Paul Moreira : «L’indépendance de la presse est clairement en recul, mais…»

Paul Moreira : «L'indépendance de la presse est clairement en recul, mais...»
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

Le vice-président de Reporters sans frontières sera, ce mercredi 3 mai à 21h15, l’invité de «Libre échange» sur La Trois. L’occasion de faire le point sur la liberté de la presse.

En ces temps difficiles pour les journalistes – y compris en Europe occidentale – la venue de Paul Moreira au Parlement européen, même pour une émission de télé, est tout un symbole. Le vice-président de Reporters sans frontières vient parler avec des jeunes du journalisme 2.0 et des difficultés de plus en plus grandes lorsque l’on veut pratiquer de l’investigation.

Mais Moreira reste optimiste, il est d’ailleurs aussi le patron de la boîte de production du magazine de France 2 «Cash Investigation».

Que pensez-vous d’un programme comme «Libre échange» ?

C’était un excellent moment. J’étais agréablement surpris par l’acuité des questions et leur pertinence. Les jeunes étaient complètement au cœur des débats que traversent et la profession et la société. Ils sont très jeunes, mais ils prennent à bras le corps des questions essentielles sur l’indépendance des médias ou la position des journalistes par rapport à la société civile.

Comment voyez-vous l’avenir du journalisme ?

Quand j’ai commencé à faire de l’investigation à la télé – et en vérité pour nous c’était juste avoir le temps d’aller jusqu’au bout d’un thème – c’était toutes les semaines dans «Le Vrai Journal» de Karl Zero, il y a vingt ans, et nous étions les seuls. Aujourd’hui, on trouve pas mal de cases de journalisme d’investigation. Et je ne crois pas à une disparition du genre, parce que le public en est devenu très friand. Quand il y a un marché, il y a toujours une offre. C’est la garantie d’indépendance qui posera peut-être question…

Entretien : Pierre Bertinchamps

Il y aura encore de l’argent pour l’investigation à l’avenir ?

Je l’espère… Le succès de Médiapart est un motif de réjouissance. Il y aura de l’argent pour ce type d’information, mais il faudra que l’investigation soit différente et toujours avec beaucoup de rigueur.

Pourrait-on imaginer «Cash Investigation » sur une chaîne privée ?

TF1 a mis fin à de la vraie investigation, il y a longtemps quand ils ont supprimé «Le Droit de savoir». M6 en fait encore de temps en temps dans «Enquête exclusive». Mais il y a des vaches sacrées en fonction des budgets publicitaires. On n’investiguera jamais sur un annonceur. Et ça été clairement dit par le patron de la chaîne. «Cash Investigation» ne peut exister que sur le service public. Et le public l’identifie comme tel à 90%. Mais il faut reconnaître qu’au début, France TV Publicités était frileux…

Comment voyez-vous l’avenir du journalisme ?

Quand j’ai commencé à faire de l’investigation à la télé – et en vérité pour nous c’était juste avoir le temps d’aller jusqu’au bout d’un thème – c’était toutes les semaines dans «Le Vrai Journal» de Karl Zero, il y a vingt ans, et nous étions les seuls. Aujourd’hui, on trouve pas mal de cases de journalisme d’investigation. Et je ne crois pas à une disparition du genre, parce que le public en est devenu très friand. Quand il y a un marché, il y a toujours une offre. C’est la garantie d’indépendance qui posera peut-être question…

Entretien : Pierre Bertinchamps

Les réseaux sociaux vont-ils tuer le journalisme ?

Je ne pense pas mais c’est un vrai problème quand l’information gratuite est fournie de manière trop rapide sur les réseaux sociaux. Je reconnais passer moins de temps à lire du «papier» au profit d’articles publiés sur le web. L’équation devient difficile parce que le public veut du contenu, mais paie de moins en moins pour ce contenu. Le risque est que le contenu devienne sponsorisé. Et c’est un vrai souci…

Le consommateur d’info est-il moins regardant sur la qualité ?

Oui… Avant on consommait des journaux par un processus d’identification. Ça s’est un peu dissous aujourd’hui, mais d’autres effets «bulle» sont apparus avec des opinions très fortes, où le consommateur peut se créer son environnement médiatique. C’est la bulle réfléchissante, où le lecteur n’a sélectionné que l’information qui l’intéresse ou proche de lui. Et parfois, ces opinions peuvent être fausses ou manipulées. C’est dangereux.

