[Que sont-ils devenus ?] Brigitte Mahaux : «Si on regarde mon parcours, c’est mon passage à RTL qui est un peu étrange» (interview)

[Que sont-ils devenus ?] Brigitte Mahaux : «Si on regarde mon parcours, c’est mon passage à RTL qui est un peu étrange» (interview)
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

La speakerine a marqué les années 80 à la télévision. Plutôt attirée par la culture que le strass et les paillettes, on la retrouve aujourd’hui sur Musqi’3. Pour notre série d’été, Brigitte Mahaux revient sur son parcours.

Visage emblématique de RTL à Luxembourg, dans les années 80, Brigitte Mahaux ne sera pas de l’aventure RTL-TVI, à Bruxelles, mais ira frapper à la porte de la RTBF.

On se souvient de son duo avec Pierre-Collard Bovy dans «Jamais deux sans toi» (1990), en télé. Un petit détour aussi par la RMB pendant deux ans, et c’est dans les milieux culturels que va s’épanouir l’animatrice, avant de retrouver (avec plaisir) un micro à la radio !

En parallèle, elle dispense des cours de théâtre pour adolescent, l’autre passion de sa carrière.

Comment êtes-vous arrivée à la télévision ?

Au départ, j’ai une formation de juriste et de théâtre. J’hésitais entre le journalisme, la juridiction de la jeunesse ou comédienne. Après mes études, j’ai rentré une candidature à la RTBF pour le concours de journalisme de 1983. À l’époque, on n’avait pas accès aux caméras comme aujourd’hui, donc je ne savais pas ce que je valais dans un studio de télé. Sur scène, je le savais, mais pas en télé. Et il y avait aussi un concours de speakerine sur RTL, à Luxembourg. C’est une amie, Kathryn Brahy, avec qui j’avais fait le droit, qui y était déjà, et qui m’a poussée à la faire. Mon but était de voir si ma tête passait bien à l’écran. Et contre toute attente, j’ai gagné ce concours alors que ce n’était pas dans mes projets.

La découverte d’un nouveau monde ?

Pour une jeune fille de 23 ans, c’était incroyablement bien payé pour l’époque. J’y suis allée un peu à la découverte d’un nouveau monde, d’autant qu’on n’avait pas la télé chez moi. Mes loisirs étaient plutôt la lecture ou la musique. Je m’étais dit : «Au pire, c’est comme une année sabbatique, à Luxembourg !» Je suis arrivée avant Philippe Soreil et Frédérique Ries, j’étais avec Anouchka, Marylène Bergmann et Michèle Etzel qui étaient mes marraines. C’était la «Grande Famille RTL».

C’était vraiment l’époque «télé bout-de-ficelle» ?

Quand on partait faire un sujet en Belgique, nous étions trois personnes (avec un cadreur et un preneur de son), alors que face à nous, à la RTBF, ils étaient six, avec des assistantes, etc… Nous avions une mobilité incroyable. Dès qu’on avait une idée, on en parlait au directeur, et trois mois plus tard, elle se retrouvait à l’antenne. C’est là que je me suis retrouvée à faire «Sur le pouce», avec Philippe Soreil. Un magazine où on recevait tout le gratin, qu’il soit culturel ou non. Nous avons fait la première émission «de divertissement» avec Wilfried Martens. De l’infotainment avant l’heure. Pour préparer l’émission, on décrochait notre téléphone, et on ne reculait devant rien…

À Luxembourg où vous étiez presque des stars ?

C’était incroyable ! Je ne rentrais pas dans un café sans être reconnue. Pour l’anecdote, je me suis retrouvée avec un homme politique plus connu que moi, et les gens venaient plus vers moi que lui ! Il faut reconnaître que RTL avait – et a toujours – une politique de marketing incroyable qui fait qu’ils ont toujours été proches des gens. Que ce soit avec le «Train des jouets» ou d’autres manifestations où nous allions dans le public. À chaque arrêt en gare, parfois, il y avait 2.000 personnes qui nous accueillaient… Même quand j’ai quitté RTL, on a continué à m’écrire.

Pourquoi ne vous a-t-on pas retrouvé sur RTL-TVI, en 1987 ?

