Regine Dubois : «Ce que je préfère, c’est quand l’invité me perd !»
L’émission «Les Petits papiers» fête ses 15 ans, tout cet été, sur La 1ère.
Lancée en septembre 2009 sur VivaCité, l’émission «Les Petits papiers» propose à des artistes de se raconter à travers des mots choisis en fonction de leur parcours et de leur personnalité. Un concept original qui amène des conversations inattendues et des propos inédits. Pour célébrer les plus de 500 invités et près de 3.000 mots dépliés et commentés, les interviews de Régine Dubois se déclinent en best of thématiques avec quelques inédits sur les métiers en coulisses, en juillet et août, sur La 1ère (de 19h à 20h).
Comment est née «Les Petits papiers» ?
À l’époque, je faisais une émission qui s’appelait «Vu à la radio», sur VivaCité où on faisait de l’interview «classique» sur de la culture ou des artistes qui venaient en promo. Les discours étaient un peu répétitifs dus à cette phase de promotion des artistes. Ça m’amusait à moitié… Et en interviewant Jacques Higelin, on discutait de cette problématique… Je ne sais plus comment c’est venu, c’est lui qui m’a dit que parfois un mot pourrait suffire. J’ai creusé un peu la question, et j’ai testé quelques papiers. Le premier cobaye a été Michel Delpech. Ça a bien fonctionné, et j’en ai fait de plus en plus. La toute première formule, il n’y avait pas ma voix. On entendait un bruitage et c’était l’invité qui commentait le mot. J’étais partie sur cette optique-là, mais ça avait ses limites… Il fallait que je rebondisse.
Comment choisissez-vous les mots ?
Personne n’a forcément les mêmes mots. Si vous prenez des chanteurs, Cali n’aura pas les mêmes mots que Raphaël. Je lis beaucoup d’interviews, j’écoute et je me documente beaucoup pour aller ailleurs que ce qui a déjà été dit ou fait. À partir de mes notes, je cherche des mots qui synthétisent les endroits où j’ai envie d’aller. C’est énormément de préparation, l’air de rien. Et sans ça, ça ne marche pas…
Vous n’êtes pas dirigée par les attachés de presse ?
Non. Ils n’interviennent jamais dans mes interviews. Avec des Belges, comme on se connaît un peu plus, je peux leur poser quelques questions sur l’artiste pour avoir d’autres infos. En général, je m’adresse plutôt à l’entourage.
Sur ces 15 années, quel a été le meilleur invité ? Ou le plus surprenant ?
C’est très difficile… Il y a tellement de rencontres que j’ai bien aimées. Ce n’est pas que je les aime à chaque fois, mais presque. Il y a des invités qui sont plus surprenants comme Stephan Eicher, qui a l’art de vous emmener là où vous n’aviez pas prévu, avec des histoires décalées. C’est à chaque fois une chouette interview. Il y a des personnalités qui sont venues plusieurs fois et que je prends plaisir à retrouver comme Mazarine Pingeot ou le chanteur Raphaël.
Quand l’invité vous perd, comment revenez-vous à vos petits papiers ?
Ce que je préfère, c’est justement quand on ne va pas là où j’avais prévu et dans un endroit que je ne connaissais pas. Parfois, je prévois un mot pour parler d’une chose, et en fait, on dévie totalement sur un autre sujet. Pour revenir à ma «conduite», je fais simplement piocher un autre papier.
Combien de mots préparez-vous ?
Environ 7 ou 8. C’est suffisant, et dans la moyenne, on n’en pioche que 5 ou 6. J’ai déjà eu des personnes plus difficile à faire parler. C’est compliqué d’aller sur des terrains non balisés. Ils sont là pour une promo, et parler d’autre chose les effraie un peu. Quand c’est comme ça, après deux mots, je sens que ça se détend, et que finalement, on est dans de la bienveillance. Chez moi, les invités sont libres de dire ce qu’ils veulent, s’ils ne veulent par parler de leur intimité, on n’ira pas sur cette voie-là.
Le passage de VivaCité vers La 1ère n’a-t-il pas rendu le programme un peu plus «élitiste» ?
Ce transfert a été un nouvel élan pour «Les Petits papiers». On a pu renouveler les invités et aller sur des terrains et des thématiques que je n’aurais pas proposées sur VivaCité. Les formats de chaîne sont différents. La 1ère permet aussi d’apporter de la découverte ou de recevoir des personnalités moins connues. C’est une très bonne chose.
Les mots sur La 1ère sont aussi différents…
Non… les mots restent des mots. Je n’emploie jamais un mot que l’auditeur ne va pas comprendre. Je ne vais dans du vocabulaire spécifique. Ce n’est pas une programme à écouter avec un dictionnaire. L’idée est plutôt d’être accompagnant pour l’auditeur. Ce que j’essaie, par contre, c’est de ne pas tout le temps revenir avec les mêmes mots.
500 invités… il reste encore des personnalités à recevoir ?
Oui, il y a toujours de la marge. (rires) Cet été, je vais amener le concept sur un autre terrain pour découvrir des métiers comme des monteurs cinéma ou des ingénieurs du son. Ils vont raconter ce que sont ces métiers que l’on connaît «de nom» mais on ne sait comment ça marche derrière.
Quel invité – du monde entier – aimeriez-vous recevoir ?
Il y a Eric Cantona. Je l’ai déjà interviewé pour «Y a pas que le foot», et c’est vraiment une personnalité que j’aimerais avoir dans «Les Petits papiers». Et il y a l’auteur Philippe Djian.
Et jamais dans le monde politique ?
On avait fait, du temps de VivaCité, en 2014 et en 2019, on l’avait fait avec des président de parti en période d’élections. C’était en binôme avec le journaliste politique Marc Sirlereau. Ils n’ont pas été trop dans la campagne électorale et n’ont pas vendu leur programme et leur parti. Marc était là pour poser des questions sur l’aspect politique, mais l’idée était de raconter un parcours. Ce n’est pas quelque chose que j’ai envie de faire, très honnêtement.
Et des hommes ou femmes politiques qui viennent vendre des livres, comme François Hollande ?
Là oui, c’est plus intéressant.
Pourrait-on faire «Les Petits papiers» de Régine Dubois ?
Répondre à des journalistes est déjà très déstabilisant. C’est un drôle d’exercice… Des copains me l’ont déjà fait pour rire, lors d’une soirée avec un peu de vin… Je ne suis pas certaine que j’aimerais ça.
C’est hypocrite ?
Ce n’est pas le même métier. Je ne choisis pas de faire des chansons et des livres pour venir en parler en studio. Le mien, c’est de très bien écouter ce que disent les autres. Et je n’ai rien à «vendre». Les personnalités qui viennent à mon micro l’ont choisi, on n’a jamais forcé la main d’un invité.
Et faire un livre reprenant les meilleurs moments ?
Non, mais c’est une bonne idée.
Entretien : Pierre Bertinchamps
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici