Julien Boisselier : «Éviter le piège du manichéisme»

Julien Boisselier campe un acteur qui profite de sa célébrité pour abuser de jeunes filles © France 2/CPB Films/Gilles Gustine
Nicole Real Journaliste

Ce mercredi à 21h10 sur France 2, un nouvel épisode de la série de téléfilms «Tout le monde ment» – avec Vincent Elbaz en meneur d’enquête -, qui traite de viols dans le milieu du cinéma. Sujet brûlant !

Dans cette nouvelle enquête, le commissaire Verner (Vincent Elbaz) et son équipe sont confrontés à un acteur qui profite de sa célébrité pour violer des jeunes filles en toute impunité. Le comédien Julien Boisselier (53 ans) tient ce rôle sulfureux en prise direct avec un sujet d’actualité explosif.

Pourquoi ce rôle de prédateur vous intéressait-il ?

Malgré le contexte actuel compliqué, ce rôle offrait une possibilité de sortir des sentiers battus en évitant le piège du manichéisme où on jugerait seulement le personnage. Même si on se retrouve dans la position de défendre l’indéfendable sur des comportements intolérables, le plus intéressant est qu’à travers mon personnage, on analyse l’ensemble d’un système qui permet à cet homme de violer des filles en toute impunité. Je savais que je serais questionné sur ce sujet, mais il ne faut pas perdre de vue que c’est une fiction destinée, avant tout, à raconter une histoire.

Pour l’incarner, avez-vous eu besoin de ressentir une certaine empathie pour votre personnage ?

Que ce soit un violeur, un tueur en série ou un dictateur, à partir du moment où un acteur s’empare d’un rôle, pour le défendre, il se doit de lui trouver un peu d’humanité. Cela ne signifie pas qu’il cautionne son comportement mais, pour intéresser les spectateurs, en évitant les clichés, il est indispensable de bien y réfléchir.

En tant qu’acteur, avez-vous vécu ou vu des comportements déplacés sur les tournages ?

J’appartiens à une génération qui a assisté au changement de comportement. Dans les années 1990-95, rétrospectivement et, à cause de la prise de conscience générale actuelle, j’ai souvenir d’un système hiérarchique avec des luttes de pouvoir où il était impossible d’empêcher certaines personnes d’en abuser. D’une certaine manière, nous étions tous coupables car, en restant muet devant ces agissements, tout le monde les cautionnait. Aujourd’hui, le fonctionnement a changé et c’est formidable de constater que des actes ne sont plus possibles car plus personne ne les protège. Cette évolution dans les mentalités dépasse largement le monde du cinéma. Aujourd’hui, à 50 ans j’ai le sentiment d’avoir appartenu à un monde révolu, tout en me demandant comment ces abus ont été possibles.

Quel est votre sentiment vis-à-vis du mouvement #MeToo ?

À cause des révélations de ces dernières années qui ont été un choc frontal, le comportement abusif de quelques hommes entraîne une suspicion sur tous les hommes de pouvoir d’un certain âge. Nous sommes arrivés à un climax légitime, une situation qui finira par se rééquilibrer. Mais je refuse de cautionner le lynchage médiatique qui se déchaine sans donner au système judiciaire le temps de travailler. Si certains sont coupables, les innocents accusés à tort voient leur carrière détruites. Ces lynchages médiatiques, qui font peur, provoquent de l’injustice.

Cet article est paru dans le Télépro du 7/3/2024

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