[Que sont-ils devenus ?] Anouchka : «J’applaudis RTL de vouloir conserver ses speakerines !»

[Que sont-ils devenus ?] Anouchka : «J’applaudis RTL de vouloir conserver ses speakerines !»
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

Animatrice de l’époque dorée de RTL-Télévision, Anouchka deviendra la star des enfants sur RTL-TVI, à sa création. Un crochet par la RTBF, et aujourd’hui, elle signe des polars. Septième rencontre estivale.

Comment êtes-vous arrivée à Luxembourg ?

 

En 1979, j’avais été contactée par une copine, proche de Jacques Navadic, directeur de RTL à l’époque. Elle savait que j’avais envie de faire de la télé. Une speakerine s’en allait (NDLR : Anna-Vera). Je suis allée au grand-duché faire un test, et on m’a proposé de commencer tout de suite. J’étais un peu embêtée parce que je venais d’avoir mon bébé et je n’étais pas sûr d’avoir envie de vivre cette aventure…J’ai demandé à réfléchir même si c’était urgent, et j’ai décliné l’offre. Deux ans après, je les ai recontactés en leur expliquant que là j’étais prête. Je venais de me séparer de mon mari… J’ai repassé des tests et j’ai été engagée. C’était la bonne !

 

Envie de faire de la télé, fin des années 70, ce n’était pas courant…

 

J’habitais à Liège où j’avais commencé par faire de la radio sur la RTBF, sous la direction de Robert Stéphane. Mon mari, Edmond Blattchen, y animait déjà des émissions. J’avais été amenée à côtoyer ce milieu et j’y ai pris gout… Les médias m’attiraient beaucoup. Je voulais faire du théâtre au départ, mais j’ai abandonné l’idée pour la radio. D’ailleurs je pensais plus me diriger vers ce média-là que la télé. J’ai eu envie d’ouvrir mes horizons, et finalement en télé, je me suis bien amusée.

RTL-Télévision est un bon souvenir ?

 

Magnifique et c’était une belle époque ! Il y avait une bonne ambiance. C’était une très petite équipe. Quand on parlait d’esprit de famille c’était réel. L’idée venait de Jacques Navadic, et c’était à la fois agréable dans le travail et rassurant.

 

En 1987, c’est le retour en Belgique…

 

En juillet 1987, la télévision s’est scindée en deux parties (le canal 21, pour la France et le canal 27, pour la Belgique). Une partie des équipes, comme Marylène Bergmann et Jean-Luc Bertrand, reste pour animer sur la France, et les effectifs belges se sont retrouvés, à Bruxelles, sous la coupe de Jean-Charles De Keyser. Là, l’ambiance était toute autre, mais c’était aussi une autre époque et un autre esprit. J’ai bien aimé toutes les périodes. Sur la fin de RTL-Télévision (pour les Belges), nous étions dirigés par Jean Stock qui voulait être à la pointe des nouvelles technologies. À chaque fois, il y avait une nouvelle manière d’aborder la télévision et l’envie d’aller de l’avant.

 

Moins «esprit de famille» à RTL-TVI ?

 

Jean-Charles De Keyser était fier de créer sa propre équipe. Les gens qui venaient de Luxembourg avaient un peu l’impression d’être les «enfants adoptés»…

 

C’était votre choix de présenter des émissions pour les enfants ?

 

Non. De Keyser m’a contacté en me disant que RTL-TVI devait produire des programmes pour enfants. J’ai pris la responsabilité de ses émissions et c’est comme ça que j’ai créé de toutes pièces «Chocolat Show», le dimanche, et «Samedi en fête», un programme qui ne devait durer que le temps des vacances de Noël. Je faisais tout. J’avais une assistante à mi-temps, mais je choisissais les dessins animés qui se retrouvaient dans l’émission. La réalisation était confiée à la société Keynews. Le choix des lieux de tournage et la gestion des invités et des enfants était de notre ressort.

 

Vous ne vouliez pas rester speakerine, comme à Luxembourg ?

 

Je l’ai fait en parallèle, mais ça n’a pas duré longtemps parce que c’était beaucoup de boulot d’assurer les deux. Je ramenais de plus en plus de travail à la maison. Je faisais des saynètes avec les enfants, donc je devais écrire le scénario, etc… J’étais fatiguée et j’avais une petite fille à élever.

