«Misery» : huis clos avec une fan… atique !

Cathy Grosjean et David Leclercq sont dirigés par Fabrice Gardin dans cette adaptation en français signée Viktor Lazlo © RTBF/Isabelle De Beir/Kim Leleux

Suspense haute tension, ce vendredi à 22h35 sur La Trois, avec la pièce «Misery», adaptée du best-seller de Stephen King, le roi du frisson.

«Misery» , la pièce créée pour la première fois chez nous, au Théâtre des Galeries, enregistrée pour causes sanitaires, est l’adaptation en français (signée Viktor Lazlo) du film éponyme et, surtout, du roman de Stephen King, énorme succès en 1987. L’écrivain, connu pour ses récits d’emprise psychologique («Carrie », «Shining»), propose là une de ses meilleures oeuvres. Sur La Trois, les Belges Cathy Grosjean et David Leclercq, dirigés par Fabrice Gardin, revisitent ce huis clos addictif jusqu’à l’ultime seconde.

Misère et supplice

«Misery» en anglais signifie à la fois «misère», «détresse», «souffrance» et «supplice». C’est le prénom qu’un écrivain, Paul Sheldon, célèbre pour ses romans à l’eau de rose, a donné à son héroïne dont de nombreux lecteurs suivent les tourments. Las de cette figure qui le piège dans un style peu flatteur, Paul décide de la tuer dans un ultime épisode pour passer à des récits plus honorables. Mais tandis qu’il est en route pour remettre ce livre-épilogue à son agent, un accident le blesse gravement au milieu de nulle part. Annie Wilkes, infirmière du voisinage, le récupère chez elle. Et l’attache sur son lit de convalescence. Car Annie est la plus grande fan de l’auteur et de Misery à laquelle elle s’identifie. En claquemurant le romancier, la mythomane compte l’obliger à ne pas supprimer l’héroïne et à la mettre en scène dans un énième opus. Le huis clos explore alors, avec animosité et ironie, les relations à risque d’une admiratrice et de son idole…

Dépendances infernales

Cet échange effrayant entre deux êtres prisonniers d’eux-mêmes – Annie et ses obsessions, Paul et sa renommée – traduit les peurs que Stephen King souhaitait exorciser : l’obligation de maintenir la barre très haut afin de ne pas décevoir ses lecteurs, l’attitude parfois intrusive de ceux-ci et la dépendance à ses propres démons. Ayant eu lui-même un accident qui l’immobilisa chez lui, au côté d’une soignante (bienveillante, elle !) dont les conseils l’amenèrent à raconter son métier dans le best-seller «On Writing» («Écriture : Mémoires d’un métier»), King devint accro aux analgésiques desquels il chercha à s’extirper. «Misery» réunit ces pièges, intérieurs ou extérieurs, que génèrent le vertige du haut du podium et l’obligation d’y rester. L’auteur conte aussi ses rapports d’amour-haine avec son lectorat, celui qui lui permet de gagner sa vie tout en la pourrissant parfois. Quelques fans en prirent d’ailleurs ombrage, presque aussi ardemment qu’Annie !

Trauma moderne

Le génie de King réside aussi dans les joutes verbales de cette astucieuse allégorie où la fan mytho est la seule menace et le seul espoir de son supplicié. L’ambiance est si prenante que les acteurs ayant joué ces antagonistes en ont eux-mêmes souffert. Selon Myriam Boyer, qui fut Annie au Théâtre Hébertot (Paris, 2018) : «Tout est psychotique, renforcé par une paranoïa croissante !»

Quant à Kathy Bates, oscarisée pour ce rôle de soignante-bourreau au cinéma, elle fut souvent en larmes sur le tournage : «Quand Annie fracture les chevilles de l’écrivain avec un marteau pour l’empêcher de fuir, ses cris la laissent indifférente. Ces niveaux de cruauté étaient difficiles à gérer.» Aujourd’hui, le récit est d’autant plus pertinent que les réseaux sociaux ont créé une telle promiscuité entre stars et fans qu’elle peut rendre ces derniers hautement toxiques. Sans marteau ni couteau, juste avec quelques clics. 

Cet article est paru dans le Télépro du 10/6/2021

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