La RTBF réhabilitée par la CEDH pour un reportage de Jean-Claude Defossé diffusé en 2006

Jean-Claude Defossé © Isopix

La condamnation de la RTBF pour un reportage de 2006, sur un couple qui avait organisé des rencontres privées de lutte féminine – avec la participation de jeunes filles partiellement dénudées – dans le gymnase d’un établissement scolaire à Rochefort, constitue une ingérence injustifiée dans son droit à la liberté d’expression, a tranché mardi la Cour européenne des droits de l’homme.

Ce reportage, diffusé dans le cadre de l’émission « Questions à la Une », avait permis au journaliste Jean-Claude Defossé de révéler l’existence de matchs de lutte féminine incluant entre autres l’enregistrement de cassettes vidéo à caractère sexuel et leur commercialisation ainsi que l’implication présumée des époux V. dans cette activité.

S’estimant injuriés par les séquences et le reportage, les époux V. saisirent les juridictions belges, demandant réparation du préjudice qu’ils estimaient avoir subi à la suite de ce qu’ils appelaient « un lynchage médiatique ».

Le couple fut condamné en 2014, notamment le mari (18 mois de prison avec sursis) pour plusieurs infractions dont certaines en relation avec les faits dénoncés par le journaliste. Mais dans une procédure distincte, la RTBF fut aussi condamnée en 2010 à un euro de dommage moral à chacun des époux, pour avoir violé le droit au respect de la vie privée et le droit à la présomption d’innocence.

Saisie, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que l’émission en question touchait indubitablement des questions d’intérêt général et qu’elle visait à informer le public des agissements suspects du couple et de l’enquête menée par les autorités judiciaires. 

L’émission touchait non seulement à la « protection de l’enfance » au sens général du terme, mais elle était aussi consacrée à une forme particulièrement grave de la violence à l’égard des enfants, à savoir l’exploitation et les abus sexuels, selon la haute juridiction basée à Strasbourg.

En effet, l’émission faisait état de l’existence d’une forme particulière de l’industrie de sexe, notamment, des spectacles dits de « lutte féminine » à connotation sexuelle et de l’implication dans cette activité de plusieurs jeunes filles, dont au moins une était mineure aux moments des faits, par une personne appartenant à leur environnement social, dit la Cour.

L’émission faisait également état du manque de confiance des autorités envers la parole des jeunes filles et des difficultés rencontrées par ces dernières pour se protéger et faire valoir leurs droits, comme le démontraient les séquences du reportage portant sur les réticences de la police de donner suite à la première plainte déposée par une des jeunes filles témoignant sous anonymat, ainsi que le refus de la directrice de l’établissement scolaire de croire le récit de la jeune fille scolarisée dans l’établissement scolaire concerné.

« Malgré le caractère léger de la sanction infligée à la RTBF, la Cour estime qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre, d’une part, les restrictions au droit (de la RTBF) à la liberté d’expression qu’ont entraînées les mesures décidées par les juridictions nationales et, d’autre part, le but légitime poursuivi, à savoir, la protection de la réputation d’autrui. »

La Belgique a été condamnée à verser à la RTBF près de 55.000 euros pour frais et dépens.

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