 

C’est vous qui avez voulu partir de RTL ?

 

Je crois qu’il y a eu une sorte de ras-le-bol. J’adorais ce que je faisais, mais c’était trop d’un coup. Et une petite mésentente avec une personne de la chaîne. C’est la goutte qui a fait déborder le vase… Je n’étais pas d’accord avec l’équipe dirigeante, je l’ai dit, et on s’est tourné un peu le dos.

 

Vous avez rebondi sur la RTBF, en radio…

 

C’étaient les petits matins. J’ai fait une saison sur La Première, mais je n’aurais pas pu faire plus. Se lever à 4h30, on ne peut pas le faire longtemps. Je suis retournée à mes premières amours. Fin des années 70, j’étais déjà sur la matinale liégeoise de la RTBF, en remplacement de Philippe Luthers, qui devenait speakerin à la télé. J’adore l’univers intime de la radio.

 

On ne vous a pas proposé de faire autre chose ? Ni sur Bel RTL ?

 

Si, mais pas des projets qui m’intéressaient vraiment. Pour Bel RTL, j’ai quitté la maison en 1989, et la station a été créée en 1991. Plus récemment, on m’a contacté pour participer à une émission sur la RTBF (NDLR : «C’est presque sérieux» avec Walid, sur La Première), mais je ne m’y sentais pas bien…

 

Vous disparaissez du paysage audiovisuel…

 

J’ai d’abord ouvert un restaurant, dans le quartier Louise, à Bruxelles. Ce n’était pas mon domaine et l’aventure n’a duré qu’un an. Et comme j’aimais bien les maisons et l’architecture, j’ai répondu à une annonce et je me suis aussi lancée dans l’immobilier comme mon compagnon. C’était vraiment très différent de la télé, mais ce qui me plaisait, c’était surtout l’aspect rénovation et la décoration.

 

Un programme comme «Clefs sur porte» ou «Une brique dans le ventre» ne vous intéresse pas ?

 

Si, et j’ai fait une émission sur le sujet pour les télévisions locales. C’était enregistré à Télésambre, à Charleroi. Une série qui évoquait les différents aspects dans l’achat d’une maison, de la construction à la rénovation, en passant par les assurances et les prêts…

 

Comment est arrivée l’envie d’écrire ?

 

J’avais déjà écrit dans le passé, parce que c’est quelque-chose que j’adorais faire. Comme j’avais plus de temps, j’ai pu m’y consacrer un peu plus. Je viens d’éditer trois livres («La Boîte à mirage», «Meurtre à Rixensart» et «Crime à Louvain-la-Neuve»), et je suis sur l’écriture du quatrième, qui aura pour lieu, Liège.

 

Pourquoi des polars ?

 

Et pourquoi pas ! (Rires) J’aime bien l’aspect ludique. Dans le polar, il faut trouver le coupable, la raison pour… J’ai lu beaucoup de livres, et pas que des policiers. Je n’aime pas les histoires qui font peur, je préfère les polars avec des petites intrigues entre personnages, avec un aspect plus humain des choses. Le sang qui gicle partout, ça m’énerve… En télé, je n’aime pas «Les Experts», alors que les productions francophones sont plus soft. Et ce que j’adore, ce sont les séries anglaises ! Il y a de la finesse et ce sont vraiment les personnages qui comptent.

 

Et cet intérêt pour des lieux en Belgique ?

 

Les Anglais le font et vendent leurs petits patelins. Le lieu peut inspirer. Un crime à Louvain-la-Neuve ne collerait pas avec le cadre d’Anvers, ou d’ailleurs. Je pense beaucoup à l’endroit. Je prends beaucoup de notes, je vais en repérages ou me rafraîchir la mémoire sur place… et ça dure parfois des mois. Une fois que c’est fait, je me lance dans l’écriture. Parfois, je change et la trame évolue. Par exemple, dans «Meurtre à Rixensart», je m’étais pris d’affection pour le personnage du curé dominicain, et je n’ai pas eu le courage de le supprimer. J’en ai fait partir un autre à sa place !

 

Est-ce qu’on vend plus d’exemplaire dans la commune où se passe l’intrigue ?

