La fièvre des 70ties  sur tous les écrans !

Dans «Once Upon a Time... in Hollywood» (2019), de Quentin Tarantino, Margot Robbie incarne Sharon Tate, la femme de Roman Polanski assassinée en 1969 © ISOPIX

Remettez vos jeans «pattes d’eph’», les chemisiers aux cols «pelle à tarte» et optez pour les couleurs vives. Le revival des folles seventies bat son plein. Y compris sur Instagram.

Les premiers articles de mode de cet été illustrent un retour aux années 1970, période à l’esthétique amusante, à l’énergie positive, à l’ambiance décontractée et excentrique. Certains réalisateurs et producteurs, séduits, lui font un clin d’œil depuis quelques années, dont Quentin Dupieux avec «Au poste !» ou Quentin Tarantino avec «Once Upon a Time in Hollywood». La télé s’y met aussi avec la version 3 des «Petits meurtres d’Agatha Christie» où explosent l’orange, le jaune, le vert pomme et un certain esprit de liberté que l’on aspire à retrouver.

Super délire

N’en déplaise aux esprits chagrins persuadés qu’être nostalgique est une mauvaise approche de la vie, voire une échappatoire aux problèmes du présent, la nostalgie et ses heureux souvenirs ont du bon. Elle n’est d’ailleurs pas un phénomène récent. Dans les années 1970, beaucoup se disaient que les années 50 avaient été meilleures et, déjà, les médias illustraient ce sentiment, notamment avec la bien nommée série «Happy Days» (où débutait Ron Howard) qui relisait les fifties !

Imprimés et rouflaquettes

Aujourd’hui, nous voici embarqués dans la machine à voyager dans le temps, direction l’époque des imprimés dingos, rouflaquettes, boules à facettes, soirées sans fin sous les stroboscopes et mange-disques qui avalent de bons vieux 45 tours. «C’est quand même un gros délire ces années 1970», note le comédien Arthur Dupont, alias le flic Max Beretta des nouveaux «Petits meurtres d’Agatha Christie». «On fumait à l’intérieur, dans les bureaux, les hôpitaux, on ne mettait pas de ceinture de sécurité en se fichant de la limitation de vitesse. C’était une liberté un peu sauvage !»

Rien que le meilleur

Mais comme tout bon nostalgique, on oublie souvent le pire au profit du meilleur. Les seventies avaient aussi leur dose de soucis, entre le Watergate et la guerre du Vietnam, les émeutes racistes et les combats féministes. Voilà qui, hélas, parle à nos années 2020. Cependant, au-delà de ses crises, cette décennie est porteuse d’une authenticité et d’une attitude «carpe diem» que l’on rêve de retrouver. Ainsi, comme Sophie Révil, productrice des «Petits meurtres», autant garder le meilleur : «Les conditions n’étaient pas forcément meilleures qu’aujourd’hui, mais on rigolait bien. Alors, on prend les références qui nous plaisent pour créer notre univers !» Laura McLaws Helms, historienne américaine de la mode, embraye : «Les années 1970 ont été la première décennie à passer d’une uniformisation à une foule de styles différents. Leurs messages disaient : allez, tout va bien, on s’éclate !» Quoi de plus séduisant ?

Évasion scintillante

Sur le très moderne Instagram, des groupes se passionnent pour l’ère du polyester et des chaussures à talons compensés. Emmanuelle Dirix, historienne de la mode vivant et enseignant à Londres, l’un des berceaux du psychédélisme, étudie ce réseau de fans dont la majorité est née au début des années 2000. «Décennie marquée par le tumulte et le disco, les années 1970 nous offrent une évasion scintillante, tout autant qu’un rappel aigu de notre présent», dit-elle. «Avec une préférence pour le fait qu’il n’y avait pas de mode unique, pas qu’une seule esthétique. L’idée était nouvelle. Les femmes ont eu la liberté de s’habiller comme elles l’entendaient et, pour la première fois, l’industrie de la mode leur offrait cette opportunité. C’était le début du «style perso», où l’individualité commençait à compter. Les générations Y et Z (nés entre 1980 et 2010) – qui représentent 70 % des utilisateurs d’Instagram – semblent aspirer à cette décennie que nous considérons comme une époque plus simple !»

Tirez la langue !

Et de poursuivre : «C’est l’authenticité de l’époque que notre culture apprécie. Consciemment ou inconsciemment.» Car malgré la société et la politique d’alors, qui avaient aussi de quoi inquiéter, les gens, stars en tête, donnaient l’impression de se moquer de tout, y compris d’eux-mêmes. On cassait, bien sûr, on râlait aussi, mais avec panache. Les Stones, tout comme Albert Einstein, tiraient la langue sur les photos. On oubliait le blues en s’habillant en orange. Tony Manero (John Travolta) héros de «La Fièvre du samedi soir» menait une vie triste, entre sa famille conservatrice et son boulot ennuyeux, mais se pomponnait avant chaque sortie en boîte et, dès qu’il quittait la maison, en se trémoussant déjà dans la rue, respirait l’air de la liberté à pleins poumons ! Personne ne se fringuait en noir. Même les premiers punks aux narines torturées par des épingles à nourrice avaient des crêtes roses !

Icônes audacieuses, mais pas pathétiques

Puis, il n’y avait aucun formatage. Les stars étaient audacieuses, mais jamais ridicules, comme les Kardashian figées dans leur botox et leur quête de perfection outrancière. Avant de fouler un tapis rouge, aucun artiste ne passait trois heures au soleil ou chez le coiffeur, la manucure, le blanchisseur de dents. Tous débarquaient échevelés, blafards, les dents «nature», irrégulières, et l’œil cerné par la fête de la veille. Personne n’imposait de chorégraphies «à la Macarena».

Modèles

Emmanuelle Dirix observe : «Debbie Harry (Blondie), Bianca Jagger, Diana Ross ou Cher représentent quelque chose pour les jeunes femmes actuelles. À leur manière, elles étaient des personnalités ambitieuses, sans paraître inaccessibles, et n’ont jamais tenté de nous convaincre qu’elles étaient autre chose ou quelqu’un d’autre qu’elles-mêmes. C’est assez attrayant pour une génération qui rejette l’influence ! Les jeunes en ont assez de devoir être à la hauteur d’un idéal totalement irréalisable.»

Aussi, à l’ère du confinement, pourquoi ne pas écouter un bon «vieil» air de disco ou de soul, en s’affalant sur un tapis «shaggy» à longs poils ou en se perchant sur des «platform shoes» pour prendre de la hauteur et penser «Staying Alive» malgré tout ?

Nostalgie : une mode ?

La nostalgie est de plus en plus étudiée par les scientifiques et les sociologues. Dans «Retrotopia» (2019, Éd. Premier Parallèle, 20 euros), par exemple, Zygmunt Bauman se demande pourquoi on a besoin de revenir vers les passé, bien qu’il n’ait pas été aussi harmonieux qu’on se l’imagine. Cette «rétrotopie» est donc une vision fantasmée du passé. Les nostalgiques la préfèrent à l’avenir, comme ils préfèrent la régression au progrès et le retour vers un «paradis» perdu. Selon le sociologue, «Faute de futur désirable, avec des inégalités présentées comme étant sans remède, les résistances identitaires rêvent à la façon de vivre d’hier. (…) Cette situation est renforcée par le renversement du rôle que l’on attendait des réseaux sociaux. Ils étaient censés défaire les frontières, ouvrir le monde. Or, ils renforcent les clôtures et les dissentions…»

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