«Pourquoi je vis» : interview de Mickaël Lumière, Odile Vuillemin et Pierre Lemarchal
Mardi soir, La Une diffuse un téléfilm très réussi qui retrace la carrière courte, mais intense, du «petit prince» de la chanson, Grégory Lemarchal. Confidences des acteurs.
Personne n’a oublié le gagnant de la Star Academy 4, diffusée en 2004 sur TF1. Grégory Lemarchal, artiste talentueux, volontaire et passionné, a été fauché trois ans plus tard par la mucoviscidose. Il avait 23 ans. Mais le chanteur aura eu le temps de réaliser ses rêves. Le biopic «Pourquoi je vis» dévoile ses combats avec délicatesse grâce au jeune et bluffant Mickaël Lumière (24 ans), ainsi qu’Odile Vuillemin et Arnaud Ducret dans le rôle des parents, Laurence et Pierre Lemarchal. Depuis son départ de la série «Profilage», l’actrice (44 ans) s’est distinguée dans des rôles intenses – dont «L’Emprise» et «Un homme parfait». Ici, en incarnant la maman de Grégory, elle aborde à nouveau un sujet sensible. Retour sur un tournage énergivore et captivant.
La charge émotionnelle du film est là dès le départ, puisqu’on connaît l’épilogue. Mais que pensez-vous du scénario ?
Je le trouve très joli, avec une structure basée sur des flash-back qui montrent l’enfance, le quotidien de Grégory. Et ses premiers pas artistiques. C’est présenté de façon lumineuse et juste. Cela aurait pu être voyeuriste, mais les instants difficiles sont relatés avec pudeur et dignité.
Pour préparer votre rôle, vous avez été accompagnée par les parents de Grégory…
Je suis ravie de les connaître ! Pierre Lemarchal chante, donc il a un peu plus l’habitude des médias et des gens en dehors de la sphère familiale. Laurence est plus discrète. Je lui ai demandé comment jouer chaque étape de sa vie auprès de son fils. Nous avons mangé plusieurs fois ensemble, mais je l’ai aussi espionnée de loin pour m’imprégner de ses attitudes ! Sur le plateau, il m’arrivait de lui téléphoner pour m’assurer d’être dans l’authenticité. «Il porte bien son patronyme !»
Comment trouvez-vous Mickaël Lumière qui incarne Grégory ?
Il porte bien son patronyme ! C’est un acteur hyper investi. Nous avons vécu des scènes intenses, dont celle où en tant que mère, je dis à mon fils de ne pas douter. J’ai été maternelle avec Mickaël ! Surtout quand il se demandait comment aller chercher l’émotion juste.
Dans le film, la maman conseille à l’amie de Greg (Karine Ferri, alias Candice Dufau) de ne pas pleurer devant lui…
C’est admirable. Malgré les traitements, ils se focalisent sur le positif. Une grande leçon ! En voyant la force de Greg, on se dit qu’il faut arrêter de se plaindre pour des p’tites bidouilles !
Quelle scène vous a le plus pris aux tripes ?
Quand mon personnage apprend que son enfant est atteint de mucoviscidose. Puis la séquence où le père (Arnaud Ducret) flanche et où je lui dis : «Ça va aller, t’es un super papa !» J’ai aussi aimé les moments importants de ce couple si soudé, quand la maman demande à son mari de lui faire un second bébé, même s’il y a des risques. C’est tendre.
Qu’avez appris sur la mucoviscidose ?
Je ne savais pas du tout quel était le quotidien des jeunes «mucos». La scène où un médecin manipule un bébé qui pleure pour dégager ses poumons m’a fait de la peine. J’avais envie de dire au réalisateur : «Stop, on ne refait pas cette séquence !» J’espère que le film fera prendre conscience du courage des malades, des proches et des chercheurs.
Ces dernières années, vous avez eu des rôles dramatiques forts. Dans quel état en sortez-vous ?
J’ai appris à me préparer à l’impact du récit, à me dissocier du personnage. Je me suis habitué à plonger très loin et à me relever. Je pleure souvent après une scène. Si ça déborde, ce n’est pas grave. Sur «Pourquoi je vis», ça m’est arrivé une fois. J’ai laissé les larmes venir car j’avais dû les retenir durant la séquence. J’appelle cela ma douche émotionnelle !
Mickaël Lumière «J’étais tout tremblant !»
Ce tout jeune acteur («Mon bébé», «La Vérité si je mens. Les débuts») a été convié au casting pour sa ressemblance avec Grégory, mais aussi sa palette d’émotions.
Que retenez-vous des parents de Grégory qui vous ont conseillé ?
Ils m’ont tout de suite mis à l’aise car j’étais honoré, mais très impressionné. Tous deux m’ont suivi durant le tournage afin que je sois au plus près de la vérité. Sans leur bienveillance et leur autorisation tacite, je n’aurais pas pu interpréter ce rôle. C’est une chance d’incarner non pas un héros fictif, mais un être qui a existé et qui faisait l’unanimité. Ce fut un travail de mémoire avec, en toile de fond, une communauté de fans encore très présente.
