Frédéric Etherlinck (Eurovision 1995) : «J’aurais pu avoir la carrière de Pascal Obispo !»

Frédéric Etherlinck, à la présentation des "Traîtres", en novembre 2021, sur RTL-TVI © RTl Belgium - Isopix
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

Révélé récemment aux commandes des «Traîtres» sur RTL-TVI, l’animateur nous avait représenté en 1995, à Dublin. Souvenirs et confidences

«La Voix est libre». Rien que le titre remet la mélodie dans la tête. Un tube de 1995 qui nous avait représenté, en Irlande, au Concours Eurovision de la chanson. Si au départ, Frédéric Etherlinck était parmi les ultra-favoris à la course au Grand-Prix, les choses ne se sont pas passées comme prévu. La chanson termine à la 20e place, mais le chanteur n’en garde pas moins un excellent souvenir.

Comment vous-êtes vous retrouvé à participer à l’Eurovision ?

Ce n’était pas du tout une envie. Je regardais l’Eurovision quand j’étais gamin, mais à ce moment-là, je ne savais même plus que ça existait encore… Je venais de signer un contrat chez Universal (Polygram). J’étais fier parce qu’avec Maurane, on était les seuls Belges parmi Vanessa Paradis, Johnny Hallyday ou Alain Bashung. Mais j’étais un triste inconnu… La maison de disques m’a appelé pour représenter la Belgique à l’Eurovision. J’ai éclaté de rire parce que je venais de faire un album blues/rock plus proche de Bashung. L’Eurovision n’a rien à voir avec mon style musical. Qu’est ce que je vais aller faire à l’Eurovision ?

Vous avez eu le choix ?

J’ai vite compris que si je disais «non», je n’aurais plus d’avenir chez eux. Une équipe était déjà sur le coup, et ils voulaient que je travaille avec Alec Mansion qui a un pote (Pierre Theunis, NDLR) qui venait d’écrire une chanson qui s’appelle «La Voix est libre». Ce n’était pas du tout l’esprit de ce que je faisais. C’était très variété française. Mais je n’ai pas vraiment eu le choix… Et on rentre en studio où ça ne se passe pas trop mal. Ce n’était pas encore gagné, il fallait passer par la finale nationale de la RTBF.

Ça s’est passé comment ?

C’était un peu comme un mini-Eurovision, mais présenté par Thierry Luthers. On n’avait pas un bon son sur scène, et comme j’étais passé le premier qui essuyait les plâtres, je pensais que ce serait foutu. Contre toutes attentes, le vote du public était derrière moi. À partir de là, pour un jeune chanteur qui n’a fait que du piano-bar, se retrouver du jour au lendemain à Dublin, numéro un du «Hit parade», c’est un souvenir exceptionnel.

Est-ce que ça signifiait que vous partiez favori ?

On est arrivé à Dublin, avec une délégation de 80 personnes, et la personne qui nous prend en charge nous dit «Je suis super fière de m’occuper de la Belgique, car ici, vous êtes en tête du charts depuis 7 semaines !» J’étais aux anges ! On a traversé la ville avec plein de monde sur le passage. Je me prenais presque pour Elvis Presley, à  25 ans. Pendant une semaine, ça a été la folie. Sorties, gala, la totale… Jusqu’au vendredi où on fait quelque chose de nouveau pour moi, c’est-à-dire une sorte de répétition générale devant un parterre d’invités. C’est filmé en direct au cas où il y aurait un couac lors de la retransmission du lendemain. La pression commence à monter. Pour cette émission, tout se passe bien, je suis en pleine forme. Tellement, qu’on sort après et je rentre le lendemain à 7 heures du matin… Du coup, je ne suis pas dans mon assiette, et j’ai encore plus le trac. Et surtout, à 13h, je devais être en direct dans le JT de la RTBF avec Jean-Pierre Hautier.

Ça s’annonçait mal pour le direct du samedi soir…

Plus les heures avançaient, plus j’étais stressé, alors que la veille, tout avait franchement bien été. Je suis fatigué, j’ai mal au crâne… et surtout, j’ai le trac. Je me souviens, juste avant que l’on ne commence, on était dans les 4 premiers pour les bookmakers. C’était assez incroyable. Arrivé sur scène, le stress monte encore plus, d’autant que c’était l’édition des 40 ans du Concours, avec pas mal de personnalités dans la salle. Normalement, l’orchestre démarre sur le 3e signal, et en fait, les signaux continuent, il ne démarre pas. De longues secondes de silence… Malgré cela, je fais une bonne prestation. Je suis super-content.

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Pourquoi avez-vous terminé à la 20e place ?

