Le journal intime d’Adolf Hitler : faux et cher !

«Faking Hitler, l’arnaque du siècle», mardi sur La Trois, raconte en six épisodes l’incroyable mésaventure des faux «carnets d’Hitler»... © RTBF/UFAFICTION
Alice Kriescher Journaliste

La minisérie allemande, «Faking Hitler» revient sur l’incroyable histoire vraie du faux journal intime d’Adolf Hitler.

Avril 1983. Le magazine allemand Stern annonce en grande pompe une nouvelle à peine croyable. L’un de leurs journalistes aurait découvert pas moins de soixante-deux journaux intimes signés de la main d’Adolf Hitler. Le journal vend les droits à l’international et, en France, c’est Paris Match qui se procure l’exclusivité francophone pour 400.000 dollars. Seul problème, les journaux sont faux…

Obsession malsaine

Pour comprendre comment le Stern a pu se procurer ce qui est alors considéré comme le scoop du siècle, il faut s’intéresser à la personnalité du journaliste à l’origine de ce «coup» médiatique, Gerd Heidemann. «Par l’entremise d’un collectionneur, Gerd Heidemann retrouve un antiquaire est-allemand, Konrad Fischer, qui dit détenir des carnets intimes d’Adolf Hitler», détaille France Culture. «Déconsidéré au sein de la rédaction de Stern, du fait de son obsession pour le nazisme, Heidemann sollicite les propriétaires du journal, qui achètent les carnets 9,3 millions de deutsche marks. Le reporter est l’unique intermédiaire entre le magazine et Fischer.» Mais, dès l’annonce de la découverte des carnets, nombreux sont ceux à mettre leur authenticité en doute. Pour prouver sa bonne foi, la direction du Stern affirme avoir mandaté deux experts en graphologie. Ils sont unanimes : l’écriture présente dans les carnets et dans d’autres écrits produits par Hitler est identique. De son côté, le magnat des médias, Rupert Murdoch, qui a acheté les droits pour le Newsweek, a également procédé à des vérifications avec le plus grand spécialiste de Hitler, Hugh Trevor-Roper. Ce dernier est arrivé à la même conclusion.

Réputation enterrée

Le quart d’heure de gloire de Gerd Heidemann ne va cependant pas durer très longtemps. Voulant surfer sur la vague du succès, le Stern organise une seconde conférence de presse, afin de faire taire les sceptiques, en présence de Trevor-Roper. Énorme coup de tonnerre pourtant, ce dernier revient sur ses propos. «Depuis son expertise du début du mois, Trevor-Roper a changé d’avis et n’est plus du tout certain de l’authenticité du document», relate le site Curieuses Histoires. «Le Hitler des carnets ne correspond pas au Hitler historique. S’il devait refaire aujourd’hui une expertise, ses conclusions seraient tout autres.» Le scandale est immense, la réputation du magazine ne s’en relèvera jamais tout à fait.

Faussaire (mal) habile

Toujours certain de son fait, le Stern demande aux experts des Archives fédérales d’Allemagne de l’Ouest de rendre un avis sur la question. Le verdict est sans appel : les trois carnets reçus sont des faux de piètre qualité, de la première à la dernière page. «Une des erreurs commises par le faussaire fut de s’être trop appliqué à sa tâche. En effet, Hitler était connu pour ses incroyables fautes d’orthographe qui pullulaient dans tous ses écrits. Or, là, pas la moindre faute», poursuit Curieuses Histoires. La police ne tarde pas à s’emparer de l’affaire et découvre que derrière l’antiquaire Konrad Fischer se cache en réalité Konrad Kujau, faussaire de profession. En aveux, Kujau décide d’emporter Heidemann dans sa chute. «Si le Stern avait reconnu avoir payé plus de neuf millions pour les carnets et que lui n’en avait touché que deux, c’est que Heidemann s’était servi au passage.» Tous deux furent condamnés à des années de prison. Quant aux experts graphologues ? «Eh bien, ils ne se sont pas trompés. Les cahiers et les documents de la main de Hitler étaient, malencontreux hasard, produits par la même personne : Konrad Kujau.»

Cet article est paru dans le Télépro du 5/01/2023.

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