Jean-Charles Beaubois : «La Belgique restera mon pays quoi qu’il arrive»

Jean-Charles Beaubois : «La Belgique restera mon pays quoi qu'il arrive»
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

L’ex-Monsieur Météo de la RTBF s’est exilé au Canada où il fait toujours la pluie et le beau temps, surtout au service de votre santé !

Si vous êtes un lève-tôt le dimanche matin, et que vous zappez sur le journal canadien de TV5 Monde, vers 7 h 30, vous ne manquerez pas de retrouver un visage connu. Pour quelques mois, Jean-Charles Beaubois fait un remplacement à la météo de la chaîne publique québécoise, et il referme le Téléjournal de «Ici Radio Canada». Parfois, il donne la réplique à un autre Belge de la chaîne, Fréderic Arnould… Beaubois a d’autres activités, et il vient de lancer une application qui lie bien-être/santé et météo. «Tout roule, ici… tranquille !», sourit Jean-Charles.

 

Déjà 4 années passées au Canada !

 

Le temps passe vite ! Le 24 juillet dernier, j’ai entamé ma quatrième année, ici, à Montréal. J’ai créé ma propre compagnie de météorologie (Météo Global), avec Jocelyne Blouin, qui était un peu l’Evelyne Dhéliat de Radio Canada. Nous nous sommes associés, et nous lançons une application pour les patients météo-sensibles (Blisly.com, qui fonctionne aussi en Europe). C’est-à-dire, les personnes atteintes de maladies chroniques (migraines, asthme, hypertension, problèmes cardiaques…). L’application a mis un an pour être au point avec des centres de recherche au Canada et des hôpitaux pour arriver à sortir des indices qui permettent d’adapter le quotidien par rapport aux différents facteurs météo (la température, la pression atmosphérique, l’humidité, la force du vent, la concentration de pollen…). La patient peut aussi remplir un journal avec ses données, et, à terme, il recevra un indice personnalisé. L’app. existe depuis six mois au Québéc et elle vient d’arriver en Belgique, en partenariat avec IBM. Attention, ce n’est pas un dispositif médical, mais plutôt de bien-être. On aide le patient dans son traitement, mais on ne lui conseille pas de traitement.

 

 

Et en télévision ?

 

Je présente les prévisions météo, le weekend, dans le journal. C’est un remplacement de longue durée depuis plus de quatre mois. Et je donne aussi la météo, à la radio, le dimanche.

 

C’est une vraie passion ?

 

J’avais créé aussi une petite compagnie en Belgique. C’est devenu une passion. Je m’en servais, au départ, pour naviguer, parce que je faisais de la voile. Fin des années nonante, Gérard Loverius (Directeur de la télévision à la RTBF, NDLR) m’a demandé de présenter la météo. À l’époque, c’était assez statique et empoussiéré… C’était la fin de Bruxelles-Capitale, et je suis parti là-bas, un peu par défaut. C’était ça ou rien. Finalement, je m’y suis intéressé à fond. J’ai suivi des formations supplémentaires, au point de passer des examens auprès de l’organisation mondiale de la météo. Je me suis concentré à analyser les modèles météo…

 

La façon de faire la météo est identique à Montréal ?

 

En fait, ici, il n’y a pas de prévisionnistes (ceux de Météo France, pour la RTBF, NDLR), comme c’est le cas, en Europe. On doit faire nos propres prévisions. Je vais devoir faire une intervention dans quatre heures, et c’est très court, car le Canada est immense ! C’est mon principal défi, d’ailleurs : j’ai 2 minutes 30 pour faire un bulletin météo, comme sur la RTBF, mais en Belgique, le pays est petit. Ici, au début, j’ai pas mal galéré !

Pourquoi la météo est souvent si «prenante» pour les présentateurs ?

 

Comme nous sommes dedans, on se lance des défis. On veut se tromper le moins possible, et donc, on s’y intéresse de plus en plus et on creuse. D’après des études faites à Radio Canada, j’ai un taux de réussite dans mes prévision assez élevé, mais comparativement à l’Europe, mon taux est plus bas. Les gros réseaux de météo, au Canada, annoncent une probabilité de 70%, alors qu’en Belgique, vous êtes à 98% ! C’est ce défi là qui m’amuse : l’envie de faire de bonnes prévisions chaque jour.

