Léonard de Vinci, l’ombre d’un doute

La Vierge au fuseau © Arte

Pour un documentaire intitulé «Léonard de Vinci : le chef-d’œuvre redécouvert», Frédéric Wilner (déjà auteur de «Toutankhamon, le trésor redécouvert») a suivi la restauration d’une version de «La Vierge au fuseau», dont la paternité pourrait être attribuée au maître de  la Renaissance. 

Dans quelles circonstances vous êtes-vous trouvé dans la boucle de cette restauration ?

Par un heureux hasard ! D’un précédent film, je connaissais la restauratrice Cinzia Pasquali, une sommité dans son domaine – c’est à elle déjà que le Louvre avait confié la restauration de La Sainte Anne de Léonard de Vinci. Un jour, donc, je la rencontre et elle me dit : “Il faut que je te montre quelque chose.” Je me rends dans son atelier, où elle me dévoile cette Vierge au fuseau et son histoire. Celle-ci a vraisemblablement été exécutée au tout début du XVIe siècle, puis on a perdu sa trace pendant trois cents ans. Le tableau est réapparu en 1809, lorsqu’il a été acheté aux enchères par un aristocrate britannique. D’Angleterre, il est ensuite passé de collectionneur en collectionneur, des États-Unis au Canada. 

Des doutes sur l’identité du peintre  s’étaient-ils déjà faits jour ?

Dans le passé, certains experts s’étaient interrogés sur l’auteur du tableau. Mais c’est seulement lorsque Cinzia Pasquali a commencé à nettoyer la couche picturale que l’on a pensé que cette Vierge au fuseau valait peut-être mieux qu’une copie. Il en émane une lumière, une transparence singulières –  autant d’éléments qui ont certainement donné envie à son actuel propriétaire de le faire restaurer. Je ne suis pas un expert, mais qu’il puisse être attribué à un maître comme Léonard de Vinci, j’ai tout de suite eu envie d’y croire.

Comment les choses se sont-elles enchaînées ?

J’ai proposé à Cinzia Pasquali de filmer un peu de son travail de nettoyage, et j’ai présenté les images montées à Hélène Coldefy, la directrice de l’unité Découverte et Connaissance d’ARTE France, qui a très vite été convaincue de la pertinence d’un projet au long cours. Car, au-delà de l’authentification ou non, il nous a semblé évident que montrer toutes les étapes du processus, à la fois la restauration matérielle et le travail d’enquête sur l’histoire du tableau, pouvait constituer une aventure inédite.

Quels ont été, pour vous, les moments  les plus forts du tournage ?

Je retiendrais d’abord celui où Vincent Delieuvin, conservateur au Louvre en charge des peintures italiennes du XVIe siècle et co-commissaire de l’exposition qui s’y ouvre a fait porter le tableau à la salle des États pour le comparer à La Joconde et à La Sainte Anne. Cela a été une expérience intense. Tout comme lorsque nous sommes allés à Mantoue consulter les archives de la correspondance d’Isabelle d’Este, ou lorsque la couche picturale du tableau a été analysée par les experts de l’Opificio delle Pietre Dure de Florence. Mais ce qui m’a peut-être le plus profondément marqué, c’est la patience qu’il a fallu aux experts pour assembler les pièces du puzzle.

Visuellement, comment vous y êtes-vous pris pour faire partager ces moments aux spectateurs ?

Le défi était évidemment de mettre tout cela en images de manière exceptionnelle. Il fallait à la fois maintenir la tension engendrée par l’investigation, mais aussi donner à voir chaque détail, jusqu’à l’infiniment petit lors des phases de nettoyage et de restauration. Si Léonard de Vinci en a été l’auteur, c’est dans chacun des gestes du peintre que l’on pourra le constater. Ce tableau est-il de lui ? L’est-il seulement partiellement ? Le débat est désormais ouvert et chacun peut avoir sa conviction.

Propos recueillis par Christine Guillemeau

Découvrez un extrait du documentaire d’Arte :

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