[Que sont-ils devenus ?] Claude Rappé : «Mes débuts à Télé-Luxembourg se sont joués avec Jean-Pierre Foucault !»

[Que sont-ils devenus ?] Claude Rappé : «Mes débuts à Télé-Luxembourg se sont joués avec Jean-Pierre Foucault !»
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

Arrivé à RTL pour être interviewé, Claude Rappé en deviendra le «Monsieur Culture» jusqu’à son départ de RTL-TVI. Aujourd’hui, c’est l’écriture qui occupe l’ex-animateur, dont un projet qui lui tient particulièrement à cœur…

Comédien de formation, Claude Rappé se retrouve à RTL-Télévision, presque du jour au lendemain, à l’animation d’une émission. Et le virus agit vite : «J’ai fait une saison dans ‘Croque-Midi’, et puis encore une autre émission. Jacques Navadic m’a confié de plus en plus de programmes. Et finalement, je suis devenu producteur grâce à Jean Stock… De fil en aiguille, j’en suis arrivé à me dire que je ne savais plus rien faire d’autre, alors autant que je reste dans ce métier-là !». Claude Rappé a toujours un pied dans le petit monde de la télé puisqu’il collabore de temps en temps avec Télépro.

Comment se sont déroulés vos débuts à RTL-Télévision, à Luxembourg ?

Par hasard ! (Rires) Je jouais une pièce de théâtre au château de Bouillon (ndlr : la pièce s’appelait «Godefroid de Bouillon»). Étant ami avec André Torrent, j’ai réussi à obtenir une interview dans «Croque-Midi». À la fin de l’émission, la productrice Thérèse Leduc m’a demandé si ça m’intéressait de l’animer. J’ai cru que c’était une blague. Dans ma tête, ça ne se faisait pas comme ça. Il fallait un bagage derrière. Je n’avais rien de tout ça, j’étais comédien de théâtre… Le 12 septembre 1982, je suis entré à Télé-Luxembourg pour animer avec Michèle Etzel. C’était mon premier boulot et, heureusement, j’étais avec une personne aguerrie à l’exercice. En fait, je remplaçais les personnes qui m’avaient interviewées, trois mois plus tôt. Pour la petite histoire, Jean-Pierre Foucault, qui démarrait «L’Académie des neuf» (Antenne 2), le même jour que moi, avait été appelé par Jacques Navadic pour faire cette émission aussi. Ça s’est joué sur le plan financier. (Rires) Jean-Pierre Foucault avait déjà une notoriété grâce à RMC et je pense qu’il ne voulait pas trop s’enterrer à Luxembourg…

Et vous n’avez jamais eu envie de retourner sur les planches ?

Si, mais la vie est faite d’opportunités qui s’offrent à vous. Je n’en ai pas eu dans le milieu du théâtre à l’époque. Je ne faisais pas partie d’une famille avec une lignée de comédiens et je n’étais pas non plus premier prix de conservatoire… J’avoue que je ne pense pas avoir un talent immense. J’étais fait pour l’écriture et l’animation, voire le journalisme. J’avais travaillé sept ans dans la presse écrite avant.

D’où vient la casquette de journaliste culturel ?

J’avais animé «Vu et corrigé», sur RTL-Télévision, qui était un jeu sur la langue française où un candidat affrontait un ordinateur. À chaque fois, un auteur était invité. C’est comme ça que je suis devenu ami avec Didier Van Cauwelaert ou Jean d’Ormesson, qui étaient les grandes stars de la littérature de l’époque. J’avais eu la charge de «Flash back», une émission sur le cinéma, et pourtant je ne connaissais rien au 7e art. Je bossais beaucoup mes sujets et j’étais très encadré. Et dans «Tête à tête», on interviewait parfois aussi des personnalités culturelles. D’ailleurs, lors de mon engagement, Thérèse Leduc m’avait dit que je serais là essentiellement pour rencontrer les auteurs… Finalement, j’ai fait surtout la cuisine, le «Coffre-fort», etc. (Rires) Pourtant, je ne regrette rien !

Une fonction accentuée sur RTL-TVI…

En 1987, la CLT (Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion) s’est débarrassée des Belges et Jean-Charles De Keyser était obligé de nous accepter. Mais il cherchait, à travers de nouveaux visages (Marie-Christine Maillard, Myriam Lafare, Alain Simons…), à créer son équipe à lui. Il était assez embarrassé de devoir récupérer les casseroles de Luxembourg… Arrivé à Bruxelles, je devais devenir le directeur des variétés et l’animateur de grandes émissions de divertissement. On en était loin. Pour tout dire, je venais de divorcer et j’avais des enfants à élever. J’ai préféré faire profil bas. Comme j’avais la carte presse, Eddy de Wilde m’a proposé de faire, pour les JT, des sujets plutôt liés à la culture. En même temps, la Communauté française a exigé que RTL fasse un certain nombre d’heures d’émissions culturelles. On a dit «C’est pour Rappé !»