Il y aura encore de l’argent pour l’investigation à l’avenir ?

Je l’espère… Le succès de Médiapart est un motif de réjouissance. Il y aura de l’argent pour ce type d’information, mais il faudra que l’investigation soit différente et toujours avec beaucoup de rigueur.

Pourrait-on imaginer «Cash Investigation » sur une chaîne privée ?

TF1 a mis fin à de la vraie investigation, il y a longtemps quand ils ont supprimé «Le Droit de savoir». M6 en fait encore de temps en temps dans «Enquête exclusive». Mais il y a des vaches sacrées en fonction des budgets publicitaires. On n’investiguera jamais sur un annonceur. Et ça été clairement dit par le patron de la chaîne. «Cash Investigation» ne peut exister que sur le service public. Et le public l’identifie comme tel à 90%. Mais il faut reconnaître qu’au début, France TV Publicités était frileux…

Comment voyez-vous l’avenir du journalisme ?

Quand j’ai commencé à faire de l’investigation à la télé – et en vérité pour nous c’était juste avoir le temps d’aller jusqu’au bout d’un thème – c’était toutes les semaines dans «Le Vrai Journal» de Karl Zero, il y a vingt ans, et nous étions les seuls. Aujourd’hui, on trouve pas mal de cases de journalisme d’investigation. Et je ne crois pas à une disparition du genre, parce que le public en est devenu très friand. Quand il y a un marché, il y a toujours une offre. C’est la garantie d’indépendance qui posera peut-être question…

Entretien : Pierre Bertinchamps

Dans «Libre échange» vous expliquez que – parfois – le journaliste est surprotégé. Ce n’est pas un peu contradictoire ?

Qu’il n’y ait pas de malentendu. Je suis pour la protection des sources et l’activité du journaliste. Par contre, il n’y a pas de raison de créer une immunité des journalistes comme celle des parlementaires. Il doit rester des sanctions, et elles doivent correspondre au délit commis. Pour moi, le seul délit que peut commettre le journaliste, c’est la diffamation. L’utilisation du mensonge pour nuire à quelqu’un, c’est une faute.

La presse est-elle encore libre en 2017 ?

C’est une question qu’on se pose, en effet. Et la société aussi s’en inquiète. Mon sentiment est qu’il y a des zones de libertés dans toute la presse. Même celle qui est la plus contrôlée. Il y a d’excellents articles sur l’international dans Le Figaro, par contre, sur la politique intérieure, on sent que c’est différent. Mais c’est pareil pour tous médias dirigés par des industriels. Je l’ai connu sur Canal+. On avait quand même des zones d’inconfort sur certains sujets comme le cinéma ou la foot. C’était au cœur de l’activité industrielle du groupe. On ne se sentait pas aussi libre que si on traitait tout le reste. Je ne dramatise pas. L’indépendance de la presse est clairement en recul, mais il reste des titres qui font preuve du rigueur réjouissante comme Le Canard enchainé ou Médiapart. Et je citerai même le service public. «Cash Investigation» en est la preuve.

Vous avez des craintes pour la liberté des journalistes dans le prochain quinquennat ?

C’est une préoccupation. Les proches de François Fillon avaient laissé entendre dans Le Canard enchainé qu’il avait un agenda de revanche contre les journalistes après ce qu’il a subi. Effectivement, on pourrait avoir des craintes. Mais on a connu ça aussi avec Nicolas Sarkozy quand il est arrivé au pouvoir. La reprise en main du service public a été assez violente. L’indépendance était menacée puisqu’il se présentait comme «l’actionnaire», alors qu’en réalité les seuls actionnaires du service public, c’est nous, c’est le public qui paie sa redevance. On paie pour une information libre et indépendante.

Les réseaux sociaux vont-ils tuer le journalisme ?

Je ne pense pas mais c’est un vrai problème quand l’information gratuite est fournie de manière trop rapide sur les réseaux sociaux. Je reconnais passer moins de temps à lire du «papier» au profit d’articles publiés sur le web. L’équation devient difficile parce que le public veut du contenu, mais paie de moins en moins pour ce contenu. Le risque est que le contenu devienne sponsorisé. Et c’est un vrai souci…

Le consommateur d’info est-il moins regardant sur la qualité ?