 

Bien sûr. D’ailleurs à Rixensart, au «Chat botté», la libraire m’a expliqué que j’étais sa meilleure vente en 2014 ! Les gens aiment bien quand on parle de chez eux, c’est un peu logique, et quel que soit l’auteur.

 

Des intrigues qui se passent dans des lieux en Belgique, ça pourrait intéresser la télé ?

 

C’est un peu tôt pour en parler, mais on verra… (rires) C’est une bonne idée parce que j’aime bien l’image, donc ça m’intéresserait de les adapter en série ou en téléfilm. C’est un projet possible.

 

L’étiquette de speakerine s’est effacée pour celle d’écrivain ?

 

Non, on m’en parle encore. Comme j’ai fait «Chocolat Show», les enfants qui me regardaient sont aujourd’hui des adultes qui ont entre 30 et 40 ans. Dans les magasins, des grands enfants m’arrêtent encore pour me parler de «Chocolat Show» ! J’étais à un mariage récemment. Des trentenaires… j’y ai rencontré tout mon public ! C’était assez comique, ils s’en souvenaient tous.

 

On pourrait imaginer un livre sur votre parcours à la télé ?

 

Non, c’est un genre que je déteste lire, et donc aussi d’écrire. C’est hyper ennuyeux. De toute façon, je ne suis pas passéiste. Le passé est le passé. Bien sûr, c’est gai de se souvenir des bons moments et des rigolades. Mais les raconter, il n’y a rien qui tombe plus à plat. Ma vie dans un rétroviseur, surement pas. On me l’a demandé, j’ai refusé. Je préfère nettement la fiction et la création.

 

Vous referiez de la télé ?

 

Tout dépend du projet. Si j’avais carte blanche, en radio, ce serait une émission humoristique. Tout est possible parce qu’il n’y a pas d’images et que l’on peut donc tout y faire. En télé, j’aurais plutôt envie de faire du littéraire. Mais pas quelque chose d’ennuyeux, ni de poussiéreux non plus. Un peu comme «Apostrophes» (Antenne 2), où Bernard Pivot s’est dévoué pour rendre l’émission vivante avec des invités qui ont des choses à dire. Il faut trouver une bonne formule pour que ça bouge.

 

Que regardez-vous à la télé aujourd’hui ?

 

Je zappe beaucoup. Je trouve qu’il y a de moins en moins d’identité des chaînes. Que ce soit en Belgique ou en France, on diffuse les mêmes séries, les mêmes types de talkshows, les mêmes téléréalités… J’aimerais bien que les télévisions reprennent leur identité et qu’elles créent leurs émissions au lieu d’acheter des concepts et des formats. J’aime bien le «Septante-et-un» (NDLR : qui est d’ailleurs un format belge original). L’idée est bonne, il y a de la recherche,… J’ai bien aimé les deux premières saisons de «Star Academy». C’était neuf, on apprenait aux jeunes à se débrouiller dans le monde la musique et apprendre un métier.

 

Que pensez-vous des speakerines, en 2015 ?

 

J’applaudis le fait qu’elles existent encore. J’aime bien ce lien avec le téléspectateur. J’ai toujours pensé – même quand je le faisais moi-même – que le rôle de la speakerine est important. On était plus présentes parce qu’il y avait moins de pression publicitaire et elle ne régnait pas encore en maître. On l’a ressenti un peu vers la fin quand les annonces sont devenues plus chronométrées… Honnêtement, j’aime bien la manière dont les speakerines de RTL-TVI présentent les programmes, avec leur personnalité propre.

 

S’il fallait retenir une période de votre carrière télé ?

 

Je me suis éclatée en faisant ma première production. J’étais là depuis deux ans et j’ai proposé «Cette année-là», où on mettait une année à l’honneur une fois par mois. J’avais toute une soirée pour l’évoquer à travers l’information, la culture, des lieux, des invités et je terminais par le film marquant de l’année… C’était un gros travail qui a eu beaucoup de succès. Ça n’a duré qu’une saison parce qu’on m’a demandé d’assumer le «Tête à tête», en fin d’après-midi, tous les jours, avec Claude Rappé.

Entretien : Pierre Bertinchamps

 

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