Vous souvenez-vous de la Star Academy 4 ?
J’avais 8 ans. C’est la première saison que j’ai suivie de A à Z, car j’étais déjà attiré moi aussi par le spectacle. Je me suis identifié à Grégory et son tempérament. On ne voyait que lui ! Sa victoire m’a marqué. Je me souviens aussi de l’annonce de son décès, j’avais du mal à comprendre pourquoi quelqu’un de si jeune était parti. Pour les scènes au château, j’ai parlé avec les autres ex-candidats. Nikos Aliagas a aussi été d’une grande classe en évoquant avec sagesse ses moments complices avec Greg.
De quelle façon avez-vous réussi à entrer dans sa peau ?
J’ai revu toutes les quotidiennes de la Star Ac’, les primes, concerts et ses interviews pour voir sa manière de bouger, parler, rire. Et me documenter sur la maladie a été essentiel. J’ai rencontré de jeunes comédiens atteints de mucoviscidose, ils m’ont confié leur philosophie de vie. Ils vivent à cent à l’heure, comme Grégory. «La vie à cent à l’heure»
Comment avez-vous abordé les moments de souffrance ?
Ils ont été éprouvants car très techniques. C’était assez procédural. Un vrai kiné et le père de Greg m’ont renseigné sur les gestes et postures. Il y avait une forte émotion avec les quintes de toux et les traitements sans lesquels un étouffement pourrait survenir rapidement.
Que vous ont apporté les prestations musicales de «SOS d’un Terrien en détresse» et «Et maintenant» ?
Des sensations que je n’avais jamais connues ! Les play-back ont eu lieu devant 500 personnes qui criaient. Cela montre ce que peut vivre un artiste. Moi qui ai toujours rêvé de faire de la scène, j’ai pu la toucher du doigt. Ça donne envie ! (Rire) De plus, le tournage a débuté avec ces performances. J’étais immédiatement dans le bain, tout tremblant, surtout quand on a filmé la finale avec une pluie de confettis !
Odile Vuillemin vous a, paraît-il, materné !
Nous avons eu une connexion étonnante. Elle m’a dit comment aller chercher des émotions fortes. Une coach géniale ! Il suffisait qu’Odile me regarde, me transmette quelque chose d’indicible et de sensible, et je me mettais à pleurer ! Nous avions à cœur de réaliser une œuvre belle et forte.
Avez-vous le trac pour la diffusion du téléfilm ?
Oh, oui ! Mais étant sur un nuage depuis le tournage, je ne mesure sans doute pas la portée de cette aventure. Je reçois déjà de gentils messages des fans. Il y a donc à la fois de l’appréhension et de l’excitation ! J’ai hâte de partager ça avec les téléspectateurs.
Pierre Lemarchal : «Je devais obliger mon fils à être raisonnable !»
Lors d’un passage à Bruxelles, le papa de Grégory avait rencontré Télépro. Retour sur ses confidences.
Grégory a-t-il eu le temps de conscientiser le public au sujet de la mucoviscidose ?
Son décès a été un électrochoc. Après sa disparition, le nombre de cartes de donneurs d’organes a explosé. À ses débuts, Greg ne souhaitait pas se focaliser sur son mal, par crainte qu’on y voit l’exploitation d’un certain pathos. Après réflexion, il avait décidé de se battre concrètement pour tous les «mucos».
Parvenez-vous à écouter les disques de Grégory ?
Le réentendre ou le revoir à la télé reste difficile. Il faut s’y accoutumer. Mon épouse et moi préférons penser à sa passion du métier. Notre fils écrivait des chansons depuis longtemps, il les rédigeait en chantant, puis nous les dévoilait toujours avec pudeur.
Comment était-il au quotidien ?
Animé par une grande volonté. Et souvent intolérant ! Ce refus de la compassion a sorti des gens de la déprime. Une fan anorexique l’avait un jour appelé. Greg n’a pas voulu s’apitoyer et l’a secouée : «Tu te fais du mal alors que toi, tu as la chance d’être en bonne santé !» Cette fille a ensuite réussi à guérir.
Donc, Grégory vous ressemblait puisque votre épouse vous qualifie de «roc» !
Laurence est, elle aussi, dynamique. Ça lui permet de surmonter sa timidité et sa souffrance. Pour notre association, on se partage les tâches : j’assure les conférences, elle va dans les hôpitaux. Comme dans tous les couples, je ramène l’argent, ma femme le dépense ! Mais pour une bonne cause : la recherche scientifique !
Quels furent vos liens avec Grégory ?
J’ai été son père et son manager, en l’encourageant à être raisonnable quand il était fatigué. Je protégeais l’essentiel : son équilibre physique et moral. Nous avons eu pas mal de prises de tête, mais elles étaient franches et aboutissaient toujours à une solution positive.
FAIRE UN DON : Association Grégory Lemarchal : https://association-gregorylemarchal.org/
Cet article est paru dans la magazine Télépro du 27 août 2020.
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