Les craintes du patron de la RTBF après le rachat de RTL par Rossel-DPG

Jean-Paul Philippot © Isopix

L’administrateur général de la RTBF, Jean-Paul Philippot, a dit mardi s’attendre à plusieurs « bouleversements » sur la marché médiatique belge après la confirmation le mois dernier du rachat de RTL Belgium par les groupes médias belges Rossel et DPG.

« Contrairement à ce que l’autorité belge de la concurrence raconte, nous sommes convaincus qu’il y aura des bouleversements », a confié le patron de la RTBF, longuement interrogé mardi en commission du Parlement de la Fédération dans le cadre de l’élaboration du futur contrat de gestion de la radio-télé de service public (2023-2027).

« Pour la première fois dans l’histoire, on va avoir un acteur médiatique national », a souligné M. Philippot pour qui cela aura des impacts à la fois sur le marché publicitaire ou celui de l’acquisition de droits de diffusion, mais aussi en termes de puissance de feu numérique ou encore de gestion des données des utilisateurs.

« La conjonction des activités de ces deux groupes leur permettra d’avoir des données sur l’ensemble du pays. À part l’Etat civil et la Sécurité sociale, personne d’autre n’aura autant de données! », a souligné l’administrateur de la RTBF.

Si cette puissance en matière de données permettra aux partenaires RTL-Rossel-DPG de se mesurer à Google ou Facebook sur le marché belge, M. Philippot voit toutefois d’un mauvais œil l’émergence d’un tel géant local en matières de données.  « Il pourra ainsi se créer une sorte d’exclusivité nationale. Ça, c’est très bien pour lui. Mais ça le sera beaucoup moins pour les autres… », a-t-il grincé.

Va-t-il rester aux commandes jusqu’au bout ?

Auditionné pendant près de huit heures, M. Philippot, qui était accompagné de son président du conseil d’administration, Baptiste Erkes, et de sa directrice des technologies, Cécile Gonfroid, a balayé devant les députés les défis auxquels fait face la radio-télévision publique francophone, ainsi que ses axes stratégiques de développement pour les années à venir.

Pour poursuivre le développement de la RTBF, ses responsables ont plaidé pour un cadre financier stable, ainsi qu’un contrat de gestion suffisamment souple pour pouvoir s’adapter à un monde médiatique très compétitif et en constante évolution. Pour les années à venir, l’entreprise publique entend notamment poursuivre son développement digital, élaborer un algorithme public de recommandation pour sa plateforme numérique, mais aussi soigner son travail d’information pour contre les fake news dans une société de plus en plus fragmentée.

La radio-télévision publique francophone jouit d’un budget global annuel d’un peu plus de 400 millions d’euros, dont 78% sous forme de dotation publique versée par la Fédération Wallonie-Bruxelles. La RTBF compte aujourd’hui un peu moins de 2.000 emplois, un chiffre qui a fondu d’un tiers en 20 ans. À l’heure où son pendant flamand, la VRT, vient d’annoncer un nouveau plan d’économie et l’externalisation d’une série de fonctions, M. Philippot a assuré de son côté ne pas vouloir suivre ce mouvement. « On ne va pas virer, mais accompagner et former », a-t-il promis.

Aux commandes de la RTBF depuis février 2002, M. Philippot avait été reconduit en février 2020 pour un quatrième mandat de six ans, malgré une polémique sur sa rémunération réelle bien au-delà du plafond fixé par la Fédération, qui l’avait alors obligé à rembourser le trop perçu. Interrogé sur cet épisode mardi, M. Philippot n’a pas beaucoup épilogué, confiant juste que cela l’avait « beaucoup affecté en tant qu’homme ».

Depuis lors, « la RTBF est une entreprise qui donne la plus grande transparence sur la rémunération de ses directeurs généraux », s’est-il défendu. Une transparence sans commune mesure par rapport à ce que pratiquent Proximus, la VRT ou encore RTL, a-t-il souligné.

Sondé sur son avenir professionnel, M. Philippot, théoriquement à la tête de la RTBF jusqu’en 2026, n’a pas exclu de quitter anticipativement le Boulevard Reyers si d’autres défis intéressants se présentaient à lui.  « Vais-je rester? Je n’en sais rien… », a lancé celui dont le nom avait circulé il y a deux ans pour présider France Télévisions.

Après le management de la radio-télé publique ce mardi, les députés entendront dans les semaines prochaines les autres parties prenantes de la RTBF (CSA, syndicats, etc).

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