Santé «connectée» : le serment d’E-Pocrate
Montres, bracelets, consultations à distances, opérations en ligne… La médecine connectée, censée favoriser notre santé, est de plus en plus présente. Pour le meilleur ? Ce mardi à 21h, France 5 diffuse «Enquête de santé – Objets connectés : un atout pour se soigner ?».
«Prenez votre santé en main !» Le slogan vantant la nouvelle trouvaille d’une entreprise française qui conçoit, développe et commercialise des objets connectés ne laisse aucune place au doute. Monter sur sa balance ne vous permettra pas seulement de mesurer votre poids. L’objet analysera aussi votre composition corporelle par segmentation et établira un bilan cardiaque en réalisant un électrocardiogramme. Grâce à elle, vous serez aussi en mesure de suivre votre âge vasculaire et votre activité nerveuse…
Balance, bracelet, montre : les objets santé connectés se multiplient et font de plus en plus partie de notre quotidien. «Demain, notre santé sera connectée. C’est un enjeu passionnant», déclare Bruno Timsit. Le réalisateur français a travaillé pendant quatre mois sur le sujet. Son enquête sert de point de départ à l’émission «Enquête de santé», mardi soir sur France 5. Le constat qu’il dresse est aussi enthousiasmant qu’inquiétant.
Alliés de la santé
Premier de ces constats : d’un point de vue strictement médical, les objets connectés ont changé profondément la vie de nombreuses personnes atteintes de maladies chroniques, comme l’insuffisance cardiaque, les troubles du sommeil ou le diabète. «Dans ce cas, il existe aujourd’hui des capteurs de glycémie et des pompes à insuline connectées. Plus besoin de se piquer le doigt plusieurs fois par jour. C’est un vrai confort, un vrai progrès», poursuit Bruno Timsit. Autre domaine sur lequel son reportage se penche : les objets de santé connectés «grand public». Eux aussi peuvent s’avérer très utiles.
Sauvé par sa montre
Stéphane a 52 ans et au poignet, une montre qui mesure sa fréquence cardiaque. Il la consulte régulièrement, surtout le jour où il constate qu’elle lui indique la fréquence très basse de 40 battements par minute pendant une période prolongée. Il ne présente pas de symptôme particulier, mais décide malgré tout de contacter un cardiologue. Celui-ci diagnostique immédiatement un problème grave d’arythmie, il place un pacemaker à Stéphane le surlendemain. Le quinquagénaire vient d’être sauvé par sa montre. Nombre de pas effectués, cycles du sommeil, électrocardiogrammes : les promesses des objets connectés sont multiples et variées. «Nous voulions faire le tri, montrer ce qui fonctionne ou pas… Il y a de véritables avancées – l’histoire de Stéphane le démontre -, mais aussi des effets pervers.»
Objets à haut risque
Outre le stress et l’obsession que peut engendrer le fait d’avoir accès en permanence à toutes ces constantes, la question des données de santé est extrêmement délicate. «Il s’agit de données particulièrement confidentielles. Or on s’aperçoit qu’elles font aujourd’hui l’objet de multiples convoitises», explique le réalisateur. «Surtout de la part des géants du numérique qui fabriquent ces objets (principalement les GAFAM) et collectent nos données par leurs entremises.» Dernièrement, la presse se faisait l’écho d’un possible intérêt d’Apple pour le secteur de l’assurance… Disposant, grâce à son Apple Watch, de données concernant l’état de forme du moment (taux d’oxygène dans le sang, température corporelle, résultats d’efforts physiques…), la marque à la pomme pourrait ainsi faire évoluer le tarif de ses assurances.
Assassinats
Autre risque, inhérent à tout objet connecté : le piratage. «En France, près de 500.000 personnes ont vu leurs données de santé (rendez-vous médicaux, pathologies graves…) diffusées sur Internet par des pirates qui s’en étaient pris au système informatique d’un laboratoire d’analyse. Ce business très important se développe de plus en plus. Il pose la question de la sécurisation de nos données les plus intimes.»
Et cela ne s’arrête pas là. Les outils connectés eux-mêmes peuvent être piratés. Des experts en cybersécurité expliquent qu’il est possible de prendre le contrôle à distance et de pirater un pacemaker ! «Tout cela reste hypothétique pour l’instant, mais on peut imaginer d’assassiner quelqu’un de cette façon». Ou d’exercer sur lui un chantage…
Autant de risques qui posent de vraies questions sur l’avenir. Bruno Timsit reconnaît ne pas avoir imaginé au début de son enquête à quel point ces objets connectés faisaient déjà partie de nos vies et l’ampleur des avancées que ceux-ci permettent déjà à la médecine. «En revanche, il va falloir aussi prendre conscience que tous ces objets de santé connectés engendrent des risques auxquels, pour l’instant, nous ne sommes pas préparés», conclut le réalisateur. «Il y a beaucoup de travail à faire dans ce domaine : il faut aller plus vite que les pirates.»
Cet article est paru dans le Télépro du 10/11/2022
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