Oui… Avant on consommait des journaux par un processus d’identification. Ça s’est un peu dissous aujourd’hui, mais d’autres effets «bulle» sont apparus avec des opinions très fortes, où le consommateur peut se créer son environnement médiatique. C’est la bulle réfléchissante, où le lecteur n’a sélectionné que l’information qui l’intéresse ou proche de lui. Et parfois, ces opinions peuvent être fausses ou manipulées. C’est dangereux.

Il y aura encore de l’argent pour l’investigation à l’avenir ?

Je l’espère… Le succès de Médiapart est un motif de réjouissance. Il y aura de l’argent pour ce type d’information, mais il faudra que l’investigation soit différente et toujours avec beaucoup de rigueur.

Pourrait-on imaginer «Cash Investigation » sur une chaîne privée ?

TF1 a mis fin à de la vraie investigation, il y a longtemps quand ils ont supprimé «Le Droit de savoir». M6 en fait encore de temps en temps dans «Enquête exclusive». Mais il y a des vaches sacrées en fonction des budgets publicitaires. On n’investiguera jamais sur un annonceur. Et ça été clairement dit par le patron de la chaîne. «Cash Investigation» ne peut exister que sur le service public. Et le public l’identifie comme tel à 90%. Mais il faut reconnaître qu’au début, France TV Publicités était frileux…

Comment voyez-vous l’avenir du journalisme ?

Quand j’ai commencé à faire de l’investigation à la télé – et en vérité pour nous c’était juste avoir le temps d’aller jusqu’au bout d’un thème – c’était toutes les semaines dans «Le Vrai Journal» de Karl Zero, il y a vingt ans, et nous étions les seuls. Aujourd’hui, on trouve pas mal de cases de journalisme d’investigation. Et je ne crois pas à une disparition du genre, parce que le public en est devenu très friand. Quand il y a un marché, il y a toujours une offre. C’est la garantie d’indépendance qui posera peut-être question…

Entretien : Pierre Bertinchamps

Ce genre d’émission peut-il réconcilier une jeunesse et la presse ?

Je ne sais pas. En tout cas, elle tente de le faire… C’est un peu dommage à dire comme ça, mais elle peut y arriver si elle est saucissonnée en petits clips diffusés sur les réseaux sociaux. Malheureusement en ce moment, la voie royale pour toucher les jeunes, c’est le buzz sur internet.

Découvrez un extrait de l’émission de ce mercredi :

En France, vous allez aussi vers les jeunes pour leur expliquer le métier ?

Je le fais de temps en temps. Trop peu parce que mon emploi du temps ne me le permet pas assez. Ce n’est pas plus de deux fois par an, et je reconnais que je devrais le faire plus. Ce sont des échanges gratifiants pour les deux parties. Je déplore que l’Education nationale française ne nous ait pas plus mis à contribution pour le travail fait avec le kit sur le complotisme que l’on avait mis à leur disposition, et on sait qu’il a été massivement utilisé.

Chez nous, on réclame de l’éducation aux médias. En France aussi ?

Absolument. Et c’est très important. Il ne faut pas prendre les jeunes pour des idiots. Ils sont souvent plus agiles que nous. J’ai des adolescents, et ils sont extrêmement agiles dans la manipulation médiatique. Les leçons de morale ne marcheront jamais avec eux. Par contre, leur donner des clefs pour discerner une zone de mensonge ou une zone de réalité, ils sont clients. L’éducation aux médias est fondamentale. La télé, le web, les réseaux sociaux… représentent un pourcentage tellement élevé de la vie des jeunes que l’école ne doit pas abandonner ce terrain.

Dans «Libre échange» vous expliquez que – parfois – le journaliste est surprotégé. Ce n’est pas un peu contradictoire ?

Qu’il n’y ait pas de malentendu. Je suis pour la protection des sources et l’activité du journaliste. Par contre, il n’y a pas de raison de créer une immunité des journalistes comme celle des parlementaires. Il doit rester des sanctions, et elles doivent correspondre au délit commis. Pour moi, le seul délit que peut commettre le journaliste, c’est la diffamation. L’utilisation du mensonge pour nuire à quelqu’un, c’est une faute.

