Il «neige» des films de Noël !
Aussi nombreuses que des flocons lors d’une tempête hivernale ou que des spéculoos dans une jarre en verre, les fictions «de Noël» nous mènent-elles à l’indigestion ou à la félicité ?
Doux comme des sucres d’orge, lumineux comme des guirlandes et optimistes, tels les tintements de clochettes, films et téléfilms célébrant les fêtes scintillent quotidiennement sur les écrans dès le mois de novembre. La plupart des spectateurs en redemandent. Y compris ceux qui, tout le reste l’année, rechignent à savourer un scénario-guimauve. Serait-ce bien plus qu’un miracle de Noël ?
Appétit sans fin
Aux États-Unis, principaux producteurs de ces friandises, des chaînes se consacrent entièrement aux comédies romantiques ou péripéties émouvantes. Elles en ont fait une véritable industrie au service de «la magie de la fin de l’année».
«Les gens ont faim de contenus qui les font se sentir bien et les rendent positifs !», assure l’Américaine Michelle Vicary, vice-présidente de la programmation de la chaîne Hallmark qui propose ces distractions à tour de bras, parmi lesquelles : «Un festival pour Noël», «La Mariée de Noël» ou «La Fiancée des neiges». Ce géant est désormais concurrencé par la chaîne Lifetime ainsi que par les plateformes de streaming telles Netflix et ses propres «cupcakes» – dont «Les Chroniques de Noël» 1 et 2 où Kurt Russell et Goldie Hawn campent un Père et une Mère Noël truculents. Sans oublier le 7e art dont les blockbusters ont d’abord émerveillé dans les salles et sont ensuite dégustés tous les ans, avec appétit, au même moment que la dinde ou la bûche glacée. Focus sur leurs ingrédients goûtus et intemporels.
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À tout seigneur, tout honneur
En 1990, quand Chris Columbus tourna «Maman, j’ai raté l’avion» – célèbres aventures du petit Kevin McCallister (Macaulay Culkin), il demanda à ses équipes de saisir les plans «à hauteur d’enfant», car «ceux-ci voient le monde plus grand, plus beau et plus coloré», et de soigner les décorations de la maison du héros «afin que dans vingt-cinq ans et plus, le film donne l’impression d’avoir été créé avant-hier». Si l’œuvre a eu tant de succès et est encore, à ce jour, celle qui a engrangé le plus de bénéfices (n°1 durant douze semaines au box-office américain et plus de 470 millions de dollars de recettes dans le monde), le «peps» de son scénario, écrit par John Hughes (spécialiste des comédies pour jeunes et vieux garnements : «Breakfast Club», «Denis la Malice») y est aussi pour beaucoup. Son savant dosage de douceur et d’humour légèrement cruel donne au public l’impression de côtoyer un parent piquant, mais aimant, comme c’est souvent le cas lors d’un repas de Noël !
Phantasme d’enfant !
Le long métrage répond aussi à une idée qui a traversé l’esprit de quasi tout bambin ou ex-enfant : faire disparaître sa famille, être autonome, bâfrer à sa guise et faire des blagues en toute impunité. Toutefois, il véhicule un message plus profond : le sentiment d’injustice et de rejet. Le prologue montre un Kevin harcelé, ridiculisé, mis de côté et même oublié. Mais l’épilogue prouve qu’aussi petit qu’on se sente, on compte pour autrui. Ce joli message touche toute personne qui s’est déjà sentie négligée ou ignorée, quel que soit son âge.
Les mélodies du bonheur
Outre l’imparable «Love Actually» (2003), film choral où chacun cherche l’amour, la tendresse, le pardon ou la rédemption, une autre fiction a séduit le public : «Last Christmas» (2019). Assassinée par la critique, elle a ravi les cœurs grâce au récit coécrit par la célèbre actrice Emma Thompson («Raison et sentiments», «Nanny McPhee») et à la bande-son regroupant près d’une quinzaine de hits de feu George Michael et Wham !, son ex-groupe. Via ce procédé, cette «rom-com» est le premier conte de Noël à entrer dans le registre des «films juke-box», à savoir des œuvres dont la cerise pose sur le gâteau sentimental d’irrésistibles tubes, à l’instar de «Mamma Mia !» ou «Yesterday». Le public a d’autant plus savouré cette gourmandise en apprenant qu’elle avait été validée, durant sa phase d’écriture, par l’interprète de «Faith» en personne. Le réalisateur Paul Feig a aussi respecté une demande spéciale de la star défunte, très impliquée dans la cause des sans-abri, en amenant l’héroïne du film (Emilia Clarke) à se lier d’amitié avec des SDF.
Oublier le cynisme ambiant
On retrouve cette poignée de bons sentiments et de trêve des confiseurs dans tous les téléfilms actuels, aussi attendrissants que les vitrines illuminées et les boules à neige. Eux aussi tancés, mais très regardés malgré tout, font fi des reproches. «On nous accuse de faire des produits dont on devine déjà l’épilogue positif. Mais le cinéma ne fait pas mieux. Quand on visionne « Nuits blanches à Seattle » ou « Vous avez un message », on sait d’emblée que Meg Ryan et Tom Hanks vont tomber amoureux !», s’exclame Michelle Vicary (Hallmark Channel). Et d’évoquer l’exemple de «La Vie est belle» («It’s a Wonderful Life») du mythique Frank Capra. Sorti en 1946, ce long métrage où un homme désespéré est sauvé par un ange qui lui montre combien il compte pour ses proches, fut un immense échec. Aujourd’hui, ce classique en noir et blanc est systématiquement réclamé et diffusé en fin d’année (mardi 29 décembre sur Arte et rediffusé le jeudi 31 dans l’après-midi).
«Le côté prévisible est voulu !»
Meghan Hooper, responsable des films, téléfilms et séries de la chaîne américaine Lifetime («Un gâteau sur mesure pour Noël», «L’Apprenti Père Noël»), ajoute : «Le fait que les intrigues soient prévisibles fait partie du charme. Les récits de Noël sont une pause merveilleuse qui nous fait oublier le cynisme ambiant et nous enrobe de nostalgie. Ce registre est encore un ghetto. Aussi, nos scénaristes travaillent dur pour renouveler les codes sans les dénaturer. Voici quelques années, il y avait une boulangerie-pâtisserie dans presque chaque film ! Aujourd’hui, nous évitons certains stéréotypes mais pas tous, car le public les aime. En tout cas, comptez sur nous, nos créations se termineront toujours sur une note de bonheur et d’espoir.» Vous prendrez bien un ou deux sucres dans votre chocolat chaud ?!
Formule répétitive mais gagnante
Selon l’historienne et journaliste Judith Flanders, notamment auteure de «Christmas : A Biography, «avec tant de contenus alarmants à la télévision et en ligne, réclamant notre attention à tout moment, l’envie de s’installer pour regarder des gens sympas préparer des biscuits, se réchauffer au coin du feu et tomber amoureux constitue une régression apaisante et nécessaire. Un bon divertissement «propre» est, en soi, un moyen d’ignorer certaines réalités du présent.» Et de répliquer aux personnes réfractaires à pareilles formules : «Ces formules fonctionnent parce que les gens les attendent ! Elles sont intrinsèquement liées à l’expérience de Noël et à la façon dont nous consommons les divertissements de cette période. Nous revenons aux mêmes programmes, année après année – «Le Grinch», «Le Pôle Express», des téléfilms ou miniséries. Ces fictions phares sont à la fois nouvelles et anciennes. Elles se ressemblent toutes. C’est le but !»
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 17/12/2020
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