Stéphane Bern : «J’ai eu les larmes aux yeux» (interview)

Stéphane Bern : «J'ai eu les larmes aux yeux» (interview)

Luxembourgeois par sa mère, Stéphane Bern consacre ce mardi 2 septembre à 20.45 sur France 2 un «Secrets d’histoire» à l’une des figures les plus emblématiques du Luxembourg, la grande-duchesse Charlotte. Une émission qui lui tient particulièrement à cÅ“ur et pour laquelle il s’est totalement investi. Explications.

Pourquoi ce sujet ?

Depuis longtemps, j’avais envie de défendre le Luxembourg et surtout cette figure de la résistance qu’était la grande-duchesse Charlotte, la femme qui a convaincu le président américain, Franklin Roosevelt, d’entrer en guerre. Il avait besoin de quelqu’un pour expliquer aux Américains ce qui se passait réellement en Europe, pour les persuader du bien-fondé de la guerre, et ce fut elle. Cette femme s’est battue pour préserver l’indépendance de son pays, dont on célèbre cette année le cent-soixante-quinzième anniversaire, et elle y est parvenue.

Pourquoi a-t-elle choisi de fuir son pays lorsqu’il a été envahi par les Allemands ?

De nombreuses personnes lui ont dit de rester, lui expliquant que quitter le Luxembourg revenait à abandonner le pays aux Allemands. Mais elle était persuadée que les Luxembourgeois comprendraient son geste. Ce fut un moment cruel et terrible. Elle l’a fait pour défendre l’indépendance et l’intégrité de son pays et de son peuple. En choisissant de résister depuis l’étranger, elle est devenue une héroïne de la résistance. Le futur beau-père de son fils Jean, Leopold III de Belgique, a fait le choix inverse, celui de rester, et il l’a payé cher.

Les Allemands, par la suite, lui ont proposé de revenir…

Oui, mais elle a vu ce qu’ils avaient imposé aux jeunes Luxembourgeois, qui étaient contraints de porter l’uniforme allemand et de se battre sur le front est, et ça l’a convaincue de poursuivre son combat depuis l’étranger. Ceux qui sont entrés en résistance et qu’on a surnommés les réfractaires avaient cousu dans leur poche intérieure une photo de la grande-duchesse. Des hommes qui se sont battus autant pour l’indépendance de leur pays que pour elle. Quand je dis que Roosevelt a cru en la grande-duchesse, il a quand même envoyé le général Patton libérer le Luxembourg le 10 septembre 1944, soit seize jours après Paris. Une libération à laquelle ont pris part le mari de Charlotte, le prince Félix de Bourbon-Parme, et leur fils, le grand-duc Jean, qui s’était engagé dans les Irish Guards. Aujourd’hui âgé de 93 ans, il est le seul chef d’État encore vivant à avoir débarqué sur les plages normandes et à avoir participé à différentes batailles en Normandie, en Belgique et au Luxembourg. L’évocation de ses souvenirs dans l’émission m’a beaucoup touché.

En quels termes vos grands-parents maternels vous parlaient-ils de la grande-duchesse ?

Comme d’une sainte laïque. Cette femme a profondément marqué ma vie, comme elle a marqué celle des Luxembourgeois. Il est des moments dans l’émission où je ne peux pas m’empêcher d’avoir les larmes aux yeux en la regardant. Au cours d’un entretien, le Premier ministre, Xavier Bettel, nous explique à quel point elle est importante dans l’histoire de son pays. Elle n’avait pas été éduquée pour gouverner et pourtant, à l’abdication de sa sÅ“ur aînée, Marie-Adélaïde, en 1919, elle s’est investie corps et âme dans son rôle, soutenue par son mari et par le peuple qui l’a légitimée à son poste*, sans qu’elle en oublie pour autant son rôle de mère et d’épouse. En nous ouvrant grand les portes de leurs résidences et en répondant à nos questions, les membres de la famille grand-ducale nous font découvrir celle qu’elle était dans l’intimité.

Si cette femme compte tant pour vous, pourquoi dès lors avoir attendu si longtemps pour lui consacrer un «Secrets d’histoire» ?

Parce qu’il a fallu convaincre du bien-fondé de cette émission comme nous le faisons à chaque fois qu’une figure de l’histoire est moins connue du grand public. À moi donc d’expliquer, d’insister sur l’importance de leur consacrer un «Secrets d’histoire», comme cela avait été le cas pour la reine Amélie ou la princesse Palatine. Si la tâche peut paraître ardue, nous avons la chance à «Secrets d’histoire» de pouvoir compter sur la confiance du directeur des programmes de France 2, Thierry Thuillier.

Entretien : Clotilde Ruel

* Un double référendum s’est tenu en 1919 visant à statuer sur l’orientation économique du pays (union économique avec la France ou la Belgique) et sur le futur régime politique du Luxembourg. 77,8 % des électeurs ont voté en faveur du maintien de la dynastie sous le règne de la grande-duchesse Charlotte.

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