Stéphane Bern : «Le bonheur est dans le village»
Diffusée ce mercredi à 21 heures sur France 3, la 8e édition, «Le Village préféré des Français» a permis à Stéphane Bern de reprendre son tour des régions avec enthousiasme. Rencontre.
Vous incarnez aujourd’hui celui qui se bat, contre vents et marées, pour la sauvegarde du patrimoine. Vous avez même acquis le surnom de «Monsieur Patrimoine». Acceptez-vous qu’on fasse un parallèle entre vos actions et celles, en leur temps, de Prosper Mérimée et d’André Malraux ?
Autrefois, on demandait à Mérimée et à Malraux de faire ce travail, et maintenant on s’adresse à un animateur télé. Les temps ont bien changé. Franchement, restons humble et modeste au regard de leur personnalité et de l’étendue de la tâche à accomplir. Quoi qu’il en soit, sachez que je m’y attelle avec beaucoup de sincérité et d’investissement. Mais saviez-vous que cette idée de sauvegarde du patrimoine et le projet que j’ai mis en place sont nés avec «Le Village préféré des Français» ? C’est grâce à ce programme que j’ai pris conscience de l’importante de la préservation du patrimoine dans les territoires ruraux. Les villages de moins de deux mille habitants possèdent la moitié de notre patrimoine, et c’est souvent leur seule richesse. À l’exception de l’agriculture, quel autre domaine peut apporter du pouvoir d’achat aux habitants de ces communes ? La culture patrimoniale. La venue de visiteurs permet de faire fonctionner l’auberge, le restaurant et les commerces. C’est aussi une manière de redynamiser les centres-bourgs, d’éviter la désertification des campagnes et d’entretenir le bâti. Tout en préservant l’humain.
J’ai eu l’occasion de rencontrer dans les villages, sur les ronds-points, des gens qui ont le sentiment d’être mis au ban de la société, abandonnés par l’État. Ce n’est pas sans me rappeler cette chanson de Gauvain Sers, «Les Oubliés». Or, à ma petite échelle, j’ai constaté par exemple combien l’acquisition et la restauration du collège royal et militaire de Thiron-Gardais avaient pu avoir un impact positif sur la vie du territoire.
«Le Village préféré des Français» participe à sa manière à la valorisation de nos terroirs, à la sauvegarde de notre patrimoine.
Pour l’émission, nous faisons un tour de France des villages. Et, à chaque fois, je suis fasciné par la variété et la richesse des paysages et des habitations. Il n’existe pas en Europe un autre pays qui possède une telle diversité. Nous avons la mer, la montagne, la campagne. Les villages du Nord avec leur beffroi, les mas du Sud, les longères de l’Ouest, les maisons normandes ou alsaciennes à pans de bois et colombages. Que la France est belle ! Ce n’est pas «Le bonheur est dans le pré», mais «le bonheur est dans le village». Dans les communes, la solidarité, la convivialité et le vivre ensemble ne sont pas de vains mots. Voyez-vous, avec cette émission, j’ai le sentiment d’être à ma place, avec ce que j’aime faire. C’est-à-dire me rendre dans les territoires ruraux, aller au contact des gens. Ils sont notre richesse. J’aime rappeler que le lieu crée du lien. Et je suis content de voir que «Le Village préféré» arrive sur France 3, la chaîne de la solidarité des territoires et des régions. Car, dans chaque émission, nous mettons en valeur non seulement le patrimoine bâti, mais aussi le patrimoine naturel, humain et culinaire… Ce tout auquel, génération après génération, nous sommes si attachés.
Pour certains, défendre le patrimoine ou le bien-vivre dans les villages est un combat d’arrière-garde. Ils ne perçoivent pas que, en redynamisant l’économie des territoires, on offre du pouvoir d’achat aux gens. Des maires me disent : «Grâce à vous, des familles se sont installées, des classes ont été rouvertes !»
Aviez-vous conscience de l’impact et de l’engouement que susciterait cette émission lors de sa création ?
