Quand science et télé font des étincelles
Les émissions de vulgarisation scientifique connaissent un succès grandissant. Les présentateurs et leurs équipes savent rendre intéressants des sujets qui, à l’école, nous ont souvent laissés de marbre. Comment s’y prennent-ils pour fasciner le public ?
Elle est bien loin l’époque des émissions scientifiques de Paul Danblon sur la RTB. Dans les années 1980 et 1990, avec «Temps X» (1979-1987, sur TF1), les jumeaux Bogdanoff avaient compris que pour intéresser les jeunes à des sujets a priori rébarbatifs, il fallait surprendre. La science doit être amusante, s’apprendre de façon ludique.
Désormais, en Belgique, comme en France et d’autres pays, les programmes abordant des thèmes vraisemblablement complexes font les beaux jours et soirées des spectateurs. «Matière grise» sur la Une, «Tout s’explique» sur RTL-TVI, «Le Monde de Jamy» sur France 3, «Les Pouvoirs extraordinaires du corps humains» sur France 2, «E=M6» sur M6… tous ont leurs fidèles, yeux et oreilles grand ouverts devant ces divertissements si enrichissants.
Un bon sorcier
Avec ses lunettes rondes de prof posées sur un sympathique visage de grand écolier, Jamy Gourmaud réunit petits et grands devant le grand écran depuis près de trente ans ! Après des débuts en tandem avec Frédéric Courant dans le célèbre «C’est pas sorcier !», en 1993, le journaliste a étoffé ses activités en présentant notamment «Le Monde de Jamy», «C Jamy» sur les chaînes de France Télévisions et, à la suite d’une idée née durant le confinement, «L’Epicurieux», sur la plateforme YouTube.
Aujourd’hui, à 58 ans, il continue de poser un regard éclairé sur d’innombrables sujets sans se lasser. Ni nous lasser. «La vulgarisation scientifique à la télé sert à comprendre les enjeux de notre monde. C’est très important. On l’a vu avec le coronavirus, beaucoup de gens ont d’abord eu du mal à le décoder», confiait-il au Monde des Ados (supplément du Monde).
Prendre le temps de décrypter
«Il faut partager ses connaissances de la science avec le plus grand nombre ! La science n’est pas qu’une question de formules. L’émerveillement vient de l’observation, qu’on soit scientifique ou pas. C’est en prenant le temps d’observer et de décrypter ce que l’on fait, et pourquoi on le fait, qu’on comprend les enjeux.»
Il ajoute dans Gala : «J’ai une chance inouïe de faire ce métier car, chaque fois que j’apprends quelque chose et que je parviens à l’expliquer, je m’épanouis davantage. C’est une chance extraordinaire. Il n’y a pas de journée qui se ressemble !» Et d’ajouter que certains sujets qu’il ne connaissait pas ou peu ont fait de lui un fan qui s’ignorait ! «Mon moment le plus fort a été le reportage sur l’Etna. Cette expérience est à l’origine d’une passion pour les volcans et la géologie, des disciplines que je ne connaissais pas jusque-là !» Désormais, il s’y intéresse même en dehors de son activité de journaliste !
Élèves, émules et patients
Un enthousiasme que l’on retrouve chez notre Patrice Goldberg national et son époustouflant «Matière Grise». Lors des 20 ans du magazine diffusé sur La Une, fêtés en 2018, il a expliqué à nos confrères de la Libre Belgique : «La science est tellement partout, nous avons envie de parler de tout ! (…) Je suis fier d’avoir pu voir naître des vocations scientifiques influencées par mon émission, des jeunes chercheurs motivés à se lancer dans la profession. On a l’impression de faire quelque chose d’utile pour la société, au-delà de la télévision !»
Même discours ému pour Gérald Kierzek, médecin urgentiste et chroniqueur médical pour de nombreuses émissions radio et télé, dont les JT de LCI et TF1. «La vulgarisation, j’ai toujours aimé ça !», a-t-il dit au journal de l’INA. «Au collège, je lisais Santé Magazine. J’ai regardé « Santé à la Une », j’ai aussi beaucoup suivi Michel Cymes. Je vois bien que je suis devenu une sorte d’Hubert Reeves de la médecine, mais expliquer, c’est d’abord une obligation déontologique. Je parle aux téléspectateurs comme à mes patients !» Il a d’ailleurs séduit médias et public grâce à cette faconde accessible.
Réjouissante (r)évolution
«L’intérêt des téléspectateurs pour des domaines qui touchent au quotidien est constant !», embraye Mac Lesggy (de son vrai nom : Olivier Lesgourgues) dont le magazine «E = M6» a débuté en 1991. «Au début, quand l’équipe interviewait des scientifiques, ceux-ci peinaient à expliquer les choses simplement. En un quart de siècle, ils ont beaucoup progressé et ont pris le train de la vulgarisation en marche !», se réjouit-il dans Bien-Être et Santé. «Vous savez, j’ai une curiosité illimitée dans beaucoup de domaines. Je suis né curieux et je mourrai curieux !»
Pédagogie et humour
Quant au tandem de choc Michel Cymes-Adriana Karembeu , «marié» médiatiquement depuis 2012, il rassemble régulièrement des millions de téléspectateurs avec «Les Pouvoirs extraordinaires du corps humain» sur France 2. Le premier est chirurgien ORL, la seconde, sublime top model et actrice, a failli être docteure après trois ans en fac de médecine. Les deux ont la même curiosité et le même humour piquant.
«On vit tous les jours avec notre corps, sans se poser trop de questions. Nos émissions permettent de le découvrir», souligne Adriana dans Rebellissime. «Ce qui me fascine, c’est le côté pédagogique, quand on comprend comment le corps fonctionne ! Même pour Michel, qui est médecin, et moi qui ai une petite formation de médecine, c’est toujours très étonnant.»
Gens normaux et cobayes
Son succès vient aussi du fait que le duo mouille sa chemise : «En nous voyant, Michel et moi, nous investir et nous transformer en cobayes, le téléspectateur se dit que si nous pouvons le faire, lui le peut aussi. Après tout, nous sommes des gens normaux, souvent très maladroits, ni plus ni moins doués que les autres ! Nous découvrons ce qui est bon ou non pour notre corps. Et puisque c’est la science qui parle à travers les spécialistes que nous rencontrons et interrogeons, c’est avéré !»
Et l’émulation fonctionne ! Adriana s’en réjouit : «Je suis la première cliente. Mon mari aussi est un parfait exemple des bienfaits de l’émission. Il a su en tirer de nombreux enseignements. Il a arrêté de fumer et a perdu vingt kilos !»
Cet article est paru dans le Télépro du 21/7/2022
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