Tant mieux ou pas ?

Tant mieux ! À partir de là, j’ai eu de belles émissions comme «Entr’Acte»… C’était un plateau qui mélangeait la variété, le rire, et la culture. Avant ça, on avait fait «Expressions», sur une idée de Jean-Paul Andret. C’était très élitiste pour RTL, plutôt dans la catégorie des programmes pour Arte. Une très belle mise en image et une bonne réalisation. J’aimais beaucoup.

Comme pour d’autres, votre séparation avec RTL a été assez brutale…

Ils avaient envie de se débarrasser des anciens de Luxembourg en général, que ce soit de moi, de Frédérique Ries, de Philippe Soreil… Il y avait une sorte de chasse aux sorcières. Je pensais être protégé par le comte Jean-Pierre de Launoit qui était président du conseil d’administration de TVI et qui adorait la culture. Nous sommes devenus amis par le fait que nous étions souvent sur les mêmes événements culturels. Mais depuis le début, j’étais sur la sellette et finalement j’ai été un peu trahi.

C’est surprenant alors que RTL-TVI est née du succès de RTL-Télévision…

«Il faut tuer le Pygmalion», c’est un vieil adage… De Keyser ne supportait pas le succès qu’avait eu Luxembourg, et voulait «son» propre succès. Cela dit, il a fallu le temps, mais il faut reconnaitre qu’il a réussi. Et très honnêtement, je n’ai pas un bon souvenir de l’époque RTL-TVI. J’y suis resté dix ans, comme un mineur de fond qui y descendait tous les matins, juste pour des raisons alimentaires. Mais je ne crache pas dans la soupe, j’y ai fait de belles rencontres et j’y ai vécu des choses professionnellement fabuleuses. Mais l’ambiance était mauvaise. Il n’y avait pas beaucoup de réelle amitié, sauf avec les équipes techniques, cameramen, preneurs de son… Entre animateurs, ce n’était que rivalités et, avec la direction, c’était la guerre en permanence.

Et le côté «famille» que l’on a souvent mis en avant ?

C’était faux ! Du temps de Jacques Navadic, oui, parce qu’il était un peu le patriarche d’une famille. Il a toujours réussi à rallier tout le monde en disant «Soutenez-vous ». Mais une fois qu’il a quitté la chaîne, son successeur, Jean Stock, a utilisé le «diviser pour régner», parce qu’il n’avait pas d’autres solutions. Il était de notre génération et de notre âge. Et puis, il rêvait que RTL parte en France.

En 1997, quand vous quittez RTL, vous ne frappez pas à la porte de la RTBF ?

En quittant RTL, j’ai négocié mes indemnités de départ. J’étais déjà en couple avec Natacha Amal qui voulait faire carrière en France. J’ai choisi de la suivre plutôt que d’aller vers la RTBF, d’autant que j’avais une clause de réserve de deux ans. Je dois rendre à César ce qui lui appartient, des personnes de la RTBF m’ont tendu la main. Claude Delacroix avait dit devant un parterre de gens du milieu : «Il est temps que tu viennes travailler chez nous, parce que tu as plus le look de la maison». C’était très flatteur. Par la suite, j’ai essayé plusieurs fois d’y entrer. J’ai même fait les concours, jamais je n’ai été sélectionné…

Qu’avez-vous fait alors ?

Je suis parti à Paris avec Natacha Amal, et j’ai mis toutes mes connaissances de la télé à son service. C’est une femme de grand talent et d’une grande beauté qui voulait à tout prix réussir à Paris. J’étais un peu son manager. Mais, elle s’est fait un nom toute seule. Elle avait de la pugnacité, elle se levait tôt et allait à tous les castings. Elle méritait vraiment ses rôles parce qu’elle bossait derrière pour y arriver. L’histoire a duré douze ans.

Aujourd’hui que devenez-vous ?

J’écris des livres. Entre novembre 2015 et fin 2016, j’ai cinq livres qui sortent. Tous dans des domaines différents. Il y en a un sur la vie de Godefroid de Bouillon, mais écrit pour un adolescent. Ce sera mon premier roman. Je suis aussi en train d’écrire la biographie d’une personnalité belge (ndlr: le projet est encore secret).

Et vos mémoires sur la télé ?