Pour des raisons familiales, j’ai dû revenir en Belgique. J’étais passée à mi-temps, à la fin de RTL Télévision (Luxembourg). «Sur le pouce» était fini et ma nouvelle émission était devenue hebdomadaire. C’était un programme de culture que je préparais à Bruxelles et j’allais ensuite trois jours à Luxembourg pour les enregistrements. Je crois aussi, qu’en 1987, lors du lancement de RTL-TVI, Jean-Charles De Keyser voulait créer sa «propre» équipe. Les anciens de Luxembourg n’étaient pas forcément les bienvenus, même s’il a dû en reprendre. Mais comme, j’avais un rythme d’indépendant, je ne n’avais pas trop le profil, et puis on me proposait aussi un autre défi, celui de travailler dans l’édition chez Didier Hatier. C’est là que j’ai appris le métier d’attachée de presse. J’ai eu envie de prendre un peu de recul avec la télévision, et redécouvrir le monde culturel et de la littérature.

Vous n’êtes pas allée frapper à la porte de RTL-TVI ?

Si, mais il me proposait des choses qui m’intéressent moins que ce que j’avais fait durant cette parenthèse. Notamment d’être à nouveau speakerine. Jean-Charles De Keyser n’avait pas de projet aussi passionnant que ce que j’avais fait à Luxembourg. J’étais éditrice et programmatrice de mes émissions. Il n’y avait pas mieux, je trouve. D’un autre côté, je n’étais pas assez accro à la télé pour y faire quelque chose qui ne me plaisait plus vraiment.

Vous avez fait un détour par la RTBF…

Grâce à l’édition, j’ai pu découvrir un autre monde et ça m’a permis, à Bruxelles, de montrer aux gens que je savais lire ! Il y avait toujours un peu cette idée que RTL, c’était le facile et le futile, et que je ne pouvais faire autre chose que de la présentation de programmes. J’ai appris que la RTBF cherchait quelqu’un pour remplacer Georges Pradez, dans la tranche juste avant le JT de 19h30. J’ai amené le projet et le canevas de «Jamais deux sans toi», et comme Pierre-Collard Bovy faisait déjà les remplacements, on a lancé le projet à deux. Au niveau de la quête culturelle, je me sentais mieux à la RTBF. Il y avait aussi le côté service que l’on rendait au téléspectateur qui me plaisait aussi.

Le passage du privé vers le service public a été bien pris ?

Justement, comme il y a eu une sorte de temps mort à la télévision, c’est passé un peu plus inaperçu, et personne n’a rien dit. Il y a eu trois années entre RTL et la RTBF. Mais j’ai toujours été discrète… Il n’y a pas eu de grand écart, parce que ça ne s’est pas fait d’un coup. Si on regarde mon parcours, c’est mon passage à RTL qui est un peu étrange. Mais RTL m’a appris le métier. J’ai été mise dans toutes les situations, et j’ai adoré ces quatre années. Aujourd’hui, je peux me retrouver dans n’importe quelle situation de direct, je prends le micro, et j’y vais. Je le dois à RTL. Et humainement, on avait un très bon esprit d’équipe. Comme nous étions peu nombreux, il n’y avait pas de concurrence entre nous. C’était plus tôt l’inverse, on se refilait des projets parce qu’on en avait parfois un peu trop. Je travaillais de 9 heures dumatin jusque 23 heures. J’avais reçu l’émission culturelle du midi à condition de continuer à faire les soirées. Mais je me moquais des horaires parce que c’était gai. Les invités devaient venir à Luxembourg la veille parce qu’il n’y avait pas d’avion qui arrivait le matin. Je me suis retrouvée à dîner avec des personnes comme Simone Veil. Pour moi, RTL, c’était la convivialité.

Et si on vous proposait un talk-show culturel à la RTBF, en télé, vous accepteriez ?

Je ne suis pas sûre. J’ai pris le virus de la radio. J’ai un vrai plaisir avec le micro. Et ce qui me plait bien sur Musiq’3, c’est qu’on n’a pas de caméra en studio. On garde le petit coup de mystère de la voix.

