«La Peste» : d’une actualité brûlante !
Cette œuvre d’Albert Camus, philosophe, auteur militant et prix Nobel de Littérature (1957), publiée après la Seconde Guerre mondiale, met en garde contre toute forme d’ennemi.
À partir de lundi à 21h10, France 2 diffuse la minisérie en 4 épisodes «La Peste», adaptée et co-écrite par Georges-Marc Benamou («Le Promeneur du Champs-de-Mars»). Dans la version de Camus (1947), court une maladie qui tue les rats puis les humains. Cette peste est alors une allégorie du nazisme qui terrifie le monde. «Mais ce récit est d’une incroyable actualité», explique la traductrice Laura Marris. «Il nous rappelle le covid et les dangers de notre société actuelle.»
Miroir d’une communauté
Dans la série, l’événement a lieu à l’aube des années 2030. «On est dans une ville imaginaire écrasée par la chaleur», explique Georges-Marc Benamou. «Cette société qui sort à peine du confinement voit revenir la peste. Les habitants disposent des moyens d’information et de communication modernes, mais au fur et à mesure que l’épidémie s’étend, la région, militairement verrouillée, est coupée du reste du monde ! Elle va «mijoter» en circuit fermé.» La peste devient alors un miroir : «Il reflète une communauté : ceux qui luttent en créant des brigades sanitaires et ceux qui pointent du doigt étrangers et migrants comme étant les premiers contaminateurs à éliminer. Des miliciens s’en chargent, sans oublier les trafiquants, les combinards du marché noir, et bien sûr les héros ordinaires.»
Tel le Dr Rieux qui, au milieu du chaos, observe les réactions de chacun. Il est incarné à l’écran par Frédéric Pierrot («En Thérapie») : «Parler de Camus est très important. Cette relecture m’a plu. Chacun fait ce qu’il peut en fonction de son tempérament. Rieux, lui, ressent une colère de voir qu’il y a des gens qui s’en sortent toujours, utilisent leur pouvoir pour en avoir plus. Richesse et gloire : c’est ça aussi, la peste ! Alors qu’il faudrait redonner un sens plus beau, plus simple, à la vie.»
Le venin subsiste
Hugo Becker, dans la peau du journaliste Rambert, ajoute : «La peste illustre tous les fléaux - le totalitarisme, le racisme, et plus moderne, la télésurveillance – où chacun est partagé entre l’intérêt général et personnel. Mon personnage est déchiré entre sa noblesse d’âme et la réalité : son amour (ndlr : Sofia Essaïdi) et cette peur de perdre un être cher qui peut faire oublier tout le reste !» Pour l’historienne Marina Warner : «Le livre est profondément humaniste, il parle de mesquinerie et de générosité, de petit héroïsme et de grande lâcheté, et de sentiments comme l’amour, la bonté, le bonheur, la connexion mutuelle.» En son temps, Camus prôna déjà «la nécessité de continuer à vivre malgré des obstacles insurmontables en maintenant la solidarité.» Et prévint, lors d’un discours à New York : «Le venin n’a pas disparu. Des traces de la guerre et de la haine subsistent. Il faut y travailler.» Présentement !
Cet article est paru dans le Télépro du 29/2/2024
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