Être mère : dur dur à l’écran

Kristen Bell, Mila Kunis et Kathryn Hahn jouent les «Bad Moms» © ©Metropolitan Film export

Les mères sont les héroïnes du quotidien. Voilà sans doute pourquoi les fictions s’emparent si souvent de ces personnages dont les innombrables tâches sont autant de moments pleins d’émotions. Mais ne subiraient-elles pas un peu trop de pression ?

Caricaturales – jusqu’à faire mourir de rire ou de peur – ou réalistes, les représentations de la figure maternelle dans la fiction en montrent chaque facette. Pour déstabiliser le public, les metteurs en scène bousculent leur image de douceur en filmant des marâtres inquiétantes, telles Karin Viard dans «Jalouse» (2017) face à son enfant qui prend un trop bel envol à son goût, Barbara Hershey manipulatrice face à Natalie Portman dans «Black Swan» (2010) ou Faye Dunaway qui terrifie ses enfants adoptifs au cœur du mythique long métrage «Maman très chère» (1981). Dans les comédies, les scénarios traitent avec humour des joies et difficultés de la maternité. Mais quels que soient les qualités et défauts de ces mamans, toutes fascinent car, comme dans la vie, elles ont un rôle majeur.

Pas de baguette magique

L’un des rôles maternels les plus emblématiques du cinéma français des années 2000 est sans aucun doute celui d’Anne, incarnée par Sophie Marceau, dans «LOL». Elle élève trois enfants dont Lola, jeune fille rebelle avec laquelle elle entretient un lien fusionnel. Loin de l’amusante caricature de Mouchy, l’envahissante et étouffante Marthe Villalonga d’«Un éléphant, ça trompe énormément» (1976) et de «Nous irons tous au paradis» (1977), Anne joue la carte de la proximité. «Avec Lola, Anne apprend au jour le jour, consciente que, comme toutes les mères, elle ne dispose pas d’une baguette magique», explique Sophie Marceau.

© ISOPIX

Une bonne architecte

Et ce n’est pas un hasard si la réalisatrice du film, Lisa Azuelos, lui a donné le métier d’architecte. «Une famille ressemble à une maison», poursuit Sophie. «Il ne suffit pas d’avoir eu la belle idée d’en créer une ! Il faut s’y investir, veiller à ce que les fondations restent solides, les réparations effectuées… Une tâche qui réclame une présence et un labeur constants, en jouant la carte de l’harmonie et du dialogue, même si celui-ci passe parfois par des affrontements !» Déjà dans «La Boum» (1980), alors elle-même adolescente, l’actrice, alias Vic, avait pour maman la très tolérante Brigitte Fossey, complice compréhensive avec juste ce qu’il fallait d’autorité. Mais tous les enfants de fiction n’ont pas eu cette chance…

Je t’adore moi non plus

D’autres ont eu affaire à des mamans excentriques, à côté de la plaque, telle Juliette Binoche dans «Telle mère, telle fille» (2017). Elle y incarne Mado, mère-enfant qui… squatte la maison de sa fille Avril (Camille Cottin) et vit une seconde grossesse tardive, alors que son aînée est elle-même enceinte ! «Cette mère, on l’a dessinée fofolle, hippie, en totale opposition avec sa fille méticuleuse, classique, responsable», explique la cinéaste Noémie Saglio. «On a poussé les dissonances au maximum, parce que le comique repose sur le conflit. Mais ces deux-là s’adorent ! Alors, des disputes, des exaspérations, des coups de gueule, oui, mais toujours sous perfusion de tendresse !»

© Flamme Films – Gaumont – France 2 Cinéma – Pan-Européenne

Se disputer sans se brouiller

«Mado est dans l’air du temps !», ajoute Juliette Binoche. «Les journaux sont remplis de témoignages de « quadrados » ou « quinquados » qui, ayant élevé leur progéniture, veulent profiter ensuite d’une nouvelle vie. Sa fille a beau la trouver insupportable et écervelée, elle la considère comme une maman exceptionnelle. Je trouve formidable l’idée du scénario : que mère et fille soient si « apocalyptiquement » fusionnelles !» En 2018, dans le road-movie bien nommé «Ma mère est folle» (2018), Vianney joue un fils qui se réconcilie avec une maman un peu trop absente et irresponsable (formidable Fanny Ardant), mais ô combien attachante. «Mon personnage est plus sage que sa mère ! Il est même un peu coincé», explique le chanteur enchanté. «Mais il finit par accepter la femme qu’elle est, avec ses travers ! Ce sont des rapports enfants-parents d’aujourd’hui. On se respecte, on s’affronte et on accepte d’apprendre l’un de l’autre.»

Liens violents et magnifiques

«On parle de « liens du sang » comme d’une chose que l’on ne trahira jamais. On peut se battre avec le siens, mais on ne se brouille pas : c’est à la fois violent, magnifique et protecteur !», ajoute Fanny Ardant.

Ces mêmes liens peuvent aussi se nouer lors d’une adoption. C’est le thème de «Mother and Child», qui a bouleversé les trois stars du film : Naomi Watts, dans la peau d’une jeune femme se demandant pourquoi sa mère (Annette Bening) l’a abandonnée à la naissance, sans savoir que celle-ci tentait de la retrouver, et Kerry Washington en récente divorcée espérant tout de même pouvoir adopter. Grand Prix au Festival de Deauville en 2010, ce drame signé Rodrigo García évoque le pardon et l’acceptation réciproques. «L’adoption, comme la conception naturelle, font ressortir tout ce qu’une femme a de plus humain en elle», confiait Annette Bening. Et Kerry Washington de conclure : «La maternité est une épopée captivante. Après cet incroyable bouleversement de vie, on n’est plus jamais la même. On se découvre des forces nouvelles !»

Cet article est paru dans le Télépro du 6/05/2021.

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