Jean-Paul Ollivier : «J’ai pris tellement de plaisir…»

Jean-Paul Ollivier : «J'ai pris tellement de plaisir...»

Il est l’une des voix du Tour de France sur France Télévisions. «Paulo la Science» vit actuellement sa 40e et dernière Grande Boucle, avec toujours autant de passion.

Il fête cette année ses 70 ans, dont cinquante ans d’audiovisuel, et quarante passés sur les routes du Tour de France. La Boucle est bouclée pour Jean-Paul Ollivier, «la mémoire du Tour», qui va prendre une retraite bien méritée. «Je me retire», dit-il simplement. Retour sur une carrière hors normes d’un homme passionné de cyclisme, d’écriture et d’histoire-géo.

Les débuts en Afrique

Sa carrière a débuté le 20 mai 1964. Jean-Paul fait son service militaire, en tant que volontaire pour l’aide technique. On l’envoie à Djibouti, «le coin le plus chaud du monde», plaisante-t-il. «Il y avait une radio, Radio Djibouti, qui appartenait à l’ORF. On m’a détaché le 20 mai 1964. Deux jours plus tard, je présentais le journal, c’était le jour de mes 20 ans. C’est comme ça que je suis rentré dans la maison.»
Le journaliste se souvient d’un côté pionnier qui lui plaisait. Et quand Alain Peyrefitte, ministre français de l’Information, annonça la création de la télévision de service public, c’est Jean-Paul Ollivier qui fut choisi pour présenter le journal télévisé à Djibouti. Il y réalise plusieurs reportages, sportifs pour la plupart. Le souvenir est vivace.

Fan de la première heure d’Hinault

Vient le temps du retour. Grand reporter à l’ORTF, il est détaché à Télévision Bretagne. Alerté par un ami, journaliste à Ouest France Saint-Brieuc, il découvre Bernard Hinault, encore cadet sur des courses amateurs. Pour rencontrer le coureur, il se rend à Melrand (dans le Morbihan), une ville-étape qu’il connaît bien pour l’avoir parcourue alors qu’il était amateur en 1961.
Lui qui a toujours eu l’ambition de devenir journaliste s’explique : «Cette passion, j’ai essayé de l’exprimer sur le vélo. J’ai fait quelques courses. On ne peut pas dire que j’étais brillant… Il n’était donc pas question de devenir professionnel. Si j’ai pris une licence et pratiqué le vélo, c’était pour ressentir les efforts des coureurs, en connaître la valeur.»
Cette fois-ci, à Melrand, pour ainsi dire, il était passé de l’autre côté de la barrière. Spectateur, observant, analysant Bernard Hinault, ce coureur hors normes : «On pouvait pratiquement deviner la classe du champion. C’était Napoléon qui pointait déjà sous Bonaparte.» Il prendra un plaisir fou à le voir enchaîner les victoires sur le Tour.

La Bretagne au coeur

Comme l’ancien caporal avec son île, Jean-Paul Ollivier a toujours voulu garder le contact avec sa Bretagne et Concarneau, où il est né en 1944. Il se souvient de ses deux grands-mères bretonnes qui ne parlaient pas un mot de français : «J’ai appris le breton à travers elles. Ce sont des racines… Une langue, c’est important de la conserver, la développer.» Un atout qui lui servit, au moment d’être engagé comme correspondant pour la Bretagne.
Aujourd’hui, il le pratique encore auprès des jeunes de son village. On regrette que l’édition 2014 du Tour ne passe pas dans sa région. Lui, en sourit. Ajoutant, tout de même, «qu’autrefois, le kilométrage du Tour était beaucoup plus important et dépassait les 4000 kilomètres. On pouvait pratiquement faire le tour de la France.»

En moto…

Il rejoint le service des sports d’Antenne 2 en 1975, après l’éclatement de l’ORTF, en 1974. Il passera plus de vingt ans sur sa moto à parcourir encore et encore la Grande Boucle. Où qu’elle passe, il passera aussi. Et l’on retrouve le gamin pédalant à toute vitesse pour ne pas manquer le passage des coureurs près de chez lui.
Pendant quarante ans, il a toujours fait ce qu’il voulait faire : «raconter, surtout. J’aimais tellement le sport cycliste que je voulais le conter moi-même.» Les cyclistes le lui ont bien rendu. Ils l’aimaient bien, justement parce qu’il avait été coureur lui-même. Ils parlaient la même langue, celle du cyclisme.

…puis en studio

Jean-Paul Ollivier est aussi un défenseur des régions et de leur patrimoine. Nombreux sont les élus qui l’appellent, à la veille du Tour, pour signaler telle église, tel moulin ou vieille pierre et lui suggèrent d’en parler à l’antenne. 12 millions de spectateurs, 3,5 milliards de téléspectateurs (source ASO, 2012). «Le Tour est apprécié partout. Le Tour a pris une dimension internationale. C’est la plus grande course cycliste du monde», s’exclame Jean-Paul Ollivier. Lui qui, en quarante ans, a vu se développer cette course, «la plus grande au monde».

Aidé par une historienne

En s’installant en studio en 20001, il réussira sa reconversion en douceur : «J’ai accepté tout de suite. Sans hésiter. J’ai fait vingt Tour de France sur la moto. On ne peut pas être et avoir été tout le temps… Avec l’âge, votre passion se dilue. Vous prenez du recul. C’est ce que j’ai fait en passant au commentaire du patrimoine. Je restais dans le Tour, et je commentais les beautés du Tour. J’étais gagnant», lâche-t-il dans un immense sourire qui dit toute la sincérité de cette confession.
C’est Charles Biétry, alors patron des sports du groupe public au tournant des années 2000, qui lui propose. Jean-Paul ne changera rien, il faisait déjà ces commentaires, mais la réalisation ne suivait pas. Campé derrière la ligne d’arrivée, derrière deux écrans, il ne manque rien de la course et de ses à-côtés. Il bénéficie sur ce point de la collaboration, «précieuse», de Catherine Soix, historienne de formation.
Comme un symbole, il accompagnera Stéphane Bern dans l’émission «Le Monument préféré des Français» (un prime time prévu le 19 septembre sur France 2).

Dingue de de Gaulle

Jean-Paul Ollivier est aussi un fan de lecture. Dans sa tête, tout est clair : l’écriture, et plus encore la lecture, sont essentiels : «C’est important pour quelqu’un qui fait de l’audiovisuel. Le style journalistique casse le style du français. Et moi, j’ai toujours aimé les belles phrases, les belles lettres…», conseille-t-il, avant d’embrayer sur les écrits du général de Gaulle. Une figure de son panthéon, qui ne comporte pas que des coureurs cyclistes.
L’écrivain est pareil au journaliste, il travaille ses angles : «Mes ouvrages sont particulièrement ciblés : « Le Tour de France du Général » (son tour de toutes les provinces françaises) ; « De Gaulle à Colombey » (son village, c’était passionnant) ; « Douze garçons d’honneur » (les douze jeunes qui ont porté le cercueil du Général).»

Et maintenant ?

Cette passion, il va pouvoir s’y consacrer pleinement, une fois à la retraite. «Je pars comme si l’aventure continuait. Je ne me rends pas bien compte. Peut-être au moment de boucler ma valise de fin», assure-t-il avant de marquer une pause. «Je ne regrette rien et je n’en veux à personne, j’ai pris tellement de plaisir».

Sébastien Pouey

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