Michel Lecomte : «J’ai eu tellement de chance !»
Ce lundi soir, «La Tribune» fait sa fête à Michel Lecomte. L’occasion de revenir avec lui sur plus de 40 ans de carrière à la RTBF.
C’est la dernière télé de Michel Lecomte – journaliste sportif entré en 1980 à la RTBF Namur, devenu patron des sports depuis 2003 – dans «La Tribune», sur Tipik (ex-La Deux), ce lundi à 20h30. L’équipe lui a réservé pas mal de surprises, tout comme à Marcel Javaux, qui quitte l’émission après 13 ans de présence et de franc-parler dans les débats footeux.
Le Mondial à Mexico en 1986 puis le lancement de «Match 1» en 1987, un départ sur les chapeaux de roues pour le Namurois tout-terrain qui n’avait pourtant pas rêvé d’une carrière faite de stades et de ballons ronds !
Est-ce que vous appréhendez cette soirée spéciale ?
Depuis quelques jours, je sens que ça fourmille à la rédaction, et je sens qu’on travaille dans les archives, donc je sais que ce sera un grand moment d’émotions. Dans les coulisses, beaucoup de gens auxquels je tiens seront là. Ce sera un moment fort… C’est bien aussi de mettre un point final. Sur le fait d’arrêter et quitter l’antenne, je suis bien préparé à ça, même si le covid a changé la donne. Cette évidence est intégrée depuis longtemps.
Ce sera plutôt «Sacrée soirée» que «La Tribune»…
Oui… d’ailleurs, j’interviendrai très peu. Il n’y aura pas beaucoup de débats sur le foot, cette fois. Et ce qui est bien, c’est que Marcel Javaux sera là aussi. Je ne vais pas être seul au centre de la scène… Je ne connais rien de ce que les chroniqueurs et journalistes ont préparé, mais j’ai une certaine impatience de le découvrir.
Et en dehors de l’antenne, vous allez faire quoi jusqu’à la fin de l’année ?
Je reste pour passer le relais et faire en sorte que les choses se passent au mieux dans la suite, pour la rédaction. C’est bien de prendre ce temps-là. Après, je passe à autre chose, en me disant que j’ai eu beaucoup de chance avec cette carrière, et ce qu’elle m’a permis de faire.
Vous passez votre bébé, «La Tribune», à Benjamin Deceuinck. Vous auriez aimé rester ?
Je ne pense pas. J’ai fait mon temps. Benjamin avait commencé «La Tribune» tout au début. Son rôle a évolué au fil des saisons. L’heure est venue pour lui de prendre les choses en main, et il en a l’étoffe et les qualités. Il a travaillé avec l’équipe pour faire évoluer le concept, avec un décor magnifique. Pour moi, ça fait quinze ans, ça va quoi… (rires) J’avoue que c’est l’émission dont on m’a le plus parlé dans ma carrière. C’est finalement celle qui n’est pas la plus suivie en termes d’audiences, mais c’est celle qu’on suit avec beaucoup d’attention, et on s’attache à ses acteurs. J’ai présenté de grands événements, sans pour autant laisser de part de moi-même.
Qu’est-ce qui ressort le plus de votre carrière ?
J’ai adoré mon premier contact, le studio de la Coupe du Monde 1986. C’était un nouveau concept où je partageais la présentation avec André Remy. Ça changeait des habitudes de l’entretien à la mi-temps avec un spécialiste du foot. Ici, on est passé à un encadrement studio. C’était un peu de l’info-sport-tainment. J’ai beaucoup aimé parce qu’on a été soutenu par la direction de Marc Jeuniau, à qui je dois énormément, autant qu’à Roger Laboureur. J’ai aussi apprécié la couverture des J.O. Je faisais des reportages parallèles. Aux Jeux Olympiques, toutes les histoires sont belles. Même le matin, aller voir n’importe quelle discipline, il se passe quelque chose. Je passais du tir à l’arc, au judo, puis l’escrime… Journalistiquement, c’est intéressant. Les gens se sont préparés pendant 4 ans, avec des histoires de pays par rapport aux autres, qui n’ont pas les mêmes normes d’entraînement. Et évidemment «La Tribune», avec Benjamin Deceuninck, ces dernières années. Ce n’est pas simple de trouver ses marques à deux, on a réussi ce pari. Je vais partir, mais le concept de base restera.
Qu’est ce qui était plus exaltant : le terrain ou la direction des sports ?
Pouvoir décider de ce qui passe à l’écran, c’est très gai, mais je ne suis pas tout seul. Je rends des comptes. J’ai eu la chance d’avoir été soutenu par une hiérarchie sensible au message sportif, et que le sport occupe une place importante dans la vitrine du service public. Négocier, c’était excitant, et on a été attentif à toutes les évolutions. J’en ai raté une ou l’autre, mais globalement, j’ai certaines fiertés, notamment d’avoir ramené les Diables Rouges dans le giron de la RTBF. Contrairement à ce qu’on croit, les droits sportifs ne sont pas toujours exponentiels, et on peut réaliser aussi des économies. C’est ce qu’on a fait dans la dernière négociation sur la Formule 1. C’est sur base de ça que nous avons bâti une offre qui tient la route. Être le chef des sports m’a passionné, et également du côté du management ou dans le modèle d’entreprise qui a changé. Dans ce métier, on ne fait jamais deux fois la même chose de la même manière.
Qu’est-ce qui vous a manqué ?
Le reportage décalé ou raconter des histoires… On prenait du temps pour peaufiner un reportage et faire un grand format à une époque où on en faisait davantage qu’aujourd’hui. On développait une certaine sensibilité au tournage pour pouvoir ramener le bon moment. Je me rends compte que j’ai aimé mon métier sous toutes ses facettes.
Dès le départ, vous vouliez faire du journalisme sportif ?
Pas du tout. Je me suis d’abord passionné pour le journalisme. Et je pratiquais un peu de sport à côté, du foot et du tennis de table… Au centre RTBF de Namur, où j’ai été engagé, il n’y avait pas de clubs de foot de pointe comme à Liège ou à Charleroi. Être journaliste sportif au centre de Namur-Luxembourg-Brabant wallon, ça oblige à aller chercher derrière la scène pour trouver de l’information. Et là on rencontre des gens dans des disciplines plus confidentielles, mais qui ont plus de choses à raconter que des stars. C’est par ça que je me suis installé dans le journalisme sportif. Ensuite, j’ai eu l’opportunité d’aller sur «Vendredi sports» à Liège, et puis à Bruxelles. À cette époque-là, on faisait un peu de tout, il n’y avait pas des rôles définis comme aujourd’hui. Ma passion pour le journalisme prévaut sur la passion du sport.
Le lancement de «Match 1», c’était vous aussi…
J’étais le premier présentateur. C’était une petite révolution en 1987, dans la mesure où on est venu avec des résumés le samedi soir, et puis on était en direct dans les stades. Pour la petite histoire, le nom avait été trouvé par Franck Baudoncq, à l’époque. C’étaient mes débuts. Une année noire, en 1985 et la catastrophe du Heysel. Mexico 86 où le parcours de nos joueurs vient mettre du baume sur ce qui restera ineffaçable dans l’histoire de notre pays. Et la première de «Match 1» en 1987.
Internet n’a-t-il pas tué «Match 1» ?
Oui, on peut sans doute dire ça. Aujourd’hui, on arrive toujours à proposer une offre linéaire (en télé, NDLR) qui fait moins de téléspectateurs, c’est sûr, mais elle est complétée par une offre digitale.
Votre départ n’est pas terni par la crise du Covid-19 où quasi aucune compétition n’a eu lieu cet été ?
L’important, c’est que ces événements soient traités plus tard… J’aurais certainement vécu différemment en faisant une petite tournée d’adieu. Mais comme je suis prolongé jusqu’à la fin de l’année, j’aurai le temps de bien ranger mes affaires. Il y a des choses plus importantes et plus graves. Gardons la réserve et la retenue qui s’impose. J’ai eu tellement de chance de faire tout ce que j’ai fait.
Vous allez quitter définitivement la RTBF ?
Je vais certainement avoir quelques activités d’indépendant. Peut-être pas seulement pour la RTBF. D’ailleurs, je n’ai absolument rien de prévu avec la RTBF pour le moment. Je me laisse une latitude en sachant que j’ai aussi envie de vivre d’autres choses, de voir mes proches et profiter un peu de la vie avec plus d’aise et de souplesse.
On vous reverra dans les stades ?
Non. Je ne dis pas que je ne suivrai pas le foot, et il y a des clubs que j’aime bien… Pour les stades, j’ai mon club de foot à Arquet (2e provinciale Namur, NDLR), où je suis coprésident. Ça va déjà être pas mal ! Je ne dirai pas non à l’un ou l’autre grand rendez-vous au stade, mais je n’irai pas chaque week-end.
Entretien : Pierre Bertinchamps
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