La tactique des indics décortiquée par «Complément d’enquête» (France 2)
La relation sous haute surveillance entre les policiers et ceux qui les informent. Et ce en toute discrétion.
L’appel laissé sur la messagerie téléphonique a été laconique : «Pourrais-tu me recontacter au même numéro que d’habitude. J’ai une info à te demander.» Une heure. Deux heures. Au bout d’une demi-journée d’attente, la réponse arrive, enfin. La communication est brève. «Salut.» «Salut.» «J’ai une commande, il faut que je t’en parle.» Il explique. Court, concis, direct. L’autre écoute, sans un mot. «Tu sais que tu peux me faire confiance, ça fait longtemps qu’on se connaît, je n’ai qu’une parole», termine-t-il.
À l’autre bout du fil, le temps semble s’être arrêté. Le silence, lourd, tendu. Puis la réponse : «Je sais. Mais c’est hyper sensible. Surtout maintenant, tu dois t’en douter.» Silence. «Je passe un coup de fil et je te reviens.» Tûûûût.
Il n’y aura pas de nouveau contact. Le journaliste qui appelait son ami policier fédéral pour l’aider à écrire son article doit se résoudre à l’évidence : prononcer le mot «informateur» et chercher à en savoir plus sur les relations flic-indic, c’est comme évoquer «Voldemort», celui dont on ne doit pas prononcer le nom.
Informateur vs indic
Durant la conversation, aussi brève qu’elle ait été, le journaliste a compris une chose : pour remonter la piste, il doit d’abord suivre celle de la législation belge. Celle-ci le mène à la loi concernant les méthodes particulières de recherche et plus particulièrement à l’article 47 decies paragraphe 1er du code d’instruction criminelle. Selon lui, le recours aux indicateurs, «c’est le fait pour un fonctionnaire de police d’entretenir des contacts réguliers avec une personne, appelée indicateur, dont il est supposé qu’elle a des relations étroites avec une ou plusieurs personnes à propos desquelles il existe des indices sérieux qu’elles commettent ou commettraient des infractions. L’indicateur fournit à cet égard au fonctionnaire de police des renseignements et des données, qu’ils aient été demandés ou non».
Et les informateurs alors ? Eux n’ont pas de contact avec le milieu criminel. En gros : un jour, ils ont une information, ils la livrent à la police et salut la compagnie. Comme disait l’inspecteur Bourrel de la célèbre série télé «Les 5 dernières minutes» : «Mais oui, mais c’est bien sûr !»
Under control
Suivre la piste de «l’indic», alias le tonton ou la balance, c’est inévitablement s’intéresser à son cousin terrible : le fonctionnaire de contact, alias le flic. Entre eux, trois principes : l’anonymat, la fiabilité de «l’indic», ainsi que la protection de l’intégrité physique et psychologique du policier. La relation entre les deux parties est particulièrement contrôlée.
En plus du fonctionnaire de contact, un gestionnaire local des indicateurs tient les choses à l’œil, lui-même sous l’autorité d’un gestionnaire national qui gère et coordonne le tout. Pour le policier de terrain par exemple, pas question (en principe) de voir son indicateur sans être accompagné par un collègue. Chaque rencontre doit faire l’objet d’un écrit en amont et d’un rapport (tout aussi écrit) en aval. Ça, c’est pour la théorie. En off, certains continueraient à fonctionner «à l’ancienne», à leurs risques et périls.
Le salaire de la peur
Combien y a-t-il «d’indics officiels» à l’heure actuelle en Belgique ? Combien ça coûte ? Si pour ce qui précède, on avance dans un brouillard relatif concernant les pratiques quotidiennes, sur ce point on peut parler de purée de pois. Le chiffre d’un petit millier de «tontons» est avancé.
Leur rémunération ? «Primes subordonnées à l’identification ou la capture d’auteurs, la découverte de produits délictueux…», prévoyait un arrêté ministériel avant l’entrée en vigueur de la loi de 2003. Depuis celle-ci, c’est le noir total sur ce point. «On» parle d’une fourchette allant de 250 à 6.500 € . «Sans indicateurs, pas de bonne police», n’hésitent pas à affirmer certains policiers. «Police et indics, c’est comme un vieux couple», prétendent d’autres. Un couple qui garde jalousement ses secrets.
Le magazine «Complément d’enquête» est diffusé jeudi à 22h50 sur France 2.
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