Elle a fait le succès de la VRT puis de VIER, en Flandre, et veut maintenant investir le paysage
francophone. Woestijnvis va donner un coup de pied dans la fourmilière de la production
L’information a eu l’effet d’une petite bombe, lors de la 2e rencontre du Plan TV au CSA, la semaine dernière. Alors que le sujet était le marché flamand de la télévision, Sam De Graeve, le directeur de Woestijnvis, venait expliquer la success-story de la société de production flamande à qui on doit des grandes marques de programmes comme «Man bijt hond», «De XII werken van Vanoudenhoven» ou «De Slimste mens ter wereld». A la fin de son élocution, le directeur a annoncé que 2015 serait une année charnière pour «Le Poisson du désert» (la traduction littérale du nom flamand), avec comme ambition, la conquête du marché francophone.
Woestijnvis n’est pas totalement inconnue des téléspectateurs du sud du pays, puisque c’est elle qui produit pour 11, la chaine de Proximus TV, les retransmissions de football de la Jupiler Pro League depuis 2005. Mais Woestijnvis veut aller un peu plus loin que les terrains de foot. «
Nous avons ce rêve depuis pas mal de temps», explique Sam De Graeve. «
Et pour nous, il n’y aurait pas problème à travailler en Wallonie. Nous avons le même esprit et la même façon de voir les choses. Alors, pourquoi ne pas produire des programmes du côté francophone aussi !».
La rencontre avec le secteur de l’audiovisuel au CSA a permis de faire un état des lieux de la production coté wallon. Faute d’investissements de la part des éditeurs, la Fédération Wallonie-Bruxelles est à la traîne par rapport à la Flandre qui a connu un boum de la production dans les années nonante. Mais tout n’est pas perdu ! «
Ce ne sera pas facile, et je ne sais pas si on va réussir, mais nous sommes très motivés pour ce projet !»
En Flandre, c’est la VRT qui a donné le ton de la production. Quelques années après l’arrivée de VTM, la chaine publique ne tenait pas la route face à l’ogre commercial flamand (rapidement rejoint par les anglais de VT4). Les pouvoirs publics ont donné un petit électrochoc à la BRTN en remettant sa dotation sur la table et en indiquant que la Communauté flamande ne voulait plus investir dans une télévision publique qui faisait pâle figure face au privé. Coup de tonnerre à Reyers et un fameux changement de cap. L’institution ancre son identité en devenant VRT (pour Vlaamse Radio en televisieomroeporganisatie) et est contrainte de faire largement appel à la production extérieure. Cette période verra l’émergence de boites de production comme Studio 100, Woestijnvis, De Mensen, etc…
«Nous ne cherchons pas un nouveau territoire pour pousser nos concepts sur les télévisions francophones», précise De Graeve. «Nous voulons être créatifs ici aussi, et proposer des nouveaux formats au public de Wallonie et de Bruxelles. C’est notre objectif principal.»
Marché francophone et flamand très différents
Tels un Jules César ou un Napoléon, la conquête ne s’annonce pas facile. «Nous sommes conscients qu’au sud du pays, il y a une grosse différence dans le financement des programmes et de l’audiovisuel en général, avec l’omniprésence de la télévision française (qui grappille près de 45% de parts de marché alors que les chaines néerlandaises au nord, n’attirent que 5% du public, NDLR).
C’est un obstacle difficile, mais je ne pense pas qu’au niveau de la créativité, la Wallonie soit un autre monde que la Flandre. Nous sommes très belges et nous rions d’ailleurs des mêmes choses de part et d’autre de la frontière linguistique.» Mais la France ne serait-elle justement pas l’étape ultime de Woestijnvis ? «Tout le monde dit que notre démarche est folle parce que pour réussir du côté francophone, il faut d’office passer par la France pour être vu et reconnu en Belgique. A l’heure actuelle, nous préférons venir s’installer sur le marché wallon. Nous sommes en train d’étudier la situation et le marché. L’avenir nous dira si nous faisons le bon choix !»
Woestijnvis est en tout cas ambitieux. Le directeur annonce qu’il souhaite travailler avec des équipes francophones qui connaissent leur région mais n’exclut pas une collaboration voire une mise en commun des forces de chacun. Marc Delire sera en quelque sorte le porte-drapeau de l’enseigne en Wallonie. Sam De Graeve ne précise pas encore où sera installé le siège de la future filiale.
Pierre Bertinchamps