Îles des Chagos : « désertifiées » pour mieux régner !
Entre 1968 et 1973, les 2.000 habitants des Chagos sont expulsés de leur île afin de permettre l’établissement… d’une base militaire US ! Le documentaire «Un autre paradis» nous conte un triste chapitre politique et un combat – celui des Chagossiens pour retrouver leur terre – entamés il y a plus d’un demi-siècle ! À voir ce samedi soir, à 23h15 sur La Trois.
Noix de coco et armée US
Découvertes au XVIe siècle par les Portugais, les 55 îles des Chagos sont revendiquées au XVIIIe siècle par les Français, qui y créent des plantations de noix de coco. En 1814, elles passent aux mains des Britanniques, qui les rattachent à la colonie de Maurice en 1903. Seules trois îles sont habitées : Peros Banhos, Salomon et Diego Garcia. En 1965, en échange de 3 millions de livres et de son indépendance, Londres achète les Chagos à l’île Maurice. Cette nouvelle entité s’appelle désormais British Indian Ocean Territory.
L’année suivante, après signature d’un bail de 50 ans, les États-Unis établissent une base militaire à Diego Garcia. Mais pas question d’avoir les autochtones dans les pattes. Entre 1968 et 1973, les Chagossiens sont chassés ! Une note d’un ministre britannique des Affaires étrangères affirme qu’il n’y a personne là, hormis «quelques Tarzan et Vendredi». En réalité, 2.000 personnes sont forcées d’émigrer à Maurice, aux Seychelles ou en Grande-Bretagne…
Guerre froide et terrorisme
La base militaire de Diego Gracia, idéalement située à égale distance des côtes indiennes, africaines et indonésiennes, sera d’une importance stratégique capitale lors de la Guerre froide, puis dans les guerres contre l’Irak et les bombardements en Afghanistan. Courant initialement jusqu’en 2016, le bail est prolongé jusqu’en 2036. Pour se justifier, le Royaume-Uni insiste sur le rôle défensif de la base, qui protège le monde contre « les menaces terroristes, le crime organisé et la piraterie ».
L’ONU s’en mêle…
Depuis 1975, l’île Maurice n’a cessé de multiplier les procédures pour revendiquer sa souveraineté sur les îles Chagos. Et ses efforts commencent à payer depuis février 2019. Après avoir obtenu le soutien de l’Union africaine, les Chagossiens obtiennent de l’Assemblée générale de l’ONU qu’elle porte l’affaire devant la Cour internationale de justice. L’organe judiciaire principal des Nations unies a répondu que le Royaume-Uni devait mettre fin à son administration sur les Chagos «dans les plus brefs délais». Bien que l’avis ne soit que consultatif, il met l’archipel au-devant de la scène internationale et encourage les autorités mauriciennes opiniâtres à retourner vers l’Assemblée de l’ONU.
Dernières nouvelles
Ainsi, le 22 mai 2019, celle-ci a adopté une résolution de restitution des îles à Maurice. «Le détachement de l’archipel des Chagos n’ayant pas été fondé sur l’expression libre et authentique de la volonté du peuple mauricien, la décolonisation de Maurice n’a pas été validement menée à bien», déclare-t-elle. Si l’avis n’est pas contraignant, il a une forte valeur politique car 116 pays se sont exprimés en sa faveur alors que 6 s’y sont opposés (56 se sont abstenus). En février 2020, l’ONU a modifié ses cartes du monde pour apposer «Mauritius» sous le nom de l’archipel des Chagos. Mais si les 5.000 à 10.000 descendants gardent espoir, ils voient la Grande-Bretagne freiner des quatre fers dans l’espoir que leur communauté finisse par disparaître…
Article paru dans Télépro du 03/12/2020
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici