Michel Drucker : «Cette émission restera parmi mes souvenirs les plus forts» (interview)
Tous les samedis soirs du mois d’août à 22.50 sur France 2, Michel Drucker nous invitera au Vieux-Port de Montréal où il recevra, aux côtés de l’animatrice Julie Snyder, les plus grands artistes français et québécois. Un talk-show à la fois spectaculaire, chaleureux et intime. Les explications du plus «québécophile» des animateurs français.
«L’Été indien» : pourquoi ce titre ?
D’abord, parce que c’est un tube, aussi connu en France qu’au Québec ! La chanson de Joe Dassin sert d’ailleurs, fort logiquement, de générique à l’émission. Ensuite, parce que l’été indien représente la plus belle saison du Québec. C’est le meilleur moment de l’été, celui qu’on n’oublie jamais… En réunissant les plus grands artistes francophones, de Céline Dion à Francis Cabrel, de Patrick Bruel à Stromae, de Stéphane Rousseau à Véronic Dicaire, «L’Été indien» a justement le charme de ces soirées estivales, complices et inoubliables.
L’émission, coproduite par la France et le Québec est diffusée tous les samedis du mois d’août sur France 2 après Fort Boyard. En outre, elle fait l’objet, fin septembre, d’un prime time sur la chaîne québécoise TVA, tout en étant diffusée dans 180 pays par TV5 Monde. Un véritable événement pour la francophonie ?
En effet. «L’Été indien» prolonge, renforce et enrichit ce pont culturel qui lie l’Europe francophone à la Belle Province. Pour la première fois, un plateau de télé a obtenu l’autorisation de s’installer sur le Vieux-Port de Montréal, offrant un panorama inédit et spectaculaire sur la métropole. Le décor, c’est la ville elle-même, avec toutes ses nuances et sa majesté… Les Québécois étaient très fiers et heureux de nous accueillir, de nous présenter leur pays – et je suis personnellement reconnaissant d’être le premier animateur européen à présenter chez eux une émission d’une telle ampleur.
En l’occurrence, vous partagez la présentation de l’émission avec Julie Snyder, la plus célèbre animatrice québécoise («Star Académie», «Le Banquier», «Le Poing J», «L’Enfer, c’est les autres»…), que vous aviez reçue en 2000 sur le plateau de «Tapis rouge»…
Oui, et devant sept millions de téléspectateurs, elle m’a spontanément embrassé sur la bouche ! Julie Snyder est totalement survitaminée, allumée même ! Elle est connue – et appréciée – pour ses audaces, sa fougue, sa folie. Avec «L’Été indien», nos deux styles, aussi différents soient-ils, s’accordent parfaitement. En cela, l’émission possède un ton pour le moins inattendu.
De fait, elle ne vous a pas vraiment ménagé…
Elle m’a réservé de nombreuses surprises. Entre deux enregistrements de «Vivement dimanche !», alors que je la rejoignais au Québec pour préparer l’émission, je me suis ainsi retrouvé sur un tout petit Zodiac, dans le golfe du Saint-Laurent, entouré de baleines ! Quel spectacle ! Je soupçonne Julie d’avoir personnellement contacté chaque baleine pour la prévenir de ma venue… Mais je suis loin d’avoir été sa seule victime. Elle a par exemple débarqué à l’improviste dans la chambre d’hôtel de Gad Elmaleh, à New York, juste avant ses débuts aux États-Unis.
Ces différentes séquences rythment l’émission…
«L’Été indien» a nécessité près d’un an de travail en amont, ce qui est rarissime pour un talk-show. Les artistes ont joué le jeu, acceptant de nous ouvrir leurs portes au cours de l’année ou de nous suivre dans d’étranges aventures… Patrick Bruel m’a ainsi accompagné, en plein hiver, sur la banquise des Îles de la Madeleine, au large de Terre-Neuve, pour assister à la naissance des blanchons. Car l’émission est l’occasion de faire découvrir les trésors du Québec à travers toutes les saisons.
Que retenez-vous des tournages de «L’Été indien» ?
