Philippe Soreil : «Rendez-vous ce week-end à Libramont !»
Dès ce vendredi 25 juillet, et jusque lundi 28, après le JT de 13 heures de La Une, «La Clef des champs» prendra la température du monde agricole à la Foire de Libramont. L’occasion pour Télépro de faire le bilan de l’émission qui existe depuis 1998 !
Pourquoi ce focus sur la Foire de Libramont ?
C’est légitime et logique pour une émission qui tente depuis 16 ans de donner une belle image du monde agricole au grand public. «La Clef des champs» n’est pas destinée qu’aux agriculteurs. C’était aussi une demande de la direction de la RTBF de valoriser l’événement à un moment bien placé dans la grille.
La Foire de Libramont est un moment important de la saison de «La Clef des champs» ?
La foire, c’est une fête, mais c’est aussi le moment pour les agriculteurs de se tenir les coudes. Les professionnels se retrouvent pour défendre leur passion. C’est l’endroit où se concentrent tous les interlocuteurs que j’ai rencontrés durant l’année écoulée et celles qui ont précédé. Je ne fais pas quelques pas à Libramont sans être salué, et pas uniquement des téléspectateurs. Et pour l’émission, c’est une période de convivialité qui soude une équipe. Nous nous retrouvons à une quinzaine de personnes et nous vivons dans un gîte pendant une semaine. On prend l’apéro ensemble, on joue de la guitare le soir…
En 16 ans, vous avez vu évoluer le monde agricole ?
Oui. L’agriculteur de la nouvelle génération est devenu un entrepreneur. On n’a plus uniquement la nostalgie d’un métier que l’on aime et que l’on a envie de faire par passion ou héritage. En 2014, on doit gérer une ferme comme on gère une PME. Il n’y a plus de place pour de l’improvisation ou du romantisme. Certains résistent encore, mais ce sont des exceptions. Il y a un autre élément très important, c’est une prise de conscience pour la qualité alimentaire, le bien-être de l’animal et de la Terre. Pendant les 5 premières saisons, cette prise de conscience a été très forte. On ne pouvait plus mettre les animaux de la ferme dans n’importe quelle situation, d’une part parce que l’opinion décriait beaucoup les méthodes, et d’autre part parce que les agriculteurs se sont rendus compte que la qualité des produits devenait aussi un enjeu. La Terre a des limites a sa puissance créatrice. Elle s’appauvrit si on ne la soigne pas, et surtout ce qu’elle produit ressemble à ce qu’on lui donne !
En marge de l’ouverture de la Foire de Libramont, on annonce une forte chute des exploitations…
C’est l’autre problème de l’évolution. Les jeunes éprouvent des difficultés à reprendre une exploitation parce que les charges d’emprunt sont plus lourdes qu’avant. Au niveau paperasserie, contrôles, normes ou quotas, la gestion journalière rend le métier encore plus difficile qu’avant.
La «Clef des champs» a permis au public d’avoir un regard différent sur le monde agricole ?
De plus en plus souvent, on vient vers moi ou vers l’équipe de tournage, avec un sourire qui marque une affection, une reconnaissance et une attention particulière. Le public a pris conscience que les agriculteurs nous nourrissent, et les agriculteurs sentent qu’ils sont une fenêtre sur la nature et nos campagnes.
S’il y a de moins en moins d’agriculteurs, comment vous renouvelez-vous ?
Au départ, l’émission était qualifiée d’«agricole». Quand je la définis aujourd’hui, je parle d’un programme qui se préoccupe de la ruralité, de la qualité de la vie. C’est tout ce qui englobe la campagne. Aussi bien l’élevage et la culture, les producteurs et les transformateurs des produits de terroir, et la nature en général, en n’oubliant pas le coté loisirs, c’est-à-dire le gîte, le camping ou les produits de bouche. Ces dernières années, les produits du terroir ont fait leur entrée dans les cuisines des restaurants étoilés. Ce n’était pas toujours le cas avant, et c’est même devenu un gage de haute qualité, et un argument commercial.
Il y aura une thématique particulière dans les émissions de ce week-end ?
On va parler de tous les aspects de la Foire. On recevra quelques personnalités comme Bouli Lanners qui a des liens familiaux avec l’agriculture, et qui est très attaché au bio. Il y aura aussi une émission sur la «Journée de l’herbe» qui est le thème complémentaire de la Foire, et qui parlera de la gestion des prairies. J’irai à la rencontre d’un agriculteur qui nourrit ses bovins avec de l’herbe, autant que possible sans additifs, ni compléments alimentaires. On parlera aussi beaucoup d’attelage, parce qu’à l’origine, la Foire de Libramont était un concours de chevaux de trait, dont on fête la 80e édition. On peut dire que Libramont à l’âge du Roi Albert II ! (Rires)
Vous êtes un enfant de la ferme ?
J’ai été élevé en ville. Je suis né à Liège, mais j’ai grandi à Verviers. Tant du coté de ma mère que du coté de mon père, la famille nous a baigné dans la campagne, du coté de Marche-en-Famenne. En vacances, je me retrouvais chez ma grand-mère et je passais mes journées à la ferme. Sans pour autant avoir envie d’en faire mon métier, mais j’adorais grimper sur les meules de foin ou monter sur le cheval de trait. C’est drôle parce que mon frère, Alain, a eu exactement la même éducation que moi, mais il n’a pas d’attrait pour ce milieu.
Que pensez-vous de «L’Amour est dans le pré» ?
Il y a une tentative de mise en valeur de la ferme et de la ruralité. C’est une émission que je n’aimais vraiment pas au début. Je trouvais qu’elle mettait en scène la caricature du milieu agricole. Par la suite, elle a évolué. Sans juger sur le fond, je crois que «L’Amour est dans le pré» apporte une popularité au monde agricole, mais de façon différente de la nôtre. Eux font de la téléréalité, nous nous faisons de télé-vérité.
Après 16 saisons, vous n’avez pas épuisé tous les sujets sur la ruralité ?
Bien sûr que non. Ce serait comme affirmer que si «Jardins et loisirs» a présenté toutes les sortes de fleurs qui existent, alors l’émission doit s’arrêter !
Entretien : Pierre Bertinchamps
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