#SalePute (La Une) : alerte aux machos cyberviolents !

Avec «#SalePute», les journalistes Myriam Leroy et Florence Hainaut dressent un état des lieux édifiant © RTBF/Romain Garcin

Victimes de cyberinsultes, comme 73 % des femmes dans le monde, deux journalistes belges témoignent et analysent l’inquiétant phénomène. Le documentaire «#SalePute» est à voir ce mercredi à 20h30 sur La Une.

Myriam Leroy et Florence Hainaut proposent un récit à la fois intime et politique, et dressent un état des lieux édifiant. Rencontre.

Trouver des témoignages a-t-il été difficile ?

Myriam Leroy : Les personnes contactées ont compris l’urgence à parler. Certaines ont préféré passer leur tour, par épuisement. Mais toutes savaient qu’on respecterait leur parole, car nous vivons la même chose.

Quels faits vous ont le plus stupéfiées ?

Florence Hainaut : Le harcèlement rend hélas populaire ! Ce qui m’a vraiment atteinte sont les répercussions des violences sur la santé physique et mentale. Voir ces femmes partiellement fracassées, c’est terrible.

Parmi les auteurs d’injures, il y a des hommes a priori «bien sous tous rapports»…

M.L. : Les harceleurs ne sont pas que de jeunes désœuvrés ou des marginaux qui n’ont que ça à faire. Or, il y a une surreprésentation d’hommes de plus de 50 ans, confortablement installés dans la société. On peut l’interpréter par une forme d’adhérence aux bouleversements de la société où les minorités réclament une plus juste distribution des privilèges. Ceux qui sont assis dessus n’ont pas envie de se lever.

Outre les remarques sur le Net, il y en a dans la rue. Y avez-vous assisté ?

M.L. : Bien sûr. J’aimerais dire que nous leur avons fait un doigt d’honneur ou amorcé une discussion sur les dominations, mais on réagit souvent en se faisant discrètes. Comme sur Internet.

Les plaintes des victimes ne sont guère efficaces. La prise de conscience de la gravité de la situation semble échapper à bien des décideurs…

F.H. : Les cyberviolences misogynes ne sont qu’une facette d’un problème plus général : la misogynie est encore totalement acceptée dans notre société. Tant que ces violences seront vues comme un phénomène naturel, pour lequel on ne va pas embêter la police et la justice, rien ne changera.

En 2012, la Belge Sofie Peeters a filmé les réactions machistes à Bruxelles. Qu’en pensez-vous ?

F.H. : Si on croyait les femmes, elles n’auraient pas besoin de filmer les agresseurs pour le prouver. Le harcèlement cessera quand la honte aura changé de camp. Et si ça passe par ce genre de démarche, pourquoi pas ?

Outre «les robinets» ouverts par les réseaux sociaux, à quoi doit-on cette misogynie contemporaine hyper agressive ?

M. L. : On assiste à un retour de bâton «post #Metoo», comme après chaque avancée sociale. Des gens comme Trump ont élargi le champ du dicible, montrant que la misogynie reste un non-problème…

Avec ce film, revendiquez-vous une forme de militantisme et que répondre à ceux qui disent que là n’est pas la mission des journalistes ?

M.L. : Si pointer les dysfonctionnements de la société, c’est du militantisme, alors oui, nous le revendiquons. Au-delà, il est illusoire de penser que les journalistes sont neutres. Personne ne l’est. La mission journalistique est de faire connaître le réel au public, avec rigueur et honnêteté.

À quelles réactions vous attendez-vous après la diffusion ?

M.L. : Il paraît que l’on pourrait essuyer une vague de violence… J’ai quand même bon espoir qu’elle soit contrebalancée par une vague positive, initiée par celles et ceux que notre film aura touchés. J’espère qu’il donnera de l’énergie et l’envie de ne plus se laisser faire. 

Cet article est paru dans le Télépro du 6/5/2021

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