Ce sont des moments qui resteront à jamais en moi, d’incroyables expériences. Je place d’ores et déjà «L’Été indien» parmi mes souvenirs les plus forts ! Rendez-vous compte que j’arrive sur le plateau en hélicoptère ! Céline Dion, elle, a choisi le ski nautique – sur le Saint-Laurent, je vous laisse imaginer… Quant à Stromae, avec sa tenue de garçonnet chic, eh bien, il vient en… vélo ! Visuellement, entre le plateau donnant sur Montréal et les séquences parcourant le Québec, le résultat est époustouflant. La coproduction franco-québécoise (Carson Prod et Productions J) a fait des merveilles.
Au-delà de son aspect spectaculaire, «L’Été indien» est aussi une émission très intime…
J’ai été souvent très surpris par ce que nous livraient nos invités. Il s’est dit là des choses qui n’avaient jamais été dites sur aucun de mes plateaux. Peut-être le fait d’être ici, dans ce pays qui respire la chaleur et la joie de vivre, a-t-il favorisé la détente et les confidences ? Pour les artistes français, il devait y avoir une part de dépaysement. Pour les Québécois, il y avait certainement le plaisir de recevoir «à domicile». L’émission est en tout cas l’occasion de les découvrir sous une toute autre facette. Roch Voisine parle ainsi de son enfance, rythmée par les tournois de hockey. Isabelle Bouley raconte la Gaspésie d’où elle est originaire – et il faut voir ce que c’est, la Gaspésie, cette province isolée au sein d’un pays quatre fois plus grand que la France. Surtout, Corneille, très connu au Québec puisqu’il y a débuté sa carrière après des études à l’université Concordia de Montréal, revient avec pudeur sur le génocide rwandais, le massacre de ses parents, sa fuite… Bouleversant.
Quel rapport avez-vous avec le Québec ?
J’ai une véritable passion pour ce pays et sa culture. À mes débuts, je recevais Félix Leclerc, maintenant je reçois CÅ“ur de pirate ! Depuis 1964, j’ai ainsi rencontré, soutenu, et contribué à faire connaître en France, trois générations de chanteurs et d’humoristes québécois. À la fin de la dernière émission de «L’Été indien», tous les artistes présents (entre autres Isabelle Bouley, Anne Roumanoff ou encore la chanteuse Ginette Reno, un monument au Québec) m’ont rendu un hommage touchant. Fêter mes cinquante ans de télévision dans ce pays qui est devenu comme le mien… Je vous laisse imaginer mon émotion ! D’autant que, alors que tout le monde chantait «Je reviendrai à Montréal», j’ai senti une tape sur mon épaule : Robert Charlebois était venu en invité surprise !
Et que représente Michel Drucker pour le Québec ?
Je suis surtout connu pour être celui qui, le premier, a reçu Céline Dion en France. Reconnaissance éternelle ! Au Québec, tout le monde parle encore de ce numéro de «Champs-Élysées». Elle avait à peine 16 ans… On me considère un peu comme son parrain.
Logique, dès lors, que Céline Dion soit l’invitée du premier numéro de L’Été indien ?
Oui, elle a généreusement accepté d’être la marraine de l’émission. D’ailleurs, cette idée d’un talk-show franco-québécois est venue d’une suggestion de son mari René Angélil, après le numéro du «Grand Show» qui lui était consacré en novembre 2012. Moi qui suis plutôt couche-tôt, j’avais discuté jusque tard avec lui. Et, à trois heures du matin, nous avions appelé Julie Snyder pour lui proposer de participer ! Vu l’heure avancée, je ne sais pas si elle nous a pris très au sérieux…
Sur le plateau de L’Été indien, le maire de Montréal Denis Coderre vous a remis symboliquement la clé de la ville. Vous êtes par ailleurs Officier de l’Ordre national du Québec depuis 2010 et avez été nommé cette année Commandeur de l’ordre de la Couronne en Belgique. Comment vivez-vous toutes ces reconnaissances ?
Disons que j’ai parfois l’impression qu’on écrit ma nécrologie un peu trop tôt… Moi, je n’ai pas vu le temps passer, et je me trouve encore un peu jeune pour les médailles. 1964-2014 : c’est juste une étape ! Cela dit, je suis heureux de me découvrir aussi en forme après cinquante ans de carrière, de continuer à exercer ce métier et de pouvoir me renouveler à travers une expérience aussi riche et émouvante que celle de «L’Été indien».
Entretien : Cyrille Latour
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