Je me suis retrouvé avant-dernier, mais ça m’importait peu. J’étais content d’avoir chanté juste ; l’équipe de la RTBF était moins à la fête. Arrivé à Bruxelles, des milliers de personnes m’attendent avec des drapeaux. Ma vie a changé complètement : pendant un an, je n’ai pas arrêté de chanter. Je suis passé par toutes les villes de Belgique, je ne comptais plus les passages télé… Bref, j’étais très médiatisé. On a vendu 88.000 singles, ce qui est immense pour notre pays. Les Belges ont trouvé mal payé que je finisse avant-dernier !

Votre tenue n’a-t-elle pas été mise en cause ?

On avait l’habitude de toujours voir un chanteur bien habillé avec une veste ou un costume, et là, moi, j’étais en jeans avec une chemise ouverte. Comme j’étais très stressé, j’ai eu envie d’être bien dans mes pompes et d’être moi-même. J’ai cassé les codes, et je n’ai pas mis le blazer avec la belle chemise et le beau pantalon. On me l’a reproché… Depuis, ça a beaucoup changé. J’étais le premier rebelle de la mode à l’Eurovision ! (rires)

Après l’Eurovision, on ne vous a plus beaucoup entendu…

Un an plus tard, j’ai eu une jolie proposition de BMG France qui travaillait avec Patrick Bruel et qui venait de lancer Roch Voisine. Ils hésitaient entre deux nouveaux chanteurs, Pascal Obispo et moi. Je devais revenir, deux jours plus tard, avec une chanson pour voir à quelle vitesse je pouvais composer. Le producteur était d’accord de me prendre, mais c’était sans mes musiciens. Je ne voulais pas les lâcher, c’est eux qui m’ont accompagné jusque là… Donc, c’est Obispo qui a signé avec la carrière que l’on connaît ! Au même moment, mon frère décède d’un cancer, et j’ai tout arrêté. Quand la tempête est passée, je n’ai pas eu envie de refaire ce métier, et je suis parti vivre au Canada. Les téléréalités sont arrivée avec la «Star’Ac», et ce n’était plus le même chanson.

Quel regard portez-vous sur l’Eurovision, 27 ans plus tard ?

J’ai 53 ans aujourd’hui, et j’ai vécu une expérience hallucinante que je ne vivrai plus jamais de ma vie. Si on me redonne les commandes, je le refais avec plaisir. En 2022, il n’y a pas une semaine où on ne parle pas de l’Eurovision 1995. Ça a marqué les esprits, je n’en reviens pas. Finalement, cette avant-dernière place me convient très bien. J’ai bien vendu et je me suis fait connaître. Au Canada, je suis devenu acteur et j’ai joué dans une cinquantaine de films. Des rôles de seconds couteaux, mais j’ai gagné ma vie comme ça, et j’ai pu travailler avec Gérard Depardieu, Isabelle Adjani ou Richard Berry.

Que faites-vous aujourd’hui ?

Je me suis mis à l’écriture d’un stand up d’humour , où je vais raconter ma vie et certainement l’Eurovision.

La chanson ne vous manque-t-elle pas ?

J’ai adoré ça, et encore aujourd’hui, je trouve que c’est le plus beau métier du monde. Vous arrivez sur une scène et vous chantez des chansons qui font du bien aux gens et qui les font sourire. Que peut-on faire de mieux ? J’ai écrit de nouveau des chansons quand j’habitais au Québec, mais elles ne sont jamais sorties. Mes amis me disent de les sortir, mais je ne sais pas… Le monde de la musique a tellement changé.

Vous regardez encore l’Eurovision ?

Oui, quasi chaque année. Maintenant que je l’ai vécu, je connais les coulisses, et je sais ce que vivent les chanteurs. Ça m’amuse un peu… Et aujourd’hui, c’est devenu l’un des plus gros shows au monde.

Après l’Eurovision, on ne vous a jamais proposé d’être juré d’un talenshow ou autre ?

C’est incroyable, mais non ! J’adorerais être coach dans «The Voice».

Et l’expérience télé dans «Les Traîtres» sur RTL ?

C’était génial, et pourtant c’est aussi une histoire rocambolesque. On m’avait appelé pour faire des voix off sur l’émission «Histoires de familles» avec Sabrina Jacobs, sur RTL-TVI. Et comme ils ont aimé ma voix, ils m’ont proposé de présenter un nouveau concept de jeu. Je les ai vus venir, et au début j’étais réticent, un peu trop échaudé par la téléréalité. Après avoir visionné la version hollandaise originale, j’ai accepté. Ce rôle de présentateur, un peu châtelain était tout à fait pour moi ! Et je me suis régalé aussi. J’espère qu’il y aura une saison 2…

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