Alain Jourdan, mon éditeur, m’a demandé d’écrire une biographie sur mon passage à RTL. Il l’a lue et m’a renvoyé un petit mot en me disant que si on la publiait, on avait au moins quatorze procès derrière… C’est un exercice un peu prétentieux et écrire un livre dans lequel j’explique que j’ai rencontré des monstres sacrés du cinéma et de la chanson, ce n’est pas pour moi. Mais, l’angle qui m’a tenté, était d’expliquer comment un petit garçon timide et éduqué dans un carcan religieux, arrive un jour à être appelé «Monsieur Culture», en Belgique. Ce côté «donner la foi à tout le monde» me plaisait beaucoup. Finalement, je m’y suis mis surtout pour mes filles qui voulaient en savoir un peu plus sur leur père.

Un projet de longue haleine…

Si pour ce qui est de l’enfance, on n’a pas grand-chose à raconter, c’est à partir de l’adolescence que les choses sont plus intéressantes. Toutes les femmes de ma vie ont entendu parler d’une personne : Monique Bouffioux, mon premier amour au lycée. En écrivant, cette partie de l’histoire, je me suis rendu compte que cette femme m’a métamorphosée. Elle a fait de moi un homme dans le bon sens du terme. Monique m’a permis de me rebeller contre mes parents et le fait que je devais me taire sur tout. Par la faute de ce carcan religieux (ndlr : les Témoins de Jéhovah), je ne pouvais pas rester avec elle et l’épouser. Toute ma vie, j’ai regretté cette décision.

Avez-vous tenté de la retrouver ?

Il y a deux ans, en pleine écriture, je décide d’entamer des recherches. Je tombe sur un faire-part où j’apprends qu’elle est décédée, en 2003. En faisant des fouilles, je découvre qu’elle est morte de façon cruelle, mutilée au Burkina-Faso… Je décide de mener mon enquête et surtout d’écrire un livre rien que sur cette histoire. Un hommage à Monique qui était mon premier amour. Je l’ai d’ailleurs appelé «Pour les yeux de Monique». C’est une histoire triste, mais Monique m’a libérée d’une éducation très stricte. Ce récit autobiographique devrait sortir en 2016. Grâce à Facebook, j’ai pu retrouver nos amis de l’époque, à Chastre, près de Gembloux. Le directeur de l’école, que j’ai rencontré, m’a dit : «Vous étiez emblématiques, comme Roméo et Juliette !». Ça m’a encouragé.

Quel regard portez-vous sur la télévision ?

Je suis un boulimique de cinéma, mais pas en salle. C’est surtout en téléchargement ou en DVD. À la télé, je ne regarde que les émissions qui me plaisent. Il y a «Koh-Lanta»… «Monsieur Culture» qui est fan de cette émission, ça va faire rire dans les chaumières. OK, c’est un jeu scénarisé, monté et il n’y a peut-être que 60 % de vrai dans ce qu’on voit. Mais ça me plait parce que ça se passe dans des endroits où j’aime aller, comme la Thaïlande, et puis les jeux m’amusent. Je ne rate jamais «The Voice» parce que j’adore les voix et que j’ai été producteur de disque. Je n’ai fait que des bides, mais je n’avais que des belles voix. J’ai raté Lara Fabian que je n’ai pas pu produire faute de moyens, ou encore Maurane… Dans «The Voice», on trouve souvent des voix meilleures que celles des coaches, par contre, je ne suis pas spécialement d’accord avec le vote du public. Côté musique, j’aime bien Indila, Beyonce, Miley Cyrus, Coldplay ou Sia. Il y a aussi Rihanna. À un tel point que je suis rédacteur de cinq de ses sites internationaux. Ce qui me vaut quelques insultes sur les réseaux sociaux qui me font passer pour un vieux pervers. Mais Rihanna, c’est quand même huit octaves, à la hauteur de Whitney Houston ! Enfin, il y a une troisième émission : «On n’est pas couché». Je n’aime pas l’émission, ni le principe de l’animateur qui n’ose pas mouiller sa chemise, mais je la regarde pour rester informé sur l’actualité culturelle.

À Paris, vous a-t-on proposé de faire de la télé ?

Ardisson m’avait proposé de faire de la télé avec lui, à l’époque de «Tout le monde en parle». Je l’avais reçu en Belgique et il a lancé la proposition comme ça dans l’ascenseur… J’ai été en négociation avec TF1 du temps de Jacques Pradel. J’ai failli avoir une émission pour l’access prime-time, un genre un peu trash comme ce qu’a fait Jean-Marc Morandini… J’ai postulé à France Télévisions dans le domaine de la production aussi.

En 2015, la télé vous fait encore envie ?

Non… ne m’en parlez plus ! J’ai 62 ans, je ne vais pas recommencer dans le petit écran. Je ne regrette pas ce que j’ai fait et je ne renie pas cette époque non plus.


Entretien : Pierre Bertinchamps

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