Je l’espérais. Avec «Le Village préféré des Français», nous ne sommes pas là pour dire «voici le plus beau village de France», mais pour mettre en avant une préférence. Et cela crée une émulation, une motivation, en tout cas de l’identité régionale. Les Alsaciens, les Bretons, les Corses se battent, mais c’est bon enfant. C’est comme un concours Miss France des villages. Et finalement, ils sont tous beaux, comme toutes les miss sont belles. Et ce que je mesure à travers l’engouement du public depuis l’annonce de cette nouvelle sélection, c’est qu’ils ont tous gagné. Peu importe la place qu’ils occuperont au classement final. Et ce n’est pas pour me lancer des fleurs, mais c’est la seule émission de télévision qui, chaque année, fait l’objet d’une édition philatélique. C’est quand même incroyable.
Qui a été à l’origine de cette initiative ?
C’est moi. J’avais évoqué cette idée au cours d’un dîner avec les patrons de La Poste et de la philatélie française. Et, depuis, il y a eu le timbre à l’effigie de Rochefort-en-Terre, puis celui de Kaysersberg et enfin celui de Cassel. Ce timbre, c’est comme une récompense. Évidemment, la presse nationale est un formidable levier pour ces villages, mais pensez que ce timbre, lui, va voyager dans le monde entier.
Quels souvenirs conservez-vous de cette huitième édition ?
Bien que je connaisse la majorité de ces villages, je ne cesse de découvrir des choses et d’avoir des coups de cœur. À chaque fois, ça me fait le même effet, j’y viens pour les pierres, pour les paysages et je tombe sous le charme des gens. Je finis par penser que leur vraie richesse réside dans leurs habitants. Ils ont le sens de l’hospitalité. Avec cette émission, je me sens l’âme de Pierre Bonte, mon grand devancier, pour qui j’éprouve un profond respect.
Pour revenir à ces différents villages, ils sont absolument charmants, je les adore. Prenons l’exemple de Souvigny, dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. J’ai eu un coup de cœur alors que j’y tournais des séquences pour un «Secrets d’Histoire» consacré à Anne de France, que vous découvrirez cet été. J’ai tout de suite appelé la production en leur disant qu’il fallait absolument le sélectionner, qu’il était trop joli, que c’était incroyable. Frazé, lui, se trouve à sept kilomètres de chez moi, dans la région Centre-Val de Loire. Quand il a fallu choisir les villages, j’ai refusé de me prononcer, mais la production comme la chaîne m’ont demandé d’assumer le fait de connaître et d’aimer ce village. Le seul que je ne connaisse vraiment pas, c’est Terre-de-Haut, sur l’île des Saintes. Je n’ai pas eu la chance de pouvoir m’y rendre, mais le ministre de la Culture, qui l’a visité, m’a envoyé des photos en me disant que c’était sublime.
Il est donc important d’entretenir et de sauvegarder notre patrimoine.
Absolument. Et j’invite les maires à le faire, même si, j’en conviens, ils sont pris entre deux feux. D’un côté, ils font face à des habitants désireux de plus de confort et de modernité, qui sont prêts à vivre dans des lotissements, et, de l’autre, ils tentent de conserver et d’entretenir l’âme de leur village tout en le rendant attractif aux yeux des touristes. N’oublions pas que le tourisme est une formidable manne financière. Nous sommes le premier pays au monde avec 90 millions de visiteurs par an. Les touristes viennent pour nos trésors, nos villages, nos rivages, nos montagnes, nos campagnes. Mais qu’aura-t-on à leur proposer demain, alors qu’on espère attirer 100 millions de touristes, si nous cessons d’entretenir et de conserver notre patrimoine ?
Entretien : Clotilde Ruel
Demain, @villageprefere des Français est de retour pour sa 8e édition avec @bernstephane #Villageprefere 2019 pic.twitter.com/tzdO1ALQl2
— France 3 (@France3tv) 25 juin 2019
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