[Que sont-ils devenus ?] Jacques Mercier : «Refaire de la télé ? J’hésite…»

[Que sont-ils devenus ?] Jacques Mercier : «Refaire de la télé ? J'hésite...»
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

Deuxième volet de notre série d’été avec Monsieur Dictionnaire. Le jeune retraité de la télé raconte ses souvenirs et évoque ses projets : une bande dessinée autour du chocolat, et un album avec Nara Noïan.

C’est d’abord en radio que Jacques Mercier débute à la RTB, en 1963. Pendant ses études de journalisme à l’IHECS, le Mouscronnois tombe amoureux du micro et entre comme assistant.

La télé suivra un peu plus tard. «J’étaistrès mal à l’aise en télé», raconte Jacques Mercier. «J’ai toujours eu peur de ne pas avoir de mémoire, et j’étais très stressé. Du coup, je suis resté principalement en radio.»

C’est plutôt en voix-off, que l’animateur passait à la télé, notamment à l’occasion des commentaires de l’Eurovision au début des années 80.

Vous souvenez-vous de vos premières émissions ?

Dans les années septante, je participais à «Si l’on chantait», avec Gérard Valet et Monique Delannoy. Mon rôle était de présenter un chanteur inconnu que j’avais choisi sur des cassettes passées en radio. C’était leur première télévision, et je faisais trois minutes sur le plateau. L’émission avait le défaut de la RTB de l’époque, c’est-à-dire assez intello. Par exemple, on avait reçu Frédéric François et on lui demandait un peu de philosopher sur des questions du style «Est-ce que l’argent amène l’argent ?»… Au lieu de faire des additions, on faisait des soustractions. Ce qu’aime Frédéric François, on n’en parle pas, ce qu’il aime moins, on le garde.

Pourquoi a-t-il fallu attendre près de 20 ans pour vous revoir en télé ?

Il y a peut-être le trac, mais j’ai pensé à faire de la télé à partir du moment où j’ai été rassuré en ayant des notes comme en radio ou un prompteur. C’était le cas pour «Le Jeu des dictionnaires» ou «Forts en tête». Jusque-là, il fallait tout apprendre par cœur. Mais pour rester naturel comme en radio, je devais me détacher du texte, j’étais terrorisé. J’ai des anecdotes sans fin sur ce sujet.

Et le prompteur ?

On ne l’a jamais utilisé parce qu’à l’époque, ce n’était pas un outil aussi utilisé qu’aujourd’hui, et il coûtait très cher. C’était réservé au Journal Télévisé. C’est à la fin, dans «Bonnie & Clyde» qu’on en avait un sur un programme de divertissement. Et encore, il était mal placé. Il y avait tellement de choses dans ce décor et de caméras, que le téléprompteur était très haut. Autant dire que je ne savais pas regarder et la caméra, et le prompteur. «Bonnie & Clyde» n’a pas été bien emmanché. Il y avait plusieurs problèmes avec l’équipe notamment parce qu’ils n’avaient pas eu envie que ce soit présenté par Armelle et moi…

Dans les interviews de «Scoubidou», vous n’aviez pas de fiches…

J’avais des fiches de la couleur des personnes qui étaient devant moi. Pour la partie au bar, elles étaient brunes. Pour la nappe de la table, c’était bleu pâle. «Scoubidou» me plaisait beaucoup à faire. Quand je revois des extraits, il y avait les maladresses de mes débuts en télé. On revoit souvent dans les bêtisiers, la toute première avec Raymond Devos et Claude Nougaro, je riais beaucoup, et ça donnait un côté un peu forcé. C’était encore une belle grande réalisation de la RTBF. On avait tout réaménagé dans le Théâtre du Vaudeville pour le programme. C’était magique.

Pourquoi le nom «Scoubidou» ?

C’était un titre provisoire. On avait dit qu’on allait remonter dans le temps, dans les années Scoubidou. Et finalement, le titre est resté. À vrai dire, j’avais hésité à la faire parce que c’était en même temps que «Le Jeu des dictionnaires », en télé et en radio. C’est une demande du réalisateur qui insistait parce qu’on avait bâti cette émission autour de moi. J’étais honoré, et puis c’était de la chanson francophone que je défendais très fort, et il y avait du budget.

