«Friends», «Seinfeld», «The Office» : voici pourquoi les plateformes VOD s’arrachent les «vieilles» séries
Quelque 500 Millions de dollars pour «The Office», 425 pour «Friends», et bientôt plus d’un milliard pour «The Big Bang Theory» : à l’heure où les plateformes de vidéo en ligne, engagées dans une bataille sans merci, rivalisent de nouveautés, les vieilles séries valent encore de l’or.
En 2018, Netflix a produit 140 nouveaux programmes différents. La série la plus regardée ? « The Office », une adaptation américaine de la série britannique du même nom, produite par la chaîne NBC et dont le dernier épisode remonte à six ans. La série arrive très largement en tête, selon le cabinet Nielsen, suivie par « Friends » (1994-2004), loin devant les séries « maison » de Netflix.
En 2021, le géant du streaming devra pourtant se passer des travers drolatiques du manager Michael Scott (incarné par Steve Carell) et de son équipe, qui déménageront sur la nouvelle plateforme vidéo de NBCUniversal, moyennant 500 millions de dollars sur cinq ans.
Dès l’an prochain, l’ogre californien devra aussi renoncer à « Friends », qui viendra alimenter l’offre de la nouvelle plateforme HBO Max de WarnerMedia (groupe AT&T), pour 425 millions, également sur cinq ans.
Depuis 2010, lorsque Netflix a basculé dans la vidéo en ligne, chaînes et studios avaient généralement pour politique d’utiliser la plateforme comme une troisième fenêtre, après la diffusion initiale et les rediffusions sur les chaînes classiques, moyen de rentabiliser encore davantage un programme. Mais avec près de 160 millions d’abonnés dans le monde, Netflix menace aujourd’hui directement les acteurs de la télévision historique, poussés à contre-attaquer au plus vite.
Dès novembre, Apple et Disney vont lancer leur propre plateforme, puis WarnerMedia et NBCUniversal dans les 12 mois à venir. Et ils ont engagé des milliards de dollars pour acquérir et créer des contenus susceptibles d’attirer les abonnés et de rivaliser avec Netflix.
« Partager des programmes qui attirent les gens n’est pas un bon modèle », déclarait, en février, Kevin Reilly, responsable de la nouvelle plateforme de streaming de WarnerMedia, HBO Max, en réponse au transfert de « Friends ». « Ils doivent être exclusifs. »
Disney a adopté la même stratégie pour sa future plateforme Disney+, où elle diffusera en exclusivité tous les films Marvel, Pixar et ‘Star Wars’, alors que certains étaient jusqu’ici visibles ailleurs. C’est un changement fondamental pour ces séries historiques dont les rediffusions en boucle sur certaines chaînes du câble avaient un peu dilué la valeur.
« Netflix va le sentir passer », annonce Dominic Caristi, professeur de communication à l’université de Ball State, dans l’Indiana. « Ils seront toujours numéro un, pour un moment encore, mais ils vont perdre des parts de marché. »
Et la plateforme Hulu devra faire sans la série culte « Seinfeld », dont elle perdra les droits en 2021. Nul ne voit les séries emblématiques des années 90 et 2000 comme susceptibles d’attirer, à elles seules, des abonnés, mais, pour les plateformes, « il s’agit de s’assurer qu’il y a suffisamment de contenu qui vous intéresse », souligne cet expert.
Dans ce catalogue, rien ne vaut une comédie, pas même les immenses succès que furent « X-Files », « Breaking Bad », ou « Mad Men ». « Vous n’avez pas besoin de les regarder dans l’ordre », souligne Dominic Caristi. « Vous pouvez regarder un épisode au hasard » et l’apprécier, dit-il.
Paradoxe, les plateformes sont prêtes à débourser des centaines de millions de dollars pour ces séries mais n’en produisent quasiment pas elles-mêmes. « Personne ne semble plus savoir comment faire des comédies », observe Michael Lembeck, qui a réalisé des dizaines d’épisodes de sitcoms célèbres, notamment « Friends ».
Les séries actuelles « sont provoc, alternatives, et vous regardez ça avec de la distance », alors que dans le cas des séries historiques type « Friends », « on adore se laisser entraîner », dit-il. « Je pense que les plateformes n’ont pas repris ce format parce que le streaming, par nature, est fait pour présenter aux gens des histoires qui se déroulent de manière linéaire, comme un film », analyse Dana Coen, scénariste et professeur à l’université de North Carolina.
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