Sonia Rolland : de l’horreur aux honneurs

Sonia Rolland au Festival de La Rochelle, en septembre dernier © Isopix

Après avoir fui le Rwanda en 1994, elle a affronté précarité et racisme en France avant de devenir la première Miss de couleur de l’Hexagone. Une histoire qu’elle raconte ce mardi à 20h15 sur La Une dans le téléfilm «Un destin inattendu».

C’est une histoire vraie bouleversante que diffuse La Une, mardi soir. Dans «Un destin inattendu», téléfilm qu’elle a réalisé, Sonia Rolland (42 ans) revient sur son existence d’abord semée d’embûches, puis de rebondissements romanesques.

Terrorisée

«Je n’oublierai jamais le regard de ma mère, ce 7 avril 1994», se souvient Sonia à propos du jour où elle a quitté sa terre natale. Et une vie heureuse entre sa maman rwandaise tutsie et son père français, dans une maison avec un jardin et des domestiques. Il faut fuir le conflit qui gronde entre les Hutus et les Tutsies. Cinq ans avant cet exil définitif vers la France, la famille avait déjà frémi.

«En 1989, nous avons quitté le Rwanda pour le Burundi», raconte la Franco-Rwandaise à Paris Match. Mais là aussi, le danger du génocide guette. «Un jour, à l’école française de Bujumbura, un bruit de grenades retentit. Avec Tatiana, ma voisine, nous nous précipitons sous le pupitre. Nos corps suent d’angoisse. Derrière les vitres sales, nous apercevons les habitants soudainement transformés en barbares. La rumeur de la haine monte dans la ville. Mon père se voit refuser un rapatriement par l’ambassade car il n’est pas fonctionnaire de la coopération. Il lui faut vendre tout ce que nous possédons pour acheter des billets d’avion.»

C’est le départ «avec une valise et un album de famille». Destination : un HLM en Bourgogne. «J’étais une gamine qui changeait de décor social», poursuit-elle. «Cela apprend beaucoup sur la capacité à s’adapter au changement brutal et à le traverser sans amertume.» Son père, ex-dirigeant d’entreprise, devient tourneur-fraiseur.

Sa mère travaille dans un supermarché mais passe par les Restos du Cœur et met la nourriture dans des sacs «pour donner l’illusion que tout va bien.» À la précarité s’ajoute le racisme. «On était la seule famille de Noirs», raconte Sonia sur Europe 1. «Parfois, on nous demandait si on avait vécu dans des huttes en Afrique».

Traitée de «bamboula», la jeune fille trouve refuge dans le basket en devenant «la Jordanette» de l’équipe. Et soudain, l’inattendu frappe à sa porte. Sa beauté l’amène à être élue Miss Bourgogne. Puis Miss France 2000, en décembre 1999 !

Conte de fées

Malgré 2.700 lettres d’insultes et de menaces – «Ça construit une personne résiliente !» – la gagnante se dit fière. Et précise dans Le Monde : «J’ai vécu un conte de fées social et moderne. Ce qui a été difficile, c’est que je devais aussi représenter le milieu ouvrier d’où je viens. Devenir Miss France n’est pas gagner au loto. On obtient un statut, une vie publique, de l’argent, mais pour votre entourage, rien ne change. Il m’a fallu gérer cette culpabilité.»

Après du mannequinat aux USA, Sonia Rolland tourne pour la télé («Léa Parker», «Tropiques criminels») et le cinéma («Midnight in Paris», «Quai d’Orsay»). Mais garde le Pays des Mille Collines dans son cœur. Elle y réalise les documentaires «Femmes du Rwanda» et «Rwanda, du chaos au miracle». Un titre qui pourrait aussi décrire sa vie.

Cet article est paru dans le Télépro du 6/4/2023

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