Comment êtes-vous arrivée à Musiq’3 ?

Ça ne s’est pas fait tout de suite. J’ai dû arrêter l’émission «Jamais deux sans toi» parce que j’ai eu un grave accident de voiture. Je prends du recul et je me tourne vers le milieu théâtral. Je suis contactée par des musiciens qui voulait lancer un festival, ce seront «Les Rencontres musicales d’Enghien». Une sorte de masterclass du classique où des élèves venaient à la rencontre de professeurs. J’ai accepté le défi. J’ai d’abord fait les relations presse, puis la logistique et finalement, je me suis retrouvée à faire la programmation du festival. C’est là que j’ai retrouvé Gérard Lovérius, le patron de Musiq’3 à l’époque, que je connaissais déjà du temps où il était directeur de la télévision. En fait, je n’avais jamais totalement quitté la RTBF, j’ai fait des piges pour Jean-Pierre Hautier (sur Bruxelles Capitale) et une chronique pour Classic 21. Musiq’3 n’est arrivée qu’en 2006, où j’y suis restée deux ans. La nouvelle direction préférait des programmes en différé, alors que le direct m’excite et me motive. Les choses en sont restées là…

Vous avez fait votre retour il y a juste six mois…

J’ai retrouvé Laetitia Huberty, la nouvelle directrice de lar adio (NDLR : elle était responsable de la communication de Musiq’3, à l’époque), par hasard. En discutant, elle m’expliquait qu’elle avait bien fait de remettre du direct à l’antenne. Ça rendait la station plus vivante. De fil en aiguille, elle m’a demandé si je voulais revenir. Comme le micro, j’adore toujours, j’ai remis le pied à l’étrier en décembre 2014, à Noël.

Vous n’êtes pas titulaire d’une émission…

Je remplace Camille de Rijck dans «La Matinale de Musiq’3». Ce rythme me plaît bien, et c’est très gai. Camille (NDLR : qui a repris la tranche en septembre dernier) a rajeuni l’antenne. Il a un vrai talent et est très compétent dans son domaine, avec un humour qui me séduit. Ce que j’adore, c’est l’invité de 8h30. Parfois, je suis tellement prise dans l’interview que je laisse filer l’heure, et c’est le technicien qui doit me rattraper. Je fais aussi la programmation de l’émission. L’idée de la matinale est d’aider les gens à se réveiller dans une forme de culture abordable et avec de la convivialité. Et qui doit plaire à tout le monde.

Il n’y a pas un paradoxe ? Camille de Rijck est très jeune par rapport à vous…

Est-ce que la jeunesse n’est pas un état d’esprit ? C’est vrai que j’ai un style un peu différent du sien, mais c’est riche aussi pour un programme. Et puis, on mélange tantôt une voix d’homme, tantôt une voix de femme. Ce qui est drôle, c’est que des auditeurs m’écrivent pensant que je suis Camille de Rijck parce que c’est un prénom féminin… (Rires)

Le classique est-il difficile à vendre ?

Prenez le Festival de Musiq’3, c’est fantastique ! Il est à l’image de ce que la radio est et doit être. Il faut juste peut-être dépoussiérer l’image, mais la station est ouverte à tous, du plus jeune au plus âgé, avec une programmation éclectique que ce soit du classique, de la musique du monde, de film…

Qu’est-ce qui a marqué le plus votre parcours ?

Ce que je fais maintenant à la radio sur Musiq’3. On me proposerait de faire une émission culturelle, grand public, comme Jérôme Colin, sur La Première (NDLR : «Entrez sans frapper»), j’accepterais tout de suite aussi.

Vous avez fait une croix sur la télévision ?

J’avais un projet d’émission avec Marc Moulin qui n’a jamais pu voir le jour. Il m’avait dit lors d’un «Jeu des dictionnaires» : «Toi, ta force, c’est la convivialité et la proximité. On va penser à quelque chose qui allie tout ça !» Les choses de la vie en ont voulu autrement…

Toute cette semaine, retrouvez Brigitte Mahaux, dans «La Matinale de Musiq’3», entre 6 et 9h.

Entretien : Pierre Bertinchamps

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