La presse est-elle encore libre en 2017 ?

C’est une question qu’on se pose, en effet. Et la société aussi s’en inquiète. Mon sentiment est qu’il y a des zones de libertés dans toute la presse. Même celle qui est la plus contrôlée. Il y a d’excellents articles sur l’international dans Le Figaro, par contre, sur la politique intérieure, on sent que c’est différent. Mais c’est pareil pour tous médias dirigés par des industriels. Je l’ai connu sur Canal+. On avait quand même des zones d’inconfort sur certains sujets comme le cinéma ou la foot. C’était au cœur de l’activité industrielle du groupe. On ne se sentait pas aussi libre que si on traitait tout le reste. Je ne dramatise pas. L’indépendance de la presse est clairement en recul, mais il reste des titres qui font preuve du rigueur réjouissante comme Le Canard enchainé ou Médiapart. Et je citerai même le service public. «Cash Investigation» en est la preuve.

Vous avez des craintes pour la liberté des journalistes dans le prochain quinquennat ?

C’est une préoccupation. Les proches de François Fillon avaient laissé entendre dans Le Canard enchainé qu’il avait un agenda de revanche contre les journalistes après ce qu’il a subi. Effectivement, on pourrait avoir des craintes. Mais on a connu ça aussi avec Nicolas Sarkozy quand il est arrivé au pouvoir. La reprise en main du service public a été assez violente. L’indépendance était menacée puisqu’il se présentait comme «l’actionnaire», alors qu’en réalité les seuls actionnaires du service public, c’est nous, c’est le public qui paie sa redevance. On paie pour une information libre et indépendante.

Les réseaux sociaux vont-ils tuer le journalisme ?

Je ne pense pas mais c’est un vrai problème quand l’information gratuite est fournie de manière trop rapide sur les réseaux sociaux. Je reconnais passer moins de temps à lire du «papier» au profit d’articles publiés sur le web. L’équation devient difficile parce que le public veut du contenu, mais paie de moins en moins pour ce contenu. Le risque est que le contenu devienne sponsorisé. Et c’est un vrai souci…

Le consommateur d’info est-il moins regardant sur la qualité ?

Oui… Avant on consommait des journaux par un processus d’identification. Ça s’est un peu dissous aujourd’hui, mais d’autres effets «bulle» sont apparus avec des opinions très fortes, où le consommateur peut se créer son environnement médiatique. C’est la bulle réfléchissante, où le lecteur n’a sélectionné que l’information qui l’intéresse ou proche de lui. Et parfois, ces opinions peuvent être fausses ou manipulées. C’est dangereux.

Il y aura encore de l’argent pour l’investigation à l’avenir ?

Je l’espère… Le succès de Médiapart est un motif de réjouissance. Il y aura de l’argent pour ce type d’information, mais il faudra que l’investigation soit différente et toujours avec beaucoup de rigueur.

Pourrait-on imaginer «Cash Investigation » sur une chaîne privée ?

TF1 a mis fin à de la vraie investigation, il y a longtemps quand ils ont supprimé «Le Droit de savoir». M6 en fait encore de temps en temps dans «Enquête exclusive». Mais il y a des vaches sacrées en fonction des budgets publicitaires. On n’investiguera jamais sur un annonceur. Et ça été clairement dit par le patron de la chaîne. «Cash Investigation» ne peut exister que sur le service public. Et le public l’identifie comme tel à 90%. Mais il faut reconnaître qu’au début, France TV Publicités était frileux…

Comment voyez-vous l’avenir du journalisme ?

Quand j’ai commencé à faire de l’investigation à la télé – et en vérité pour nous c’était juste avoir le temps d’aller jusqu’au bout d’un thème – c’était toutes les semaines dans «Le Vrai Journal» de Karl Zero, il y a vingt ans, et nous étions les seuls. Aujourd’hui, on trouve pas mal de cases de journalisme d’investigation. Et je ne crois pas à une disparition du genre, parce que le public en est devenu très friand. Quand il y a un marché, il y a toujours une offre. C’est la garantie d’indépendance qui posera peut-être question…

Entretien : Pierre Bertinchamps

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