Muriel Robin : «Jacqueline et moi sommes de la même famille»

Muriel Robin : «Jacqueline et moi sommes de la même famille»
Julien Vandevenne
Julien Vandevenne Rédacteur en chef adjoint

Si vous avez loupé le téléfilm «Jacqueline Sauvage – C’était lui ou moi» hier sur la RTBF, vous aurez droit à une seconde chance ce lundi à 21h sur TF1.

Jacqueline Sauvage est devenue l’une des figures emblématiques des femmes battues en France. Condamnée à dix ans de prison après avoir tué son mari violent de trois balles dans le dos en 2012, elle avait finalement été graciée par François Hollande en 2016.

Muriel Robin se glisse avec sensibilité et justesse dans la peau de cette femme malmenée par son mari et par la vie.

Après «Marie Besnard, l’empoisonneuse» (2006), vous replongez dans une autre affaire judiciaire. Pourquoi ?

En tant que femme, le sujet des violences conjugales me touche particulièrement. Or, je trouve qu’il n’est pas abordé si souvent. Il est parfois mis en lumière médiatiquement puis s’éteint brutalement. Mettre un coup de projecteur ne me paraissait pas de trop. Il faut rappeler qu’une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint en France. Ce n’est pas rien ! Mais le sujet est complexe et les solutions sont difficiles à trouver. Pourquoi un homme devient-il violent ? Comment une femme peut-elle s’en défaire ? Ces femmes ne peuvent pas partir car elles ont peur. Souvent, elles n’ont d’ailleurs pas vraiment le choix. Pouvoir choisir est un luxe ! Pour elles, parler présente des risques. Je pense justement qu’il est de notre devoir d’en parler, encore et encore, pour essayer de les aider à sortir du silence.

Vous aviez écrit au président François Hollande en faveur de Jacqueline Sauvage. En quoi vous avait-elle particulièrement touchée ?

Il me semblait important que je m’engage et que j’écrive au président au nom de toutes les femmes battues, vivantes ou décédées. Pour moi, il s’agit réellement de légitime défense dans le cas de Jacqueline Sauvage, même si les faits ne correspondent pas à la définition de la loi. Elle a décidé de mettre fin à quelque chose d’horrible.

En ce sens, elle est devenue une figure emblématique de ce combat. Chaque fois que l’on m’a tendu un micro, j’ai dit qu’elle avait été graciée pour toutes celles qui étaient mortes et dont on n’a jamais entendu parler. Elle sera pour toujours leur représentante.

Il s’agissait d’un rôle lourd. Avez-vous hésité avant de l’accepter ?

Non. Quand Yves Rénier m’a appelée pour m’en parler, je lui ai immédiatement répondu : je suis Jacqueline Sauvage ! Ensuite, lorsque j’ai lu le scénario, j’ai imaginé le personnage. J’ai tout de suite pensé qu’il s’agissait d’un rôle intéressant, fort et riche. Dans le métier de comédien, il ne s’agit pas seulement de jouer mais d’être, d’incarner. Si on ne sent pas ce genre de rôle dans ses tripes, d’une manière animale, il ne faut pas le faire. C’était loin d’être mon cas !

Vous avez rencontré Jacqueline Sauvage. Que vous a-t-elle apporté ? 

J’ai passé une journée avec Jacqueline pour m’imprégner d’elle. Au début, j’ai essayé de prendre son timbre de voix, mais j’ai finalement trouvé que c’était inutile. Je suis restée connectée avec mon rythme intérieur. J’ai aussi lu son livre mais ma bible a toujours été le scénario. Je l’ai d’ailleurs lu de nombreuses fois. Je suis assez instinctive. J’ai fait le plein d’images, d’informations… puis à un moment donné, j’ai inventé, même si j’ai imaginé quelque chose qui devait être proche de la réalité.

En parlant avec Jacqueline, je me suis rapidement rendu compte que, au-delà de tout le reste, c’est la perte de son fils (pendu le jour où elle a tué son mari) qui l’accompagnera jusqu’à la fin de ses jours. Perdre un enfant est sûrement ce qui peut arriver de pire dans la vie d’une mère.

Jacqueline Sauvage est une femme très renfermée. Etait-ce facile à interpréter ?

Jacqueline est beaucoup dans le silence, c’est une taiseuse. Ça me parle car je l’ai été moi aussi. Chez nous, on ne parlait pas beaucoup non plus. On n’avait pas le temps pour ça. On travaillait et on gardait les choses pour soi. En fait, Jacqueline, je la connais. Nous sommes de la même famille ! En tant que comédienne, je trouve cela plutôt agréable et intéressant à jouer. Au même titre, j’aime les scènes où les acteurs sont de dos. Il n’y a pas toujours besoin de paroles et certains dos en «disent» beaucoup !

Comment avez-vous vécu les scènes de violences ?

Les jouer pendant huit jours, c’était déjà très dur. Je n’ose imaginer ce que ça devait être dans la réalité pendant quarante-sept ans ! Un être qui en frappe un autre à mains nues, l’insulte, c’est d’une violence inouïe. Olivier Marchal, qui interprète Norbert, faisait attention, mais il était obligé de m’attraper, de me secouer… Nous sommes dans une fiction mais lorsque l’on tourne ces scènes, entre le «action» et le «coupez», elles existent. Chaque fois, nous étions un peu comme en apnée. A la fin de certaines séquences, l’équipe pouvait être sous le choc ; il y avait parfois des silences pesants avant que les conversations reprennent doucement. Le premier week-end après avoir commencé, j’étais triste et vidée. Les scènes de tribunal étaient aussi très intenses. J’y ai beaucoup pleuré !

Vous n’avez pas hésité à vous vieillir pour les besoins du film…

Ce n’est pas un sujet pour moi, d’autant que ce n’est pas la première fois. Dans Marie-Line de Mehdi Charef, je l’avais déjà un peu fait, encore plus dans Marie-Besnard quelques années plus tard. Evidemment, ce n’est pas à mon avantage, mais je suis au service d’un rôle. Ensuite, j’enlève le masque, je redeviens moi. De toute façon, je n’ai pas fait ma carrière sur mon physique, je ne suis pas Catherine Deneuve !

Jacqueline Sauvage est venue sur le tournage. Etait-ce une pression supplémentaire ?

Non. Je ne cherchais pas à lui ressembler absolument mais à faire une composition de ce que j’avais saisi d’elle. Le jour où elle est venue, nous avons tourné des scènes légères. On n’allait pas lui imposer des séquences difficiles. Quand elle a vu Olivier Marchal arriver sur le plateau, elle a trouvé qu’il se comportait exactement comme son mari. Elle a pensé que beaucoup de comédiens ressemblaient un peu physiquement aux protagonistes dans la réalité.

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