Harold Hessel : «Les Belges adorent collectionner!»
Le commissaire-priseur préféré des téléspectateurs d’«Affaire conclue» livre tous ses secrets. Et ses émotions !
Diplômé commissaire-priseur depuis 2004, il a travaillé au prestigieux Hôtel Drouot (ventes aux enchères), chez un grand décorateur parisien, une galeriste de la rive gauche parisienne et tient un site Internet de vente d’objets d’art en ligne.
Comment expliquer le succès toujours grandissant d’«Affaire conclue » depuis cinq ans ?
Les téléspectateurs se retrouvent dans l’émission et se disent : «Pourquoi pas moi ? ». Plus de 200 personnes nous écrivent chaque jour pour proposer un objet ! Nous avons réussi à rassembler, chaque après-midi, des gens curieux d’apprendre sur des objets en s’amusant ! Ceux qui désirent venir nous voir doivent souvent faire preuve de patience car nous avons tant de demandes, par téléphone et par écrit !
Si l’on pense avoir un petit «trésor» chez soi, que peut-on faire en attendant ?
Pour un tableau, il faut déjà regarder la signature. Et voir sur Internet si le peintre est référencé. Déterminer la valeur est plus compliqué. Il est parfois difficile de déceler un authentique ou une copie. Concernant les pièces d’argenterie, le poinçon est important. Il va vous mettre sur la voie pour savoir si le tout est en métal argenté ou en argent massif. Mais les poinçons sont très variés, il y en a pour chaque époque, chaque pays et chaque ville. Dans ce cas, on peut déjà aller voir un commissaire-priseur local. Celui-ci vous aiguillera. Notre émission montre que ce métier est plus accessible qu’on ne le croit. Donc, n’hésitez pas !
Pour les sculptures, il y a souvent confusion entre le régule et le bronze…
Nous sommes souvent confrontés à ce souci ! Le bronze est un alliage de cuivre plutôt lourd, le régule est à base d’étain, plus léger. On peut donc soupeser la sculpture, tout en restant prudent car certains objets en régule sont fixés sur un socle en marbre qui leur donne presque le même poids que le bronze. Dans ce cas, il faut gratter un petit peu avec un tournevis ou une pointe de couteau à la base de la statue, à un endroit où ça ne se verra pas trop. Si un métal jaune apparaît, c’est bon signe ! Si c’est blanchâtre, ça l’est moins.
C’est trompeur !
Même à «Affaire conclue», lorsque nous regardons les photographies des objets proposés, il nous est parfois difficile d’y voir clair tant les patines sont bien faites ! Et c’est sur le plateau que l’on a ainsi des déceptions. D’où l’importance de nous envoyer, pour toute catégorie d’objet, des photos les plus précises possibles et sous plusieurs angles !
Quand vous exerciez à Drouot ou dans l’émission, vous est-il déjà arrivé d’avoir le «syndrome de Stendhal » (se trouver au bord de la pamoison car fortement séduit, ndlr) ?
Évidemment ! Quand on a en mains de magnifiques objets d’art, on se laisse forcément émouvoir ! Tant par les objets que par leur histoire que nous racontent les vendeurs. Mais mon métier a une déontologie : un commissaire-priseur n’a pas le droit d’acheter un objet qu’il a expertisé ! On pourrait croire qu’il a profité de ses prérogatives !
Peut-on être un expert autodidacte sans forcément passer le circuit des grandes études ?
En Belgique, il n’y a pas de diplôme requis pour être commissaire-priseur. En France, il faut avoir une formation universitaire en Droit et en Histoire de l’art. Puis, passer un examen professionnel. C’est un métier très encadré. La France est la seule à être aussi stricte ! Cela remonte au XVIe siècle où il y avait des privilèges royaux pour exercer ce métier. Et cette organisation très précise est restée.
C’est un gage de qualité !
C’est important pour les vendeurs, qui ont ainsi la certitude d’avoir affaire à un professionnel, et pour les acheteurs, car un commissaire-priseur engage sa responsabilité lors de l’expertise. Il est responsable de ses dires durant dix ans. Après la vente, si l’acheteur s’aperçoit qu’il a été lésé, il pourra se retourner contre l’expert ! L’organisme de tutelle des commissaires-priseurs veille à ce que la profession soit sérieuse. On n’a pas le droit de se tromper !
Il semble y avoir énormément d’affect dans les enchères…
Oui, on quitte souvent le rationnel. Puis il est aussi question d’ego ! C’est parfois un peu «la guerre» entre les acheteurs. Cette part affective est aussi un plaisir pour les téléspectateurs. C’est un incroyable spectacle à suspense.
Certains acheteurs viennent de Belgique. Et d’autres, Français, ouvrent des boutiques à Bruxelles, dont Alexandra Morelle qui s’installe au 70, Rue Blaes et, en janvier, au Sablon. Et vous, connaissez-vous bien le Plat Pays ?
Je vais régulièrement à Bruxelles. La Belgique est un vrai pays de collectionneurs. Les recevoir sur le plateau est toujours une grande joie. Il m’arrive régulièrement de prendre moi aussi le train pour aller voir des antiquaires au Sablon. Je ne me suis pas encore rendu à Liège – l’une de nos acheteuses belges, Aurore Maurice y tient un magasin – mais cela se fera sans doute un jour.
Comment gérez-vous votre notoriété ?
Elle est agréable, le public de notre émission est très respectueux. Cette célébrité n’est jamais encombrante. Lorsque je dédicace mon livre («Objets d’histoire, histoires d’objets», éd. de La Martinière) dans des salons, les échanges avec le public sont toujours sympathiques.
Ancien ou antique ?
Est-ce que le petit bronze ou la jolie sculpture découverts dans le grenier de tante Mariette ont une valeur ? Avant de les liquider, autant savoir. En commençant par ces quelques conseils de pro.
1. Qu’est-ce qui fait la rareté de votre objet ? Car sa valeur en dépendra évidemment. Une lithographie, même d’un artiste célèbre, publiée à des milliers d’exemplaires ne risque pas de s’envoler à des prix très élevés.
2. Quelles sont les matériaux utilisés, et sont-ils de qualité ?
3. D’où vient-il ? Pays d’origine, région, atelier, manufacture, école ? L’artiste ou l’auteur est-il connu ou non ?
4. Qui a été son propriétaire ? Un vase signé ayant appartenu à une personnalité vous rapportera sans doute plus que s’il était de votre arrière-grand-père. À moins qu’il fût lui-même connu !
5. Encore faut-il que votre objet soit authentique. Est-il usé, abîmé ? A-t-il été restauré ou rénové ? Si oui, il n’est pas historiquement authentique. A-t-il été bien conservé ?
6. Si plusieurs des éléments précédents sont rassemblés, n’hésitez pas à faire réaliser un inventaire. Par une maison de vente, un antiquaire ou un expert. Dans un premier temps, il se fera par téléphone ou par mail assorti de photographies. Il faudra ensuite, forcément, présenter l’objet. Et demander leur avis à au moins deux experts.
7. Notez, enfin, que le marché de l’art a ses modes. Depuis quelques années, les bibelots rares (céramiques, verreries…), les tableaux, les sculptures, les objets de collection… sont plus demandés, par exemple, que les meubles classiques.
Cet article est paru dans le Télépro du 2/12/2021
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