Comment est arrivé «Le Jeu des Dicos» à la télé ?

C’était compliqué parce que l’idée était imposée par l’administrateur général, Robert Stéphane, qui avait entendu l’émission de radio et qui voulait encourager le concept, alors que le directeur de la télévision n’en voulait pas. Le compromis a été d’aller prendre dans le budget des «Jeunes solistes» de Georges Dumortier. On avait son réalisateur, mais rien de plus.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Et «Forts en tête» ?

Après «La 9e case» qui n’avait pas marché, Eric Poivre, devenu producteur, avait imaginé le concept de l’émission, et avait déjà fait un casting où Pierre-Collard Bovy était arrivé très loin dans la course, mais il ne convenait pas. Poivre m’appelle pour me demander si j’étais intéressé par une nouvelle émission en prime time sur le patrimoine. Il m’avait dit «une émission comme ça va changer ta vie»… Et ça a été le cas !

Avec Armelle ?

Lorsqu’Eric Poivre m’a appelé, il m’avait dit aussi que je participerais au choix de la personne qui m’accompagnerait sur antenne. Au final, il restait trois personnes dont Armelle. C’était mon choix, et j’ai montré la photo à ma femme qui est bon juge. Elle était d’accord aussi sur Armelle. L’alchimie a été totale. On se voyait 3 jours par semaine. Le lundi et le mardi pour les répétitions et l’émission, et le vendredi pour la visite des lieux du numéro suivant. C’était encore l’époque bénie où la RTBF avait les moyens de faire tout ça.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Puis il y a eu Barbara Louys…

Le ton a un peu changé. Barbara était plus volontaire. Elle voulait prendre en main l’émission mais ça n’a pas pris. On s’est très bien entendus aussi et on a eu pas mal de fous rires, mais c’était différent. De notre côté, on sentait que la production s’ennuyait et qu’elle voulait changer certaines choses. Pour moi, si on veut changer de décor, de présentation, de générique, bref plein de choses… il valait mieux faire une nouvelle émission. Des essais ont été faits, dans notre dos, avec Cédric Wauthier et Thomas Van Hamme. C’était des gens de l’équipe qui nous mettaient au courant. On trouvait cette façon de faire assez désagréable. De tout ça, il en est sorti l’émission de Thomas Van Hamme, «J’ai pigé»…

S’il fallait choisir entre Armelle, Barbara Louys et Virginie Svensson ?

On ne peut pas faire ça ! (Rires) Mais on m’a souvent demandé si je préférais Armelle ou Barbara… Les trois, dans des rôles différents, ce serait pas mal dans un programme. Virginie s’occuperait des fiches ou des lancements de jeux, Barbara serait plutôt en reportage en extérieur, et Armelle serait ma partenaire en plateau.

Le duo a été reformé pour «Bonnie & Clyde»…

Oui, mais ce n’était pas si évident que ça parce que le jeu de séduction n’était plus le même que dans «Forts en tête». «Bonnie & Clyde» s’est fait bizarrement. Armelle avait envie de retravailler avec moi sur un talk-show, avec des invités de domaines différents mais dont on avait parlé durant la semaine. Un peu comme «On n’est pas couché», mais avec à chaque fois un chanteur qui terminerait l’émission. L’idée était aussi de le mettre à 22 heures. Yves Bigot est arrivé à la RTBF, et a été séduit par le concept d’Armelle, mais il en voulait plus. Comme il cherchait aussi une nouvelle émission de divertissement, il nous a donné de la variété en plus. Ça a été la fausse bonne idée. Celui qui voulait voir David Guetta, par exemple, n’aimait pas forcément Didier Van Cauwelaert venu parler de son dernier livre. Même la répartition des rôles devenait difficile, surtout qu’on avait un contrôle de la production dans l’oreillette, et si on sortait du texte, on se faisait taper sur les doigts. J’ai difficilement vécu ce changement dans la façon de faire de  la télé. C’est arrivé au moment de prendre ma retraite, et j’ai choisi d’arrêter et de couper les ponts. François Pirette a coprésenté la dernière avec Armelle.

