Sophie Marceau surprend dans «La Taularde»

Sophie Marceau © RTL-TVI

Trois questions à Audrey Estrougo, la réalisatrice de «La Taularde»…

«La Taularde» est votre quatrième long métrage. Pourquoi cette envie de mettre en scène l’univers carcéral féminin ?

Une prison d’hommes correspond en grande partie à l’imagerie véhiculée par le cinéma : un univers très viril, plein de testostérone… J’en suis sortie avec cette certitude que même si je faisais une grosse bêtise dans ma vie, j’avais la chance d’être née du bon côté de la barrière et que je pourrais toujours éviter la prison. En revanche, quand je suis entrée dans une prison de femmes, je me suis dit : «En fait, je pourrais moi aussi me retrouver en prison. Il suffirait juste d’une mauvaise rencontre, d’un moment d’égarement, d’un accident de parcours.» Socialement, culturellement, il n’y avait pas d’écart entre ces détenues que j’avais rencontrées et moi. La manière dont les femmes vivent l’enfermement est très intéressante. On est tout de suite dans l’émotion, le psychologique. Alors que les hommes ont un côté plus pragmatique, brutal. Une part d’eux se moque d’être en prison. Ils sont là avec leurs potes de cité, ils fument du chite, jouent sur leur PlayStation avec leurs Nike aux pieds…

Comment s’est fait le choix de Sophie Marceau ?

Je ne pensais pas à elle en écrivant. Mais un jour que j’étais sur le quai de la gare de Marseille avec une amie, celle-ci me dit : «Regarde, il y a Sophie Marceau.» Je n’y croyais pas. Mais effectivement, cette madame tout le monde était bien Sophie. Ce qui m’a tout de suite saisie, c’était son côté très fort, très ancré dans le sol et en même temps très fragile. Je trouvais étonnant que cette contradiction en elle ait si peu été utilisée au cinéma. Et donc elle a fait son trajet en train, j’ai fait le mien… Et puis j’ai entrepris les démarches pour la rencontrer. Sa première réaction à la lecture du scénario a été : «C’est super, mais je ne vais pas le faire car tu aimes tous les personnages, sauf celui que tu me proposes. C’est très perturbant.» Elle avait raison, à cette étape du scénario, le personnage de Mathilde n’était pas encore assez abouti, j’étais encore trop dans le réel, pas assez dans la fiction. Sophie a une lecture très intelligente des scénarios. J’ai alors fait appel à une scénariste car j’écrivais seule cette histoire depuis un an et demi et j’ai retravaillé le texte en m’attachant à inclure le personnage de Mathilde dans cette histoire, à lui donner sens. De temps en temps, je faisais lire à Sophie une nouvelle version, on prenait un café ensemble, elle m’encourageait, me questionnait…

Comment s’est passé le tournage avec elle ?

Sophie est exposée depuis qu’elle a 13 ans, elle se protège beaucoup, mais quand elle vous laisse passer la barrière – ce qu’elle a fait avec moi –, c’est une personne adorable, très loyale, fiable. J’ai rarement vu une comédienne travailler autant. Et tenir à ce point ses engagements. À partir du moment où elle te dit oui, jamais elle ne se rétracte. Elle sait pourquoi elle a accepté et elle y va. Sur ce film, je crois que je lui ai permis de se sentir libre d’être elle-même. En tout cas, c’était l’enjeu. C’était très courageux de sa part d’accepter d’être ainsi le pilier d’un film où elle est de tous les plans, nue, habillée avec des vêtements d’Emmaüs, pas maquillée. Elle sait très bien qu’on ne verra qu’elle mais elle y est allée, sans jamais chercher à tirer la couverture à elle. Elle s’est nourrie des autres comédiennes, elle s’est fondue dans le groupe.

Propos recueillis par Claire Vassé

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