Michel Lecomte répond au tifo anti-RTBF : «Je vais demander des mesures de sécurité pour nos journalistes» (interview)

Michel Lecomte répond au tifo anti-RTBF : «Je vais demander des mesures de sécurité pour nos journalistes» (interview)
Julien Vandevenne
Julien Vandevenne Rédacteur en chef adjoint

Samedi soir, un tifo incriminait les journalistes de la RTBF au Stade du Pays de Charleroi. Le patron des sports de la chaîne publique réagit, sans mettre de l’huile sur le feu…

Comment réagissez-vous à cette attaque des supporters de Charleroi, envers vos journalistes ?

Les supporters veulent systématiquement nous mettre une étiquette, tantôt un journaliste est taxé de «Mauve», tantôt on dira qu’un autre est un «Rouche». Objectivement, ça dure depuis que les commentateurs font ce métier-là. Je pense, en effet, qu’avant, il y avait des tendances plus marquées de la part des journalistes. Je reconnais qu’ils en jouaient avec amusement, comme Roger Laboureur avec le Standard. Mais ça ne l’a pas empêché de faire son métier, même si parfois les dirigeants de certains clubs se permettaient de le rabrouer. Mais finalement, il est un peu normal d’avoir une certaine passion pour le sport ou pour une équipe, ou sinon, nous ne ferions pas ce métier-là. Il y a aussi le fait que parfois, en dehors du métier, des journalistes vont plus souvent voir les matches d’un club plutôt que d’autres. Et donc ça crée une certaine confusion dans l’esprit des gens, et ils assimilent ça à une appartenance au club. C’est un raisonnement à la fois dépassé et enfantin…

Vous comptez répondre à cette «accusation» ?

Les dirigeants des clubs ont aussi leur responsabilité dans les messages que font passer les supporters. Je pense franchement que mes journalistes n’ont qu’une seule envie, c’est de faire vivre le match dans tous ses enjeux, et la rencontre Charleroi/Standard était un super match. On nous a aussi reproché de donner trop d’importances aux banderoles. Mais elles ont une grande importance dans l’image que le football doit donner. Je suis chef d’une rédaction sportive, et ces réactions m’interpellent. Voir un enfant qui chante «Standard de m…» devant les caméras ou une dame qui crie «je les hais»… Il faut aussi le dénoncer. Aujourd’hui, on met les noms de nos journalistes sur une banderole, mais qu’est-ce qui pourrait se passer demain, sur un parking, après un match. On va donc demander à la direction de Charleroi de faire en sorte que les commentateurs travaillent dans de bonnes conditions et en toute sécurité.

En 2015, le métier n’est-il pas plus compliqué qu’il y a 20 ans?

Je ne pense pas. À l’époque où je couvrais les matches, je faisais un portrait de Marc Wilmots, et lors d’une rencontre contre Gand, j’étais au bord du terrain et je me suis fait cracher dessus, en me traitant de sale Bruxellois et sale Anderlechtois, alors que je viens du Condroz… J’ai reçu des mégots de cigarette à Bruges aussi.

Et l’attitude de Charleroi ?

Ce qui me réjouis, c’est de voir où Charleroi est arrivé, cette année. Par contre, le staff aurait dû réagir un peu plus durement. Dire que l’on n’est pas responsable de ses supporters, ce n’est pas vrai ! La responsabilité d’un club s’assume aussi dans des prises de position des fanatiques. Bien sûr que ce n’était pas l’essentiel de la soirée, et celui qui a vécu le match de l’intérieur du stade peut en témoigner. C’était un match équilibré, et les occasions n’arrêtaient pas. En plus Charleroi est en train de créer ce que l’on adore dans le sport : la surprise. En tant qu’observateur et passionné de foot, ça me réjouit ! Dans ces Playoffs, nous sommes en train de faire tomber tous les pronostics. La vérité d’une journée de rencontres ne sera pas celle de la journée suivante. Et tant mieux…

Le climat n’est pas malsain dans un contexte où la télévision remplit aussi les caisses des clubs ?

C’est vrai que le climat n’est pas toujours très bon, et j’ai l’impression aussi que ce genre de réaction est «vendeur» pour le club… Mais je ne peux pas accepter que l’on n’ait pas un débat sur ce genre de dérapages. C’est d’ailleurs ce que l’on a fait dans «La Tribune», lundi soir.

On se retrouve dans le cas français où le PSG et l’OM boycottent les journalistes de Canal + ?

Pas du tout ! J’ai les meilleures relations tant avec les Carolos qu’avec le Standard. La cellule communication des deux clubs collabore très bien avec nous. Nous obtenons toujours ce que nous demandons pour nos interviews ou les invités de nos émissions. Et plus particulièrement sur Charleroi, nous en parlons un peu plus, mais c’est parce qu’ils réalisent une saison exceptionnelle ! Nous avons renforcé la rédaction sportive du bureau local de Charleroi pour justement mieux rendre de compte de ce qui s’y passe sur VivaCité, par exemple. Du côté du Standard, l’époque des intimidations de la direction est révolue. Pendant 18 mois, ils ne répondaient plus à nos sollicitations. En résumé, je dirais qu’on en a vu d’autres… (Rires)

Un été sans foot, c’est un été où on va s’ennuyer sur la RTBF ?

Nous allons avoir le Tour de France, les Championnats de Hockey, de l’athlétisme… Ce ne sera pas l’été 2014, c’est vrai, et nous n’avons pas la prétention de dire que l’on va donner le change cette année et atteindre les même sommets. Mais les audiences des classiques cyclistes du printemps sont déjà un bon présage.

En 2016, l’Euro de foot aura le même impact que la Coupe du Monde ?

Je le pense. La France est juste à côté, et si le parcours des Diables Rouges est aussi relevé, on risque de faire à nouveau des étincelles à tous les niveaux.

Entretien : Pierre Bertinchamps

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