La télé ne vous manque-t-elle pas ?

Non. Et je suis le premier surpris parce qu’on m’avait prédit l’inverse. C’était bien de tourner la page. J’avais envie d’écrire et j’avais fait un peu de scène qui me plaisait beaucoup. Et puis, si je continuais à faire tout ce que je faisais, ce qui avait été promis par Jean-Paul Philippot, je n’étais finalement pas retraité. Et ce n’était pas une bonne idée. La télé ne me manque pas, mais Philippe Geluck m’a proposé la capsule «Monsieur Dictionnaire». Il m’a dit «Tu verras; ce sera drôle !»

Finalement, quelle émission a marqué votre carrière ?

Pour toutes sortes de raisons, j’aurais pu dire «Forts en tête», mais je pense que malgré tout c’est «Le Jeu des dictionnaires» en télé. C’était difficile parce qu’on n’avait pas beaucoup de budget. Il y a aussi «La Télé infernale» qui aurait été intéressante dans sa version «zéro» qui avait été faite avec Eric-Emmanuel Schmitt comme invité. Elle était scénarisée, c’est ce qui me plaisait. La version finale était improvisée. On était assez loin du concept initial…

Vous avez une carrière de jeune animateur télé finalement…

Je n’ai jamais rien demandé non plus. Je ne suis jamais arrivé chez un directeur en disant que je voulais faire de la télé à tout prix. Je n’ai jamais déposé de projet. J’étais très bien où j’étais.

Vous avez repris l’écriture ?

J’ai toujours eu deux vies : l’écriture et la RTBF. Quand j’avais une frustration, je me levais à 5 heures du matin, et j’écrivais. Je suis au 51e livre publié depuis 1978 !

Six ans plus tard, vous n’avez plus envie de refaire de la radio et de la télé ?

En radio, je fais une rubrique littéraire sur la radio bruxelloise, Radio Judaïca. L’idée de la chronique est de ne pas prendre les derniers bouquins sortis, mais justement d’évoquer des livres connus mais aussi des essais philosophiques. Ce qui me permet aussi de situer l’auteur, et ensuite je picore quelques phrases du livre. C’est un exercice que j’adore. Je recopie des phrases que j’aime bien dans les livres que je lis depuis que l’ai l’âge de 15 ans. J’ai aussi eu des demandes pour faire de la radio chez Walid, sur La Première. Et quelques propositions en télé, mais j’hésite. On verra…

D’autres projets ?

Je suis occupé par l’écriture du scénario d’une bande dessinée qui se passe dans le milieu du chocolat. C’est une demande de mon éditeur. Je travaille avec un scénariste spécialisé dans la BD qui connaît les codes du genre. Au départ de mon scénario, il ajoute des ingrédients plus visuels. Ils m’ont envoyé des BD à lire. C’est amusant. L’intrigue se passera au Vénézuela, dans les cacaoyers les meilleurs du monde. Le héros sera un critique gastronomique.

Et votre spectacle «La Boîte de jazz» ?

On va décliner le concept au théâtre sur une scène. Ce sera dans une saison et demie. L’idée serait de faire tourner le spectacle dans plusieurs villes voire même en France ou en Suisse. Tout n’est pas encore conclu à ce niveau-là.

Vous avez fait de la scène aussi…

Oui, c’était avec Nara Noïan (en 2010, NDLR). Il n’y a pas très longtemps, elle m’a appelé pour me proposer de mettre de la musique sur mes textes. J’ai tenu entre 15 et 20 ans, un journal de bord où j’écrivais des poèmes. J’ai retrouvé deux textes que j’avais écris à 15 ans. Nara les a mis en musique. Je vais même en chanter une en duo. Mon fils sera aussi présent, avec son saxophone, sur quatre morceaux. La sortie est prévue en septembre mais le duo est déjà disponible…

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Entretien : Pierre Bertinchamps

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici