François Heureux : « »Matin Première » ne va pas aller chasser sur le terrain de VivaCité !»

François Heureux © RTBF / Martin Godfroid
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

La nouvelle saison de la matinale de La 1ère sera sous le signe de reconquête de la Wallonie.

Trop Bruxelloise, la matinale de La 1ère ? Sans doute… Pour y remédier, toute l’équipe de «Matin Première» va souvent prendre l’air en Wallonie cette saison. «C’est tout d’abord une volonté générale d’aller plus à la rencontre de notre public», explique François Heureux. «Et essentiellement les Wallons parce qu’on sait qu’on est très forts à Bruxelles. Nous ne sommes pas assez implantés auprès des auditeurs qui pourraient écouter La 1ère. C’est une façon de colorer la chaîne.» Première escale, ce lundi 28 août 2023, pour la rentrée des classes, direction une école à Braives, en province de Liège.

Est-ce que vous n’allez pas prendre du public aux décrochages de VivaCité ?

Pas du tout. C’est vrai qu’à Bruxelles, «Matin Première» fait mieux que «Bruxelles Matin», mais je connais des gens qui écoutent et La 1ère et VivaCité. Les deux stations ne sont pas excluantes, elles peuvent être complémentaires. Nous allons entrer dans une année où l’information sera primordiale et cruciale, parce qu’il y aura les élections, et parce que ça fait plusieurs années que l’on vit des crises, et ça ne risque pas de s’arrêter. Aller à la rencontre des auditeurs pour les informer, ça fait partie de nos missions. Même un auditeur de VivaCité, il peut de temps en temps venir écouter l’Invité de Thomas Gadisseux ou le billet de Bertrand Henne. Ce n’est pas pour ça que Viva va perdre des auditeurs. Notre volonté n’est pas d’aller chasser sur le terrain de VivaCité mais plutôt de trouver de nouveaux publics, voire des personnes qui n’écoutent pas forcément la radio.

Comment toucher le Wallon quand on est très bruxellois ?

Tout simplement en parlant de lui ! La façon la plus simple est de parler ce qui se passe près de chez lui. On va aussi diversifier nos intervenants pour ne pas avoir que des gens de l’ULB, etc…

Le ton de «Matin Première» va changer ?

Non. Ce n’est pas la volonté. On a un ton qui est déjà plus décontracté par rapport à ce qui se faisait avant. Quand j’écoute «Matin Première», je n’ai pas l’impression d’écouter une radio qui pète plus haut que son… et qui est chiante. Nous avons réussi à être à la fois sérieux et crédibles sur l’info tout en restant détendus. La volonté est de s’ouvrir davantage aux réalités wallonnes. Et on ne va pas non plus abandonner les Bruxellois…

Vous serez de sortie chaque semaine ?

Non, on va plutôt vers une sortie mensuelle. C’est un gros déplacement. L’idée est que toute l’équipe déménage entre 7h et 9 h. Pour la rentrée, ce sera une école. Si on parle mobilité, ce sera une gare ou si on évoque les soins de santé, on ira dans un hôpital… Tous ces enjeux seront aussi au menu des campagnes électorales. Ce sera l’occasion d’avoir les échos des personnes de terrain, comment ils vivent leur métier et quelles sont leurs attentes au niveau politique. On ne fera pas comme VivaCité, c’est-à-dire donner la parole aux auditeurs. Ce n’est pas la vocation de La 1ère. Notre vocation, c’est rendre compte de la réalité du quotidien des gens et leur donner un peu plus la parole, sans être la radio Vox Populi.

Vous êtes aux commandes de «Matin Première» depuis 2016, la matinale est arrivée à maturité ?

Oui, on a tout d’abord un collectif qui fonctionne bien et qui va dans le même sens. Nous avons notre vitesse de croisière, avec un va-et-vient dans les signatures. Ensuite, le ton, la volonté d’informer et le déroulé de la matinale fonctionnent bien. Je m’y retrouve bien dedans. C’est à la fois sérieux et plus léger. On a imposé un ton crédible mais tendu, parce que c’est le matin et qu’on ne veut pas se prendre la tête. Aujourd’hui, cette matinale me ressemble et je m’y sens bien. Par exemple, avec Gui-Home, on a apporté une nouvelle signature, certes déroutante, mais qui a fait parler en bien comme en mal. Pour lui aussi, venir sur La 1ère n’était pas évident mais ça a été un tremplin.

Pourquoi ne pas avoir un seul humoriste, tous les jours ?

Au départ, Thomas Gunzig venait souvent et en en parlant avec lui, c’est un exercice usant et c’est compliqué de se renouveler tous les jours… En France, Alex Vizorek ou Nicolas Canteloup ont plusieurs auteurs. Ce ne sont pas les mêmes moyens. Chez nous. Christophe Bourdon ou Thomas Gunzig écrivent leur chronique seuls. Si on leur demande de le faire tous les jours, on va sentir que ce ne sera pas du même niveau à chaque fois. Je préfère avoir un bon Bourdon ou un bon Gunzig une fois par semaine.

Quelque chose manque dans «Matin Première», selon vous ?

Parfois nous manquons de vécu. Nous sommes très bons en analyse, en décodage ou en décryptage mais aller chercher le bon témoignage, un témoignage fort d’une personne au cœur de l’actualité, on pourrait être meilleurs là-dessus.

Est-ce difficile de faire une matinale ?

Oui. (rires) C’est compliqué parce qu’on essaie d’être dans l’info de ce qui va se passer dans la journée. On doit donner le ton de la journée avec le bon interlocuteur sur la bonne info. C’est ça qui est le plus difficile, et on n’y arrive pas tout le temps. Et parfois, l’actualité bouge tellement vite que tard le soir, on réécrit la conduite ou on change d’invité. On essaie aussi de ne pas taper toujours sur le même clou et ne pas faire que de la politique. Bref, nous devons être dans l’air du temps et ne pas reprendre le même menu que la veille… ce n’est pas simple, mais c’est génial !

Qui est votre principal concurrent ?

Nous n’avons pas un grand concurrent, parce qu’il n’y a pas de vraie autre matinale d’info généraliste, en Belgique francophone. En France, c’est plus clair avec RTL, Europe 1 et France Inter. Chez nous, personne ne fait la même chose que nous. VivaCité ne vise pas le même public. Sur Bruxelles, BX1 lance aussi sa radio mais ce sera très bruxellois. bel RTL est l’autre grande station généraliste, et par exemple, à 7h45, Martin Buxant arrive avec une nouvelle impulsion, ça va nous challenger. En plus, c’est en période électorale où chacun voudra recevoir le meilleur interlocuteur qui fera l’actu du jour.

Et LN24 ?

Quand on a annoncé leur arrivée, nous nous sommes posés pas mal de questions aussi, et ça nous a challengé aussi. On a cru que ce serait un concurrent sérieux. Ils ont fait du bon travail, mais la radio de LN24 n’a jamais vraiment fonctionné. Ça ne m’a pas fait peur mais c’était un nouveau concurrent sur le marché. Visiblement, la volonté n’est plus de faire une chaîne tout info… On verra.

Être seul sur le marché, c’est mieux ?

Je suis un peu déçu des résultats des audiences de La 1ère. J’ai l’impression qu’elles ne correspondent pas à la réalité. J’ai l’impression que nous sommes plus écoutés que ça… Nous avons un succès d’image et d’estime qui va au-delà des 6 ou 7 % de la fourchettes des audiences du CIM. Pour moi, nous sommes sous-estimés par les sondages… Avoir un vrai concurrent, ça nous doperait peut-être un peu aussi.

Interview : Pierre Bertinchamps

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