Marina Carrère d’Encausse : «Je ne crois pas au complot»
Médecin et journaliste, l’animatrice du «Magazine de la santé» (France 5) analyse la crise sanitaire liée au coronavirus.
Depuis 1999, du lundi au vendredi à 13h40 sur France 5, Marina Carrère d’Encausse présente «Le Magazine de la santé». La pandémie mondiale du covid-19, a provoqué une nette augmentation de l’audience pour ce rendez-vous quotidien qui nous éclaire, avec sérieux et fiabilité, sur nos problèmes de santé.
Personnellement, avez-vous peur de ce virus ?
Non, je suis asthmatique mais cette affection est bien contrôlée, je ne présente donc pas plus de risque que n’importe qui et comme je respecte scrupuleusement toutes les règles sanitaires, je réduis au maximum les risques d’être contaminée. Evidemment je n’aimerais pas l’attraper mais je ne suis pas du tout anxieuse, mes inquiétudes concernent uniquement mes proches, ce qui est normal.
Comment, dans une émission quotidienne, parvenez-vous chaque jour à trouver matière à parler de ce virus ?
Le matin, j’écoute et je lis toutes les infos concernant le covid-19. À partir de ces données, nous essayons de rédiger un journal en fonction des réflexions et des interrogations susceptibles d’intéresser les téléspectateurs.
Quelles sont les questions les plus plébiscitées par les téléspectateurs ?
Les questions ont évolué au fil du confinement mais celles, très concrètes, en relation avec la vie quotidienne sont les plus nombreuses : comment porter son masque, comment faire mes courses, comment nettoyer son téléphone, dois-je laisser mes chaussures sur le pas de la porte, puis-je garder mon chat dans l’appartement ? Il y a eu aussi énormément de questions sur le retour des enfants à l’école.
Qu’est-ce qui vous a le plus étonnée dans ce virus ?
Sa contagiosité importante ne m’a pas étonnée car elle existe aussi dans d’autres types de virus mais la façon dont il s’attaque à l’homme et à son immunité est le plus étonnant. Pour réduire sa propagation, le confinement a, fort heureusement, bien fonctionné. Dans la mesure où je n’en ai connue aucune de comparable à celle-là, cette épidémie reste assez inédite.
À votre avis, d’où vient ce virus ?
Je ne crois pas que ce virus se soit échappé d’un laboratoire, ni qu’il ait été fabriqué dans le but d’infecter le monde entier. Je crois qu’il fait partie de ces virus naturels qui sont la conséquence de plusieurs facteurs. Je ne suis pas du tout dans la théorie du complotisme.
La façon dont ce virus se propage vous inquiète-t-elle ?
Non, je suis rassurée par l’efficacité du confinement qui permet de disposer d’une arme contre lui. En revanche, le fait que nous ignorions toujours, si les gens qui ont été infectés sont tous porteurs d’anticorps et, si comme dans les autres types de virus, ces anticorps les protègent, est problématique. Je suis aussi assez étonnée de la suspicion des gens vis-à-vis de l’application du covid sur les portables. Pour acheter sur internet, les gens communiquent sans problème des informations très personnelles mais concernant cette application sanitaire, ils s’inquiètent d’une perte de liberté individuelle. Pour éviter une 2e ou 3e vague de l’épidémie, tracer tous les contacts est vraiment primordial.
Au début de l’épidémie, ne pensez-vous pas que le gouvernement français aurait dû reconnaître qu’il n’y avait pas assez de masques pour tout le monde ?
Non, je pense honnêtement que si on avait annoncé que les masques étaient utiles mais en nombre insuffisants pour en distribuer à tout le monde, les gens se seraient rués de manière égoïste pour les acheter dans les pharmacies et ce sont les soignants qui en auraient pâti. Dans ces conditions, la seule solution était de les réserver, en priorité, au personnel sanitaire.
Franchement, n’en avez-vous pas un peu marre de parler tous les jours de ce satané virus ?
Honnêtement non car cette épidémie est passionnante car, même si le côté scientifique est intéressant, c’est une aventure humaine incroyable. La façon dont ce virus a déboulé en Chine, puis dans les autres pays en bouleversant de fond en comble nos vies, au niveau personnel et général, est tout simplement stupéfiante.
Comment avez-vous vécu ce confinement ?
Cinq jours sur sept, je travaillais et comme j’avais la chance d’être dehors toute la semaine, j’évitais de sortir le week-end. J’ai conscience d’être très privilégiée car en plus d’exercer un métier que j’aime et qui me permettait de voir des gens, je vis dans un appartement spacieux. Le plus perturbant, et c’est toujours le cas pour un grand nombre de gens, est d’être dans l’impossibilité de faire des projets à court ou long terme.
Avez-vous le temps de vous consacrer à l’écriture d’un prochain roman ?
En fait, mon nouveau livre «Les Enfants du secret» qui est un roman policier devrait sortir ce mois-ci. Comme je suis dans l’attente de sa mise en vente, je n’arrive pas à penser au prochain manuscrit.
Vous êtes journaliste mais aussi médecin. Pourquoi ne pas avoir intégré le corps hospitalier pour soigner ce virus ?
N’ayant pas exercée depuis 20 ans, je n’ai plus les compétences pour soigner mais si le conseil de l’ordre m’avait appelée, j’aurais répondu favorablement, seulement pour apporter mon aide mais sans intégrer l’équipe médicale.
Pensez-vous que nous assistons à un changement de société ?
Je l’ignore, j’espère que les changements qui ont été amorcés durant ces quelques mois vont perdurer car il y aura surement d’autres épidémies, peut-être aussi graves que le covid-19, qui vont apparaître. J’espère que l’année prochaine le nombre de personnes vaccinées contre la grippe sera en nette augmentation mais aussi que les gestes barrière comme se laver les mains régulièrement ou, éventuellement, le port d’un masque sera désormais une habitude.
Interview parue dans le magazine Télépro du 21/5/2020
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