 

98%, on va vers une science exacte…

 

De plus en plus exacte. Je ne pense pas qu’on arrivera à 100%. Avec ce dont on dispose aujourd’hui, la météorologie a fondamentalement changé. En 28 ans, l’évolution est terriblement forte, et ces dix dernières années particulièrement. On peut presque prédire un orage ! C’est dû aussi aux échanges entre les pays. Par exemple, pour donner mes prévisions à Montréal, j’utilise le modèle européen qui est plus précis que le modèle américain. Météo France met gratuitement à disposition certaines de ses infos. Après, il faut savoir les interpréter… Ici, les chaînes de télé n’achètent pas les données météo. Avec Météo Global, nous commençons à vendre des données. Celles-ci sont plus justes que ce que Environnement-Canada (l’équivalent de l’IRM, NDLR) fournit. Faute de moyens, ils ont délaissé la communication vers le public, mais ce sont des chercheurs et des prévisionnistes de qualité aussi.

 

Avez-vous encore des contacts avec le public belge ?

 

Très régulièrement. J’ai encore pas mal d’échanges grâce aux réseaux sociaux, ce sont des gens qui continuent à me suivre. Quelques personnes m’ont repéré sur TV5 Monde, mais ce n’est pas de là. Parfois, je dis encore «septante» ou «nonante» par habitude, et je reçois des commentaires, notamment de Belges qui vivent, ici, à Montréal. C’est assez drôle.

 

Vous ne prenez pas l’accent ?

 

Non. Je prends facilement les expressions mais pas l’accent. Je connais des Belges qui sont ici depuis 15 ou 20 ans, et ils n’ont toujours pas l’accent québecois.

 

Ça ne dénote pas dans la rédaction de Radio Canada ?

 

Pas du tout. Ils sont très ouverts. Beaucoup de gens viennent d’autres pays. Les Québecois ne font pas trop attention aux origines et aux accents. J’ai plutôt des remarques sur des noms de villes que je prononce un peu trop «à la française», mais ça reste toujours très gentil. D’ailleurs, le 25 juin, jour de Fête nationale du Québec, nous étions deux Belges à faire les infos au Téléjournal (avec Frédéric Arnould).

 

 

Vous vous intéressez encore à l’actu belge ?

 

Tout à fait ! Je vois le déboire de la politique wallonne, en ce moment. Je suis toujours très accroché à la Belgique.

 

Comment avez-vous vécu les attentats de Bruxelles ?

 

C’était très émotionnel, parce que ma maman et ma fille devaient prendre l’avion, à Zaventem, à l’endroit où ça a sauté, le lendemain. Alors, on se dit qu’à une journée près… Je suis sanguin, donc, ça m’a révolté. Je n’ai pas de mots pour ce type d’attitude.

 

Vous comptez rentrer en Belgique ?

 

Je suis venu ici pour vivre ma vie, donc, sauf erreur de parcours, je ne reviendrai pas, à part pour voir ma famille et mes potes. Ma maman va venir habiter ici, d’ailleurs. J’emmène tout le monde. (rires) Mais je reviendrai de temps en temps…

 

Vous n’avez pas le mal du pays ?

 

Honnêtement, la façon de vivre au Québec et en Belgique, c’est un peu la même chose. Il n’y a vraiment que le froid qui a été le plus difficile à accepter. Des amis me manquent, et je suis content quand ils viennent passer des vacances. La Belgique restera toujours mon pays quoi qu’il arrive, et c’est sans doute pour ça que je m’intéresse toujours à ce qu’il s’y passe. Aux prochaines élections, j’irai voter à l’ambassade.

 

Vous ne comptez pas devenir Canadien ?

 

Je prendrai probablement la nationalité canadienne, mais les Belges et les Français ont le droit d’avoir la double nationalité, donc je garderai un passeport belge.

 

 

Entretien : Pierre Bertinchamps

 

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