Gerry Conlon, l’erreur judiciaire dans toute sa splendeur

Ce 19 octobre 1989, l'homme qui lève ainsi le point est Gerry Conlon, tout juste libéré après avoir purgé quinze ans de prison pour un crime qu'il n'a pas commis © Peter Macdiarmid / Getty Images / Arte

L’Irlandais Gerry Conlon a passé quinze ans en prison pour un attentat qu’il n’avait pas commis. Arte revient sur l’une des plus grandes erreurs judiciaires de l’histoire du Royaume-Uni.

La foule s’est massée à l’extérieur de l’Old Bailey Court de Londres, la Cour pénale centrale d’Angleterre et du pays de Galles. D’abord discret, le murmure s’amplifie. Subitement, il éclate en clameur. Cheveux au vent, chemise blanche, col ouvert, un homme vient de sortir du bâtiment. Soutenu par son avocate, il dresse son bras droit vers le ciel. Poing serré, il avance. Derrière lui, il laisse quinze années de prison, quinze années de combat contre l’injustice, quinze années à crier son innocence. Ce 19 octobre 1989, Gerry Conlon est libre. Enfin.

Des coupables à tout prix

Retour en arrière. Le 5 octobre 1974, des bombes explosent dans deux pubs de Guildford, dans le Surrey. Les attentats font 5 morts et 65 blessés graves. Ils sont attribués à l’IRA, l’Armée républicaine irlandaise, qui lutte contre la présence britannique en Irlande du Nord. En Angleterre, le sentiment anti-irlandais est à son comble. La population réclame des coupables, la police anglaise lui en fournit. Le 30 novembre, elle intercepte une jeune fille et trois garçons. Parmi eux, Gerard «Gerry» Conlon. À 21 ans, il n’a rien d’un activiste de l’IRA. Bien sûr, il vient des quartiers catholiques défavorisés de Belfast, mais il a plutôt le profil d’un hooligan, comme il se décrit lui-même, petit voleur à ses heures. Il fera l’affaire. Les policiers font tout pour qu’il en soit ainsi. Enchaînés, torturés, humiliés, Conlon et ses trois amis (plutôt hippies) finissent par craquer. Placés en garde à vue pendant sept jours au nom de la loi de prévention anti-terroriste, ceux que la presse surnomme désormais «Les Quatre de Guildford» signent des aveux complets.

Une famille sous les verrous

Pendant leur procès, ils clament leur innocence, tous sont condamnés. Pour Gerry Conlon, c’est la prison à vie. Les policiers interpellent aussi sept membres de la famille de Conlon. Les «Sept Maguire» sont à leur tour condamnés et emprisonnés. Parmi eux, le père de Gerry, Patrick Conlon, 52 ans : douze ans de prison. Lui et son fils partagent la même cellule jusqu’au décès de Patrick d’une maladie pulmonaire. Jusqu’à la fin, il dénonce une erreur judiciaire et demande une révision des procès.

Dossier trafiqué

Le temps passe, «Les Quatre de Guildford» ne désarment pas. Les groupes de soutien se multiplient, des reportages sèment le doute… En 1989, coup de tonnerre, un policier prouve que les enquêteurs de l’époque ont trafiqué le dossier. Des comptes rendus d’interrogatoires ont été modifiés, des passages inventés…

Retour au 19 octobre 1989. L’homme qui sort du tribunal de Londres le poing tendu vers le ciel n’exulte pas. Aux micros tendus vers lui il déclare : «J’ai été en prison pendant quinze ans pour un crime que je n’ai pas commis et dont je ne savais rien (…) J’ai vu mon père mourir dans une prison britannique pour quelque chose qu’il n’a pas fait». Gerry Conlon écrit son autobiographie, un film («Au nom du père», de Jim Sheridan avec Daniel Day Lewis et Emma Thompson) lui est consacré. Mais jamais il ne récupère le fil de sa vie. Il cède à l’alcool et à la drogue, tente de mettre fin à ses jours… Même les excuses du Premier ministre Tony Blair, en 2005, n’y changent rien. Ardent défenseur de toutes les victimes d’injustices, des Aborigènes aux détenus innocents, il décède d’un cancer du poumon en 2014.

Cet article est paru dans le Télépro du 5/08/2021.

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