, je ne consomme pas de viande sauvage. Quand je suis en Afrique, je refuse de manger du singe, de l’éléphant ou du serpent que l’on me propose. Je ne juge pas ceux qui le font. Je pense qu’il y a des situations où on n’a pas le choix. On condamne le braconnage, mais comment réagirait-on si on avait six enfants en malnutrition et qu’un animal passe dans les parages… C’est une question très complexe.

Il y a des endroits qui vous ont un peu plus marqué ?

J’ai parcouru tout le Congo, et c’est vraiment un pays magique. La nature y est exceptionnelle. C’est tout le continent concentré en un seul pays. Au niveau humain, c’est un peu plus dur. J’y retourne bientôt.

Vous ne craigniez pas le virus Ebola ?

Non, ce n’est pas un élément qui me fait peur, en tout cas pas actuellement. Mais quand vous partez au Congo, les risques sont toujours réévalués quand on arrive sur place. (Rires) Il faut vraiment être en contact avec le malade, donc le risque est limité. Mais je n’irais pas dans une zone où le virus est déclaré. J’avoue que je ne suis pas un grand casse-cou…

Il y a un coin du monde que vous n’avez pas encore visité ?

J’aimerais bien aller aux Pôles. N’importe lequel, tant qu’il fait froid et qu’il y a plein de neige ! Le Kilimandjaro m’attire aussi. Plus près de chez nous, l’Ecosse m’intéresse et j’aimerais bien qu’on tourne aussi un peu plus chez nous. C’est aussi intéressant d’aller camper trois jours dans nos forêts pour ramener des images que de le faire en Afrique !

Quand vous avez quitté le JT, il y a cinq ans, c’était un coup de tête ?

Non, c’était une lassitude. L’info à chaud est quelque chose qui use. Surtout, si vous n’êtes pas parfaitement dans votre créneau et que vous ne faites pas forcément ce que vous aimez. Avec le «Jardin extraordinaire», je suis revenu sur quelque chose qui me passionne.

Et si on vous avait proposé le «15 Minutes» qui est JT avec un format plus jeune ?

C’est un journal que je regarde beaucoup, mais je n’aurais pas cédé. Tourner des documentaires, c’est vraiment mon élément même si tout ne se passe pas sans difficultés.

La veste sans manche, c’est pour lancer une nouvelle mode à la télé ?

Qu’est ce que vous avez tous contre cette veste (Tanguy portait aussi une veste sans manche lors de l’interview à Charleroi, NDLR) ? C’est tout bête ! C’est pour la présentation, pour ne pas avoir l’air trop BCBG à la télé avec la chemise dans le pantalon. D’un autre coté, c’est très pratique et plus économique pour prendre l’avion, je peux mettre mon matériel de photo dans les poches. Parfois, elle pesait 6 ou 7 kilos… Mais je vais bientôt partir en Russie, où il va faire bien froid, et là, je pense que je vais laisser tomber le gilet !

Entretien : Pierre Bertinchamps

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