Francorchamps, le grand défi
La Formule 1 est de retour à Francorchamps. Pour conserver l’événement, une véritable partie d’échecs se joue sur le drapeau à damier.
Images aériennes du circuit, voix off du narrateur : «Le temps s’annonce beau et le splendide circuit de Francorchamps n’en sera que plus attrayant.» Pause dans le commentaire, plans de la foule bigarrée dans les tribunes, des mécanos qui s’affairent autour des bolides, son d’ambiance sur fond de vrombissements de moteurs et d’interventions nasillardes du speaker dans les haut-parleurs. Retour de la voix off. «Dimanche, Michel Vaillant et Steve Warson se retrouvent côte à côte pour la troisième épreuve du Grand défi : le Grand Prix de Belgique à Francorchamps.»
Dans le premier tome des aventures de Michel Vaillant, «Le Grand défi», le dessinateur Jean Graton met en scène son héros sur le circuit national. Départ des essais chronométrés à La Source, ligne droite des stands qui plonge vers L’Eau Rouge, remontée du Raidillon… tout y est. En 1958, c’est d’un match entre constructeurs et pilotes qu’il s’agit : Européens et Américains s’affrontent sportivement dans quatre épreuves. Trois quarts de siècle plus tard, le récit prend des allures prémonitoires.
À quelques nuances près. À l’Europe et à l’Amérique s’est ajoutée l’Asie. Quant à l’enjeu, il s’agit maintenant de décrocher une place dans le calendrier des Grand Prix F1. La bataille s’annonce rude.
Francorchamps est au départ
«Le GP de Formule 1 de Belgique ? 1 € investi rapporte 9,67 € (dont 7,33 € pour la Wallonie) de valeur ajoutée.» Au mois d’octobre dernier, Willy Borsus, ministre wallon de l’Économie, dévoile les résultats d’une étude qu’il a commandée au cabinet Deloitte. Pour lui, plus de doute : l’événement est un atout majeur pour la Wallonie et son économie. Le rapport révèle des retombées de plus/près de 41,8 millions d’euros pour la Région (déduction faite de l’intervention du gouvernement qui vise à couvrir le coût annuel). En cinq ans, le chiffre a doublé, les rentrées en recettes fiscales (pour les communes de Stavelot et Malmedy) sont en hausse de 216 %, les recettes perçues par l’État fédéral augmentent, elles, de 22 %. De quoi justifier amplement les investissements consentis par la Société Spa Grand Prix, détenue à 100 % par la Région wallonne via son bras financier, le fonds d’investissements public Sogepa (Société wallonne de gestion et de participations). Plus de rentrées donc, et, dans le même temps, moins de sorties : de 7,5 millions d’euros en 2018, le coût du Grand Prix est passé à 5,7 millions en 2022.
Le retour de Bob Cramer
Tous les voyants semblent donc au vert pour la manche belge. D’autant que les organisateurs ont gonflé le moteur pour séduire les décideurs de la F1 (des financiers américains de Liberty) et faire de Francorchamps un rendez- vous incontournable. La capacité d’accueil est passée de 100.000 à 110.000 places assises par jour, les animations se sont multipliées : des DJ pour faire le show (notamment Lost Frequencies cette année), un «Dinner in the sky» avec vue imprenable sur «le toboggan ardennais», une journée réservée aux associations et aux enfants défavorisés… L’édition 2023 affiche complet. «Près de 90 % des visiteurs attendus sont d’origine étrangère et environ 50 % d’entre eux viennent des Pays-Bas», indique la directrice de Spa Grand Prix, Vanessa Maes.
Tout serait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, sauf que rien n’est joué pour les prochaines années. Le but de Liberty est de travailler sur l’Amérique, l’Asie-Pacifique et l’Europe avec huit Grands Prix pour chaque zone. Dans cette version remaniée des aventures de Michel Vaillant, l’irréductible ennemi ne s’appelle pas «Bob Cramer», mais «Grand Prix de France» ou «Grand Prix d’Allemagne». Tous deux ont disparu du calendrier en 2024. Ils souhaitent le réintégrer au plus vite. Le retour en 2026 d’Audi sur les grilles de départ pourrait, notamment, jouer un mauvais tour à Francorchamps. On pourrait alors se diriger vers une alternance avec Zandvoort, aux Pays-Bas. «Ce n’est pas évident car tous les Grands Prix européens vont renégocier pour 2025 et 2026, mais on essaie de mettre toutes les chances de notre côté», estime Melchior Wathelet Junior, président de Spa Grand Prix. Suite au prochain épisode.
Brad dans le «cock’Pitt»
Et si Brad Pitt venait faire un tour à Francorchamps ? L’acteur américain de 59 ans tourne en ce moment un film dans lequel il interprète le rôle d’un pilote de F1 retraité, forcé de reprendre du service pour aider un petit jeunot à se lancer. Le réalisateur Joseph Kosinski («Top Gun : Maverick») prévoit des tournages à Silverstone, en Hongrie, en Italie et… sur l’anneau ardennais. Brad sera-t-il au départ de la course, ce dimanche à 15.00 ? Pour éviter tout dérapage, les organisateurs mettent le frein et refusent de confirmer.
Cet article est paru dans le Télépro du 27/07/2023.
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