Jean-Claude Defossé : «Les relations se détériorent entre les Belges et les communautés immigrées» (interview)

Jean-Claude Defossé : «Les relations se détériorent entre les Belges et les communautés immigrées» (interview)
Julien Vandevenne
Julien Vandevenne Rédacteur en chef adjoint

À bientôt 74 ans, après un détour par la politique, l’ancien journaliste de la RTBF débarque ce mardi à 19h45 sur RTL-TVI avec «Dossiers tabous».

En septembre dernier, RTL-TVI annonçait en grande pompe l’arrivée de Jean-Claude Defossé, l’homme des grands travaux inutiles et de «Questions à la une».

Fidèle à sa marque de fabrique, il revient avec un nouveau magazine d’investigation sans concession : «Dossiers tabous». Premier sujet sensible abordé : l’intégration réussie ou pas de l’immigration marocaine et turque en Belgique. Le journaliste nous entraîne au marché de Molenbeek, au cœur d’une salle des profs d’un athénée de Koekelberg, en passant par une école de devoir à Forest.

Il fait le plein de témoignages sur le terrain et nous livre quelques exemples de réussites. «La problématique est la même à Charleroi, Liège ou Anvers. Mais tout n’est pas blanc ou noir.»

Votre premier sujet touche à l’actualité…

Sans le vouloir, mais je ne parle pas des réseaux djihadistes et d’islam radical. On a fêté en grandes pompes le 50e anniversaire de l’immigration turque et marocaine. On peut difficilement dire que l’intégration est réussie au regard de certaines statistiques. Les enfants d’immigrés réussissent moins bien à l’école. Il y a plus de chômeurs chez les Marocains, et encore plus chez les Turcs. Il y a une discrimination à l’emploi, au logement… Il n’y a que 6 % d’entre eux qui se déclarent Belges. Je consacre un chapitre au communautarisme. Certains sont dans un repli identitaire, parfois au sein de quartiers-ghettos (50 % des Turcs vivent dans 9 communes), et sont encore sous la coupe de leur pays d’origine, à travers les mosquées, des organismes comme la Diyanet turque (qui dépend de la présidence des Affaires religieuses du pays, ndlr) et le Makhzen marocain…

Vous pratiquez la liberté d’expression, non ?

Justement, à la marche du dimanche 11 janvier pour la liberté d’expression, dans une ville comme Bruxelles où il y a 30 % de musulmans, combien d’entre eux ont défilé ? À peine 5 %. À Paris, le Premier ministre turc défilait. Il ne manque pas d’air : il y a une centaine de ses journalistes en taule. Il faut oser le dire. Je prends le risque de ne pas plaire à tout le monde. J’assume, je me ferai sans doute interpeller en rue après l’émission. Mais je constate que les relations se détériorent entre les Belges et les communautés immigrées.

Beaucoup de visages sont floutés…

Peu ont accepté de parler face caméra. On sent qu’il y a une souffrance dans l’enseignement. Les profs assistent, par exemple, à l’apparition des «burkinis» (maillots de bain islamiques recouvrant tout le corps, ndlr) à la piscine. Leurs élèves tiennent des propos créationnistes, antisémites et homophobes. Ils n’osent plus parler ouvertement. Même chose du côté des musulmans qui voudraient vivre autrement, et qui critiquent leurs communautés. Ce n’est pas un épiphénomène. Un médecin m’a contacté pour ne plus témoigner à visage découvert. Elle a vu un patient marocain dire à sa stagiaire : «Mets ton voile putain !»

Comment se fait-il qu’il y ait deux tiers de femmes qui témoignent ?

Ce n’est pas innocent, je suis féministe. La Turquie a été longtemps un Etat laïque. Son président Recep Tayyip Erdoğan a déclaré que les femmes ne peuvent pas être les égales des hommes, et qu’elles sont faites pour la maternité. C’est très inquiétant.

Ce mardi 20 janvier, votre magazine est présenté en face de «The Voice». Cela vous amuse ?

J’avais demandé à ne pas être programmé face à «Questions à la une» pour lequel j’ai oeuvré. C’est piquant de voir que ce genre de télécrochet relèverait plutôt de la programmation de RTL-TVI, et que «Dossiers tabous» serait plutôt du domaine ertébéen. «The Voice» est une solide concurrence.

Entretien : Caroline GESKENS

Découvrez la bande annonce de l’émission ci-dessous :

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici