Industrie minière, industrie mortifère
Diffusée ce dimanche à 20h50 sur France 5 et mardi à 20h30 sur La Deux, la série documentaire «Projet Green Blood» nous plonge au cœur d’une investigation mondiale qui révèle le prix humain et écologique de l’industrie minière.
Ces dix dernières années dans le monde, au moins treize journalistes ont été assassinés alors qu’ils enquêtaient sur des scandales environnementaux. Des dizaines de reporters ont été emprisonnés, arrêtés ou censurés. Seize autres morts suspectes sont toujours en cours d’analyse.
La série «Projet Green Blood», divisée en quatre épisodes et filmée tel un véritable polar, nous emmène en Inde, au Guatemala et en Tanzanie, afin de poursuivre des histoires censurées et révéler les méthodes de l’industrie minière qui fait partie des plus opaques et polluantes au monde.
Laisser une trace
Le «Projet Green Blood», c’est avant tout une quarantaine de journalistes internationaux, issus du collectif «Forbidden Stories». Ce dernier, créé il y a trois ans et récompensé par le Grand Prix 2018 des Assises du journalisme de Tours, a pour vocation de permettre aux journalistes de protéger les fruits de leurs enquêtes, le tout sur un site Web, et de laisser des instructions s’ils sont empêchés de poursuivre leurs investigations.
«D’un clic, le journaliste sauvegarde ses données sensibles», explique le journaliste français Laurent Richard, créateur de la plateforme, au journal Le Monde. «Puis, il nous laisse des instructions en cas d’arrestation, d’enlèvement ou d’assassinat.»
Pour s’assurer un système antipiratage de pointe et garantir l’anonymat des échanges en ligne, le collectif a pu compter sur l’aide d’Edward Snowden, le célèbre lanceur d’alerte qui avait révélé le scandale d’espionnage de l’Agence nationale de sécurité (NSA) américaine. «Grâce à notre outil, les enquêtes pourront rester en vie», poursuit Laurent Richard. «C’est une arme de dissuasion contre les commanditaires de ces crimes.»
La preuve par trois
Pour donner vie au «Projet Green Blood», quarante journalistes, de dix nationalités différentes, issus de quinze médias divers, ont donc enquêté durant huit mois. Cette entreprise collaborative a poursuivi les investigations de trois reporters, tous empêchés d’enquêter sur les dommages environnementaux et autres abus de compagnies minières.
Dans le premier épisode, nous découvrons les prémices de l’organisation journalistique et sa première mission : rouvrir l’enquête sur la mort de Jagendra Singh, un journaliste indien brûlé vif après avoir révélé les liens entre un ministre et les mafias qui contrôlent le marché du sable en Inde. Au Guatemala, l’enquête se concentre sur la pollution causée par la plus grande mine de nickel d’Amérique centrale. En Tanzanie, c’est une mine d’or qui est dans le viseur des reporters. Là-bas, les dirigeants miniers font tout pour passer sous silence les exactions commises par leurs gardes accusés de crimes et de viols. Confronté par les journalistes, le gouvernement tanzanien semble préférer fermer les yeux face aux accusations récurrentes.
Mine de crimes
Trois pays, trois histoires et un même secteur économique qui n’a pas été choisi au hasard, comme l’explique Laurent Richard : «Parmi les sujets environnementaux qui étaient les plus épineux, les enquêtes sur l’industrie minière sont des enquêtes toujours extrêmement dangereuses, où il y a une sorte d’État dans l’État.»
Et si l’enquête se déroule sous des latitudes qui ne concernent pas les Occidentaux, la série nous rappelle que nous sommes pourtant tous concernés. De nombreuses entreprises européennes et nord-américaines sont citées dans le reportage, dont certains géants de l’électronique qui utilisent l’or de Tanzanie dans le processus de fabrication de téléphones portables et de tablettes. Produits vendus dans le monde entier.
Une piqûre de rappel qui pose la question qui fâche : qui a véritablement ce sang vert sur les mains ?
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici